Taillon se dit victime d'un complot

ADQ - les dérives

Robert Dutrisac - Québec -- Le chef de l'Action démocratique du Québec, Gilles Taillon, se dit victime d'un putsch ourdi par les «anciens propriétaires» du parti, notamment Mario Dumont et le sénateur conservateur Leo Housakos, l'ancien grand argentier adéquiste, parce qu'il a mis fin à «l'alliance intouchable» entre le Parti conservateur du Canada et l'ADQ.
Dans une lettre qu'il a transmise, hier, à certains médias mais qui a vite circulé, Gilles Taillon accuse aussi Éric Caire et Gérard Deltell d'avoir joué un rôle ces derniers jours pour le discréditer. Il se dit victime d'un «travail de sape» qui a commencé dès son élection et qui n'a jamais cessé depuis.
Cette lettre n'a pas été envoyée au préalable aux quatre membres du caucus de l'ADQ, selon le porte-parole adéquiste, Sébastien Lépine, y compris le député de Shefford, François Bonnardel, qui se trouvait pourtant aux côtés de M. Taillon mardi, au moment de l'annonce de son départ prochain.
«Les masques sont tombés, écrit Gilles Taillon. Je comprends aujourd'hui, avec les sorties publiques des anciens "propriétaires" du parti, Mario Dumont en tête, que mon élection à la tête de l'ADQ signifiait pour ces gens la fin d'une alliance intouchable.»
Gilles Taillon confirme aussi qu'il a décidé de demander aux autorités policières de faire la lumière sur «des éléments troublants concernant le financement de notre parti dans les années antérieures», ce qui implique Leo Housakos, qui fut le président de la Commission de financement de l'ADQ. «Avec le gaspillage et les malversations mis au jour par les médias, plus personne ne peut se fermer les yeux», estime Gilles Taillon.
Gilles Taillon écrit qu'il a rencontré M. Housakos à Ottawa, quelques jours après le congrès de l'ADQ tenu en mai dernier, pour lui faire part de «vive voix» que «l'ADQ travaillerait aux seuls intérêts du Québec, et ce, sans aucune attache à quelque parti fédéral que ce soit».
Au moment où Gilles Taillon déverse son fiel mais jette aussi des doutes sur la légalité du financement de l'ADQ sous la gouverne de Mario Dumont, le député de Chauveau, Gérard Deltell, se laisse ouvertement courtiser et envisage de devenir le prochain chef du parti, qu'un couronnement désignera. L'ancien journaliste trouve «émouvant» de recevoir autant d'appuis, notamment celui des fondateurs du parti, Mario Dumont et Jean Allaire.
Gérard Deltell parlait déjà comme le chef d'un parti en reconstruction, hier. «J'ai le goût de défendre les idées de l'ADQ plus que jamais, a-t-il affirmé. «C'est sûr que la situation du parti est douloureuse, elle est pénible. Ça me fait mal au coeur de voir ça, a-t-il livré au Devoir. Mais il n'est jamais trop tard en politique. Des renversements, ça peut arriver.» Il a cité les cas de Jean-Paul L'Allier, donné perdant contre Andrée P. Boucher, et de Bill Clinton.
À son émission quotidienne sur les ondes du canal V, Mario Dumont a ironisé sur la machination dont Gilles Taillon se dit l'objet. «Il se dit victime d'un complot qui aurait été orchestré d'Ottawa à Québec, en passant par Montréal, a-t-il livré. On comprend que sur le plan professionnel -- il a vécu une brillante carrière -- il vit cette semaine un échec difficile. Je ne pense pas qu'il faille chercher un complot si savamment orchestré.»
Des membres du personnel politique de l'ADQ à Québec n'ont pas manqué de s'étonner de la démarche de celui qui est encore leur chef, certains estimant qu'il déraillait complètement.
À Ottawa, le Parti conservateur a nié l'existence d'une alliance PC-ADQ. «Le Parti conservateur a toujours pour objectif de bâtir un parti où ses militants, ses bénévoles et les gens sur le terrain se considèrent comme conservateurs d'abord, et de ne pas avoir d'alliance formelle avec un quelconque parti provincial», a indiqué Dimitri Soudas, le porte-parole de premier ministre Stephen Harper.
Au bureau de M. Housakos à Ottawa, on a indiqué, hier, que le sénateur «ne sent pas concerné» par les éléments qu'a évoqués Gilles Taillon au sujet du financement de l'ADQ. On a souligné que Gilles Taillon est le chef de ce parti et que, à ce titre, il fait les gestes qu'il veut bien.
Selon la biographie de Mario Dumont qu'a écrite Denis Lessard, Leo Housakos était le seul responsable du financement de l'ADQ pour l'élection de 2007, et c'est lui qui a signé un chèque de 50 000 $ ayant servi de dépôt pour la location des autobus de campagne.
Selon une source, la prime de 50 000 $ versée à Mario Dumont en sus de son salaire de député, c'était une idée de Leo Housakos. L'affaire avait fait grand bruit lors du congrès adéquiste de mars 2008. La soirée de financement à Montréal, à laquelle s'était dépêché Mario Dumont plutôt que de rester à Québec lors de la crise du budget en juin 2007, avait été organisée par M. Housakos, qui avait la main haute sur toutes les activités de financement d'importance du parti, a-t-on indiqué.
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Avec la collaboration d'Hélène Buzzetti et de La Presse canadienne


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