Succès et faiblesses de l’intégration des immigrants

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Pour assurer la pérennité du Québec français, il faut mettre en place des politiques natalistes


Plus de 40 ans après l’adoption de la Charte de la langue française en 1977, les Québécois demeurent très liés à cette loi mythique. Malgré son parcours parfois chaotique, elle a été le fer de lance du renforcement du statut du français au Québec.


Il ne fait aucun doute que le chapitre de la loi 101 qui concerne la langue d’enseignement a été couronné d’un succès rapide et éclatant, surtout en comparaison à la loi 22 de 1974 avec ses tests linguistiques très impopulaires imposés à de très jeunes enfants. Bien qu’imparfait et incomplet — ce chapitre de la loi 101 ne couvre toujours pas l’enseignement collégial malgré quelques promesses électorales —, il a orienté des milliers d’enfants vers les écoles françaises, enfants dont la plupart auraient été scolarisés en anglais sans cette intervention de l’État.


Si la question de la langue d’enseignement pour les enfants des immigrants a été résolue par la Charte de la langue française, on ne peut en dire autant de la sélection et de la francisation des immigrants adultes. Absentes de la Charte, ne relevant du ministre responsable de la loi 101 que depuis novembre 2019, ces deux dimensions laissent toujours à désirer. Outre que la sélection des immigrants ne s’applique pas à tous les candidats à l’immigration, le programme de francisation des adultes n’a jamais atteint ses objectifs jusqu’à maintenant.


Rapport dévastateur


Le Rapport du Vérificateur général du Québec de 2017 est dévastateur à cet égard. Malgré le fait qu’en juillet 2009 le gouvernement estimait que ses services de francisation devaient être « évalu[és] en priorité », le Vérificateur déplore qu’aucune évaluation n’ait été faite depuis 15 ans. Outre que le ministère « ne réussit pas […] à joindre la majorité des immigrants adultes […] ayant déclaré ne pas connaître le français », les délais d’attente sont très longs. En outre, on déplore de nombreux abandons. Enfin, « les niveaux visés [sont] rarement atteints par les finissants [du] programme ». Conséquemment, s’étonnera-t-on que le nombre d’immigrés ne connaissant pas le français augmente d’un recensement à l’autre, notamment pour ceux arrivés ici depuis dix ans ou plus ?


En 2019, la loi 9 du gouvernement Legault a été présentée comme étant « la pierre angulaire [d’une] réforme » visant une meilleure « adéquation entre les besoins de main-d’oeuvre du Québec et le profil des candidats » à l’immigration. « En modulant les critères d’invitation en fonction des besoins actuels du Québec », le gouvernement espère « inviter en priorité les personnes qui ont les profils recherchés ». En retour, le gouvernement s’engage à « mettre en place une offre de service efficace et personnalisée en matière de francisation et d’intégration ». Il va sans dire que les compilations statistiques de la prochaine décennie seront examinées de très près pour en mesurer les effets.


Globalement, cette politique linguistique a tout de même conduit à un renforcement de la situation du français. En ce qui a trait à la connaissance générale du français au Québec comparativement à celle de l’anglais qui se fait tout naturellement en Ontario, on note un rapprochement presque complet.


Par contre, nous sommes loin de nos objectifs en ce qui a trait au choix de la langue parlée au foyer par les personnes de langues tierces (allophones). Si la proportion d’Ontariens allophones parlant anglais au foyer a encore légèrement augmenté entre 1971 et 2016, celle concernant les allophones québécois qui ont choisi le français a connu une forte progression. Cependant, de grands progrès restent à faire pour faire jeu égal avec l’Ontario.


Succès relatif, car les projections démolinguistiques montrent toujours une tendance à la baisse du pourcentage de francophones au Québec, notamment à Montréal. Voir ici un paradoxe suppose que le Québec pouvait faire l’économie d’une politique de population grâce à sa politique linguistique. Or, aucune politique linguistique — aussi parfaite, aussi complète et aussi rigoureusement appliquée que possible — ne saurait remplacer, après 50 ans de sous-fécondité (!), une politique recherchant le remplacement des générations, soit 2,1 enfants par famille en moyenne.


L’époque de la « revanche des berceaux » a camouflé l’importance de l’intégration des immigrants à la majorité francophone. Bien que l’immigration internationale soit une responsabilité partagée entre le gouvernement fédéral et ceux des provinces en vertu du British North America Act de 1867, la plupart des provinces laissent le champ libre au gouvernement fédéral.


Ce fut le cas du Québec jusqu’à la signature de l’accord Cloutier-Lang de 1971. Il aura fallu connaître un effondrement de notre fécondité au cours des années 1960 pour s’inquiéter de la pérennité du français et pour s’intéresser à l’immigration internationale. Or, de nos jours, se pourrait-il que la Charte de la langue française cache à son tour l’importance de hisser notre fécondité de 1,59 enfant par couple en 2018, à un niveau suffisant pour assurer le remplacement des générations, ou voisin de ceux de la Suède, du Royaume-Uni, des États-Unis ou de la France (entre 1,87 et 1,97 enfant en 2018) ?


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Des Idées en revues


Chaque mardi, Le Devoir offre un espace aux artisans d’un périodique. Cette semaine, nous vous proposons une version abrégée d’un texte paru en français dans l’édition spéciale pour les 40 ans de la loi 101 de la revue Language Problems & Language Planning, 2019, volume 43, no 2.








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