Solidaires et libéraux : même combat

Dans la grande bataille de l’identité, les Solidaires et les Libéraux sont du même côté : celui des rouges anti-nationalistes

Citoyenneté - la "lettre de Jean Charest"

[«Une citoyenneté à deux vitesses : Libéraux et Québec solidaire dénoncent le projet de Pauline Marois»->9717], titrait Le Devoir dans un article paru dans son édition des 20 et 21 octobre. Plusieurs ont dû sursauter en lisant ce titre, tant il est rare de voir les deux partis qu’on imagine aux antipodes d’accord sur une question aussi importante. Pourtant, une analyse fine nous révèle qu’il s’agit d’un phénomène facilement explicable, voire tout à fait normal.
Mais d’abord, rappelons les faits. Le Parti Québécois a proposé de créer une citoyenneté québécoise à laquelle serait attachée notamment le droit de se présenter aux élections. Comme dans de nombreux pays démocratiques, cette citoyenneté serait octroyée aux nouveaux arrivants après qu’ils aient appris les rudiments de la langue nationale. Il n’y a donc rien de révolutionnaire là.
Néanmoins, les libéraux ont critiqué violemment cette proposition avec des arguments particulièrement spécieux; Benoît Pelletier parlant d’une citoyenneté à deux vitesses, alors que le projet de loi du Parti Québécois prévoit une seule citoyenneté et les mêmes droits pour tous les citoyens québécois, et Philippe Couillard rappelant la déclaration de Jacques Parizeau sur le vote ethnique, alors que la proposition péquiste ne concerne pas le droit de vote. Mais la palme de la critique de mauvaise foi revient à Françoise David qui dit trouver inadmissible de retirer des droits à des citoyens ne parlant pas français, alors même que le projet de loi protège totalement les droits acquis et prévoit conférer un droit supplémentaire à tous les citoyens, celui d’apprendre le français. Et ce n’est pas tout, car Françoise David parle de « nationalisme fermée » et Philippe Couillard de « fermeture ».
Pour expliquer cette troublante alliance, deux causes peuvent être invoquées : une internationale et une nationale. Au niveau international, il est clair que la gauche radicale a presque toujours été contre la nation : « Prolétaires du monde entier unissez-vous » disaient les communistes. Or, le communisme a beau avoir disparu, son anti-nationalisme primaire demeure. Les ennemis d’hier sont devenus les amis d’aujourd’hui, les anti-nationalistes de gauche étant unis avec les néo-libéraux dans leur combat contre les frontières nationales. C’est ce qu’aux États-Unis on appelle l’alliance entre la « multicultural left » et la « corporate right ». La fonctionnalité de cette alliance est apparue encore récemment alors que, fort de l’appui des grands patrons et de groupes à gauche des Démocrates, le président Bush a proposé de régulariser la situation de millions d’immigrants illégaux, et ce alors qu’il existait des alternatives. On peut penser par exemple à celle proposée par Bill Richardson, candidat d’origine hispanique à l’investiture démocrate pour la présidentielle, qui propose que ces immigrants apprennent l’anglais avant d’obtenir leur citoyenneté. Donc, il n’y a pas qu’au Québec que la gauche radicale est l’allié objectif de la droite au pouvoir dans ce dossier.
Ceci dit, il y a tout de même une particularité québécoise. C’est qu’ici, les partis, leurs noms et leurs chefs changent, mais les deux tendances de fond qui ont traversé notre histoire demeurent: celle des bleus et celle des rouges. Et il serait faux de croire que leur opposition fondamentale est sur le plan économique; l’Union nationale et le Parti Québécois ayant poursuivi les réformes sociales de la Révolution tranquille entamées par le Parti Libéral, et les uns comme les autres ayant renoué avec le libéralisme au tournant des années 1980. Soyons clairs, il y a certes des différences importantes entre le Parti Québécois et le Parti Libéral en matière de politique économique, le premier étant plus interventionniste, particulièrement en régions, fidèle en cela à la tradition bleue, mais les deux partis et l’ensemble de la population acceptent le principe de l’économie de marché.
C’est donc dire que le vrai débat se situe maintenant ailleurs, soit sur le terrain de l’identité. Dans ce contexte, il faudra s’habituer à voir des gens, tel Thomas Mulcair, passer des Libéraux aux Néo-démocrates, et à entendre Françoise David paraphraser Philippe Couillard. D’ailleurs, comme le Nouveau Parti Démocratique a été l’antichambre du Parti Libéral du Canada, au moins depuis le passage de Pierre Trudeau, Québec Solidaire pourrait bien devenir celle du Parti Libéral du Québec.
Cette hypothèse qui semblait lointaine étant désormais à nos portes, les patriotes québécois qui, attirés par les idées audacieuses et généreuses de Québec Solidaire en matière sociale, ont quitté le Parti Québécois pour se joindre au nouveau parti, doivent rebrousser chemin. Ne pas le faire serait agir contre les intérêts supérieurs du Québec, et ce, en toute connaissance de cause, car ils sont maintenant à même de voir que dans la grande bataille de l’identité, les Solidaires et les Libéraux sont du même côté : celui des rouges anti-nationalistes.
Guillaume Rousseau

Doctorant en droit à l’Université de Sherbrooke

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L'auteur, qui est candidat au doctorat en droit à l'Université de Sherbrooke, a étudié le droit européen à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV. Actuellement, doctorant à l’Université Paris I-Panthéon Sorbonne





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2 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    3 novembre 2007

    Et encore de nombreux candidats QS sont membres du parti communiste qui s'était joint dans une alliance pour former l'UFP, l'un des partis fondateurs de QS.
    Gauchistes du Québec, unissez-vous ! qu'ils disaient.

  • Jean Pierre Bouchard Répondre

    3 novembre 2007

    Que se passe t'il avec la gauche ? Il y a maintenant une dissociation entre les droits des travailleurs et la sauvegarde de la liberté nationale. Dans les années soixante, le mouvement de la décolonisation des peuples s'est associé à la lutte contre l'inégalité sociale. L'interprétation Nord-Sud du monde longtemps dominante dont le premier modèle a été la révolution nationaliste cubaine avait pourtant réconcilié la lutte universelle socialiste avec la lutte des peuples pour l'indépendance.
    Aujourd'hui après l'échec majeur du communisme soviétique tout ce qui subsiste du dit socialisme en Occident c'est une sorte d'individualisme social apatride? Si c'est la voie de Québec Solidaire on peut s'en passer.
    Dans un monde aveugle de son hyper libéralisme, la nation est la seule réalité commune qui subsiste et douée d'une force mobilisatrice.