Si tout ça se termine par une loi spéciale...

Tribune libre

«La patience des Québécois a atteint ses limites», clame notre cher premier ministre. Mais qui est vraiment allé jusqu'à cette limite? Il faut bien savoir que ça fait neuf ans déjà que le gouvernement libéral de Jean Charest gruge notre patience. Aujourd'hui, il tente de se défaire de ses responsabilités une fois de plus. Les Québécois sont à bout de son gouvernement. Les étudiants sont seulement les premiers à cracher cet écoeurement avec autant d'envergure, mais fidèle à ses habitudes, Charest dévie de la réalité et tente de faire voir le mouvement étudiant comme l'incarnation du rongeur de patience des Québécois alors qu'il sait très bien qu'il est responsable d'une majeure partie du ras-le-bol et du cynisme collectif qui règne chez-nous ces temps-ci.
Les trois quarts des Québécois en ont assez, mais les seuls qui ne se laissent pas manger la laine sur le dos sont les étudiants. Et devinez qui les tient responsable du ras-le-bol québécois? Le créateur des troubles sociaux en personne. Le clown-vendeur à bas prix digne d'un commis chez Wal-Mart. Le receveur général des enveloppes brunes et des pots-de-vin. La guenille qui se contente d'essuyer les crachats d'Ottawa.
Si nous vivions vraiment dans une société démocratique administrée par un véritable gouvernement démocratique, le mouvement de la nouvelle génération qui est en train de prendre part à la vie politique et sociale ne serait pas traité ainsi. Le gouvernement ne l'aurait pas ignoré aussi longtemps. Il n'aurait pas retourné la population contre lui en déviant le débat sur des débordements inévitables alimentés par son inaction et son incompétence. Il n'aurait pas tenté de le duper avec des "solutions" tout aussi réchauffées que hors propos. Le gouvernement n'aurait pas essayé d'éteindre un mouvement qu'il n'a pas pris au sérieux en déléguant la responsabilité de faire appliquer la loi et l'ordre aux administrations d'institutions scolaires. Ensuite il n'aurait pas essayé de reprendre le temps perdu en voulant passer en manigançant une loi spéciale avec le Conseil des ministres pour apposer une muselière sur la bête qu'il a laissé grandir et s'enrager.
Si nous vivions vraiment dans une société démocratique administrée par un véritable gouvernement démocratique, le mouvement étudiant aurait été considéré à sa juste valeur comme des citoyens avides de changement qui ont eu le courage de mettre en jeu leurs propres intérêts personnels pour défendre une cause qui leur est chère: une éducation abordable pour tous les jeunes de tous les milieux. Quand on veut du changement, quand on tient à une cause, on ne proteste pas assis sur son cul. On se lève à chaque matin pour aller scander nos convictions et notre vision de société. Dans une société démocratique, avec un gouvernement décent, les porte-paroles du mouvement étudiant auraient été invités à une table de négociations dès la première semaine. À représentation égale avec les autres domaines présents autour de cette table, le vif du sujet aurait été abordé sans déni ni contournement. Les solutions et les propositions des étudiants auraient été envisagées sérieusement, pas seulement entendu avec une oreille sourde et un cerveau emprisonné. Au terme des discussions, si les positions des étudiants et du gouvernement et celles du gouvernement auraient toujours été contraire, le gouvernement aurait respectueusement annoncé aux étudiants et à tous les Québécois que les propositions des étudiants étaient vraies, qu'elles avaient vraiment une valeur et qu'elles avaient été étudiées en détails, mais qu'elles ne correspondaient pas à la vision du Québec portée par le gouvernement. Tout le monde aurait compris que c'est derrière les urnes que tout ce serait joué. Le mouvement étudiant aurait été reconnu à sa juste valeur, c'est-à-dire comme un mouvement qui s'oppose aux idées du gouvernement libéral en matière d'éducation.
Mais non! Nous vivons dans une fausse démocratie. Le mouvement a été discrédité, mal entendu, niaisé et présenté comme une cause du trouble qui ronge la patience des Québécois. Si le tout se termine par une loi spéciale, ce sera le couronnement de la fin de la démocratie au Québec. La "démocratie de la rue" comme sait si bien le dire la droite libertarienne se met en opération que lorsque la démocratie des urnes fait défaut. Et ce gros défaut est bien en scelle depuis 2003. Certes, les casseurs ne sont pas des héros, mais des bandits. Cependant, les étudiants et les citoyens qui se battent pour leur cause avec tant de détermination et de persévérance sont des héros de la démocratie participative, celle qui semble être dénigrée par les amateurs du "on chiale sur notre divan, d'autres personnes bougeront!" Au pire, quand des gens bougent à votre place, soutenez-les donc! Ça serait plus intelligent...


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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    27 mai 2012

    Je l'ai écrit. Je le réécrit. Depuis 1867, nous n'avons jamais vécu dans une vraie démocratie. Nous avons vécu, comme la plupart des pays occidentaux, dans des systèmes de gouvernement responsable où les citoyens ne sont que des électeurs qui ont le droit d'élire leurs maîtres une fois à tous les 4-5 ans. Dans cette forme de système politique, ce sont les riches qui dominent et il y a collusion naturelle entre le pouvoir économique abusif des forces du marché et le pouvoir des politiciens professionnels à leur service et tout ce beau monde défend ses intérêts personnels au détriment de l'intérêt général et du bien commun.
    Pour inventer une vraie démocratie, il faut mettre les citoyens au pouvoir et la seule façon de le faire, c'est par une constituante citoyenne qui accouchera d'une constitution rédigée PAR et POUR les citoyens et non pas par et pour les élus et leurs complices.
    C'est la base. C'est la cause des causes et c'est par là qu'on doit commencer, car c'est cette absence de constitution citoyenne qui est la vraie racine du mal.
    Tout le reste, tout ce que l'on constate ce sont les conséquences de cette absence de constitution citoyenne.
    Tant qu'on n'aura pas eu la lucidité de comprendre cela, on n'aura rien compris.
    Ce ne sont pas aux hommes de pouvoir à écrire les règles du pouvoir mais aux citoyens qui doivent le faire pour défendre leurs intérêts et vivre dans une vraie démocratie.
    Pierre Cloutier ll.m
    avocat à la retraite