J’ai peine à le croire, mais il se trouve encore des gens pour prétendre que la composition de l’Assemblée nationale, constituée de 71% d’hommes et de 29% de femmes s’inscrit dans la normalité, sans une quelconque forme de discrimination systémique, et reflète les aspirations des deux groupes. Encore plus effrontés, certains osent même affirmer que la quête de parité homme-femme se ferait au détriment de la compétence.
Plus insidieusement, les opposants s’abritent derrière le propos de femmes qui s’objectent à des quotas ou à la parité, parce qu’elles ne voudraient pas qu’on croit qu’elles ont atteint le sommet strictement sur la base d’appartenir à la gente féminine.
Transformer les pratiques ou les institutions n’est pas une mince sinécure. J’ai été en mesure d’apprécier l’ampleur de la tâche dans ma vie professionnelle lorsque nous revendiquions pour l’amélioration des congés de maternité, pour l’équité salariale, pour la discrimination positive dans l’emploi et la prise en compte de la conciliation famille-travail dans la répartition des fonctions, des heures de travail et des vacances. Les récriminations fusaient chez certains plus anciens qui voulaient le même parcours laborieux pour ceux venus après eux. Ces résistances n’ont toutefois pas empêché l’évolution vers des rapports plus égalitaires et plus humains.
Quant à la compétence, il ne faudrait pas croire que le mode de désignation des députés est sans faille et que tous occupent leur fonction parce qu’ils en sont dotés. Mon expérience passée me permet d’en douter. J’ai toujours dit que les électeurs sont intelligents, mais qu’une élection ne l’est pas. Dans notre système actuel, les citoyens votent plus pour un parti que pour un candidat, d’où la possibilité d’en retrouver de piètre valeur sur les banquettes de l’Assemblée nationale.
Cependant, je partage l’opinion que dans le mode de scrutin actuel, l’imposition de quotas s’avère quasi impraticable ou nécessiterait des contorsions douteuses sur le plan démocratique. Depuis plusieurs années, des groupes de la société civile et la majorité des partis politiques revendiquent une réforme du mode de scrutin afin que la composition de l’Assemblée nationale reflète mieux les choix de la population. Le scrutin proportionnel mixte semble le mode le plus privilégié par les réformateurs et fournirait une excellente occasion de mettre en place les dispositifs pour assurer la parité.
Dans l’hypothèse où 75 députés seraient élus directement au scrutin universel et 50 autres proviendraient des listes compensatoires des partis afin de prendre en compte leurs pourcentages de votes recueillis, il serait aisé d’y mettre les conditions pour assurer la parité homme-femme. Ainsi, les listes des partis contiendraient un nombre égal de femmes et d’hommes et ils nommeraient le nombre de députés auquel ils ont droit en vertu du pourcentage recueilli, selon un rapport homme-femme inversement proportionnel au résultat du scrutin ayant désigné directement les 75 députés.
Je vous donne une petite illustration rapide inspirée des résultats de l’élection de 2014 où le PLQ a recueilli 42% des suffrages. En extrapolant qu’il aurait fait élire 44 députés au scrutin direct, dont 29 hommes et 15 femmes, il aurait donc droit à 21 députés provenant de sa liste compensatoire. Supposant que sur les 75 députés désignés au scrutin universel, près des deux tiers sont des hommes, le PLQ et les autres partis devraient appliquer à l’inverse cette proportion aux femmes dans le choix des députés provenant des listes compensatoires. Ainsi le PLQ devrait nommer 13 femmes sur ses 21 députés supplémentaires.
La proportionnelle mixte fournit la souplesse pour optimiser la présence des femmes et pour répondre à d’autres besoins de représentation tels les régions, l’économie ou autres enjeux sociaux.