Royaume-Uni: le risque de l'éclatement

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Pour comprendre le Brexit, la carte de distribution du vote

INFOGRAPHIE - Le Brexit sème la discorde dans le pays. L'Écosse, qui souhaite rester dans l'Europe, est tentée par l'indépendance tandis que la question de la réunification de l'Irlande ressurgit.
Si le vote en faveur du Brexit achève la rupture entre la Grande-Bretagne et l'Europe, il porte aussi en germe un risque, moins immédiat mais plus dangereux, pour l'avenir du Royaume-Uni lui-même. La carte électorale dessine les contours d'une désunion profonde entre les quatre composantes nationales du pays. Le vote à 52 % pour le Brexit est essentiellement celui de l'Angleterre (à 53,4 %), à l'exception de quelques poches urbaines proeuropéennes. Contrairement aux prévisions, les Gallois ont rejoint à 52,5 % les Anglais dans ce rejet, malgré leur dépendance élevée aux subventions européennes à l'agriculture et au développement régional. À l'inverse, l'Écosse, à 62 %, l'Irlande du Nord, à 55,8 %, et Londres, à 60 %, ont signifié avec force leur volonté de rester en Europe. La gestion de ces divisions - potentiellement explosives - sera au cœur du travail des gouvernements britanniques dans les années à venir.
La menace la plus évidente vient du nord du mur d'Hadrien. Contrastant avec la stupeur et la cacophonie générale à Londres au matin du résultat, à Édimbourg, la «first minister» écossaise Nicola Sturgeon est apparue sûre d'elle et bien préparée dès les premières heures suivant le séisme. Elle n'attendait que ça, pour relancer son combat de l'indépendance, mis en sourdine par les 55 % de non au référendum de septembre 2014. Sans attendre, elle annonçait, d'une part, qu'une nouvelle consultation du peuple écossais était désormais «hautement probable» et, d'autre part, qu'elle engageait des pourparlers directs avec Bruxelles pour protéger l'ancrage européen de l'Écosse. Elle a même posé les jalons d'une hypothétique alliance en ce sens avec son homologue de Gibraltar et avec le maire de Londres, Sadiq Khan, qui n'a pas été en reste pour revendiquer davantage d'autonomie pour la capitale.
Les premiers sondages réalisés dans la foulée du vote pour le Brexit montrent une majorité de 55 à 59 % en faveur de l'indépendance écossaise. Mais la posture politique quasi obligée de la leader nationaliste se heurte à des difficultés pratiques qui risquent de retarder durablement la mise en œuvre du projet. L'effondrement des cours du pétrole a décrédibilisé le modèle économique de l'indépendance. Avec un déficit public voisin de 10 %, l'Écosse serait tenue d'adopter une très sévère cure d'austérité - incompatible avec le programme du SNP - pour se conformer aux 3 % des critères de Maastricht. Par ailleurs, se poserait la question épineuse de la devise, l'euro n'ayant pas très bonne presse au Royaume-Uni, même dans l'Écosse pro-UE, et conserver la livre sterling impliquerait une dépendance monétaire à l'égard de Londres.
«Les conséquences du Brexit sont plus importantes en Irlande du Nord», analyse Vernon Bogdanor, professeur d'histoire constitutionnelle à King's College London. Non sans lien d'ailleurs avec le sujet précédent, puisqu'une majorité des protestants unionistes d'Irlande du Nord sont originaires d'Écosse plus que de l'Angleterre. «Si l'Écosse quittait le Royaume-Uni, cela laisserait beaucoup d'entre eux dans le désarroi et pourrait accélérer l'évolution de la province», souligne Tony McCusker, ancien conseiller du gouvernement de Belfast. Dès le résultat du référendum connu, le parti républicain Sinn Féin, présent à la fois au sud et au nord de l'Irlande, a appelé à l'organisation d'un référendum sur la réunification de l'île. Comme les déclarations de Nicola Sturgeon, il s'agit avant tout d'une provocation politique. L'idée a été vite écartée. En revanche, de très nombreux problèmes pratiques sont posés par le Brexit en Irlande, où courrait la seule frontière terrestre entre le Royaume-Uni et l'Union européenne.
Pour Vernon Bogdanor, les risques d'éclatement du Royaume-Uni sont largement exagérés. «C'est plus une rhétorique visant à souffler sur les braises qu'autre chose», relativise-t-il. Il considère autrement plus urgente la question de la décentralisation économique en faveur du nord postindustriel de l'Angleterre. Des régions qui se sentent oubliées des politiciens de Westminster et ont voté massivement pour le Brexit (à 59 % dans les West Midlands). Par ailleurs, si Londres l'européenne peut toujours espérer faire avancer sa revendication d'une autonomie fiscale accrue, l'idée d'une sécession d'avec le royaume pour former une cité-État relève du pur fantasme.
Mais ces forces centrifuges, attisées par les flammes du nationalisme anglais, risquent de remettre en cause à long terme le fonctionnement de l'union. Un système de relations plus fédéral pourrait, à terme, émerger de ces déséquilibres, pour la sauver d'un éclatement possible.


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