Royaume-Uni : Farage renonce à présenter des candidats dans les circonscriptions tenues par les conservateurs

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Une décision fort intelligente pour favoriser la sortie de l'Union européenne

Bonne nouvelle pour Boris Johnson, à moins de cinq semaines d’une élection générale cruciale, le 12 décembre : Nigel Farage, le leader du Brexit Party (BP), a fini par accepter, lundi 11 novembre, de ne pas présenter de candidats face aux conservateurs dans les 317 circonscriptions gagnées par ces derniers lors du scrutin de juin 2017.


La pression des tories, et même d’un vieux complice et donateur, Arron Banks, était devenue trop forte. Celui-ci, cofondateur du mouvement Leave.EU, répétait ces derniers jours qu’il fallait désormais voter conservateurs plutôt que BP, seul espoir de voir le Brexit effectivement se réaliser. Il menaçait même, rapportait le Times lundi matin, de lâcher complètement M. Farage en lançant une application, baptisée « back Brexit, back Boris », permettant aux électeurs d’identifier dans leur circonscription le bon candidat pour espérer un divorce avec l’UE.


« Le BP ne contestera aucune des 317 circonscriptions gagnées par les conservateurs lors des dernières élections. Mais nous allons concentrer nos efforts dans toutes celles qui sont tenues par les travaillistes, qui ont complètement violé leurs promesses de 2017 de respecter le résultat du référendum [de 2016] », a affirmé Nigel Farage depuis Hartlepool, ville portuaire du nord-est de l’Angleterre, exactement dans sa cible : située dans une circonscription aux mains du Labour depuis des lustres, mais ayant voté à presque 70 % en faveur d’une sortie de l’Union européenne (UE).


Le député européen s’en est tiré par une pirouette. Lui qui était encore catégorique la semaine dernière sur sa volonté de présenter des candidats « partout », et qui conditionnait tout accord avec les tories à un abandon pur et simple par M. Johnson de son deal avec Bruxelles, a expliqué sa volte-face par sa soudaine conversion aux arguments de M. Johnson. Ce dernier a promis de négocier un accord de libre-échange du type « super Canada » (sur le modèle de celui négocié entre Bruxelles et Ottawa). « C’est un changement considérable », a assuré M. Farage sans rire.


« De toute façon, le BP n’a pas les moyens de présenter des candidats partout », nous confiait, début novembre, un ex-ministre tory. En outre, le tout jeune parti, créé début 2019, n’a que très peu de chances de décrocher ne serait-ce qu’une poignée de sièges à la Chambre des communes en raison du mode de scrutin, uninominal majoritaire à un tour (le député élu dans une circonscription est celui qui récolte le plus de votes). Les conservateurs étaient néanmoins très nerveux ces derniers jours, craignant que les voix en faveur du BP ne handicapent leurs candidats dans les circonscriptions où ces derniers sont au coude-à-coude avec le Labour, voire avec les démocrates libéraux.


Le pacte de non-agression de M. Farage ne leur garantit pas pour autant cette majorité absolue perdue par Theresa May en 2017, que M. Johnson rêve de reconquérir pour enfin « réaliser » le Brexit dans les mois qui viennent. Car l’équipe de campagne du premier ministre convoite précisément les mêmes circonscriptions que les candidats restants du BP : ces terres du nord de l’Angleterre paupérisées, ces villes de la « Rugby League », comme les qualifient les spécialistes des sondages.


Conscients du danger, travaillistes et démocrates libéraux ont réagi au quart de tour lundi. « Le Parti conservateur est juste devenu le parti du Brexit », a tweeté Jo Swinson, la patronne des lib-dem. « Il y a une semaine, Donald Trump a demandé à Nigel Farage de pactiser avec Boris Johnson. Aujourd’hui, le vœu de M. Trump a été exaucé. Cette alliance trumpienne est du thatchérisme sous stéroïdes et pourrait priver notre système de santé de 500 millions de livres par semaine, au profit des grandes firmes pharmaceutiques », a pour sa part accusé Jeremy Corbyn, le responsable des travaillistes.


Ces derniers accusent le coup. Ils ne décollent pas dans les sondages, à 28 % d’intentions de vote, 11 points derrière les tories, selon une moyenne des sondages effectuée quotidiennement par le Financial Times. La semaine dernière, deux candidats travaillistes ont dû jeter l’éponge pour soupçons d’antisémitisme. Le numéro deux du parti, Tom Watson, un tenant de l’aile modérée, a subitement démissionné, renforçant les spéculations sur une radicalisation du parti.


Enfin, les démocrates libéraux sont entrés vaillamment en campagne, avec pour objectif assumé de capter le plus possible de voix anti-Brexit aux travaillistes. Rencontré lundi matin lors d’un événement dans un incubateur de start-up londonien, Sam Gyimah, ex-député conservateur passé dans le camp de Mme Swinson, s’en défend à peine : « Le vote “Remain” en faveur des travaillistes était un vote tactique en 2017, mais il ne se reproduira pas », assure-t-il.