Même si nous avons l’équivalent d’une campagne électorale dans le corps, au Québec elle n’a pas encore vraiment débuté. La couverture médiatique, plutôt médiocre, a laissé peu de traces dans l’esprit des électeurs qui ne suivent pas la politique de près. Ils se souviennent d’une histoire de pénis (qui fut la nouvelle la plus lue de la semaine sur les sites web de La Presse et du Soleil!) et ils ont vu défiler des sondages qui mettent le NPD au firmament.
Dans les derniers jours, ils ont vu Stephen Harper refuser d’en faire davantage pour les réfugiés. Cloué au pilori pour sa froideur et son insensibilité, le chef conservateur marque pourtant des points auprès de sa base et de beaucoup d’électeurs qui ne veulent pas que le Canada reçoive plus de réfugiés. C’est triste, mais c’est ainsi.
Les Québécois n’ont été que très peu exposés aux débats de fond qui ont pris place dans cette première phase de campagne. Sauf pour l’éclipse politique des derniers jours, le débat central dans les médias canadiens fut celui de l’économie et des finances publiques. Le positionnement de chacun ne manque pas d’étonner. Du côté des austères tenants du déficit zéro, on retrouve sans surprise Stephen Harper, en compagnie de...Tom Mulcair! Drôle de couple. Du côté des keynésiens adeptes de déficits de relance, on retrouve Justin Trudeau et...Gilles Duceppe, un autre couple inattendu.
Comme je l’ai déjà écrit, il me semble que Mulcair a commis une erreur stratégique. Je parlais l’autre jour avec un de ses spins, qui me disait que les mauvais souvenirs du gouvernement NPD de Bob Rae en Ontario persistent toujours. Il fallait donc à tout prix convaincre les Ontariens qu’un gouvernement fédéral du NPD n’allait pas retomber dans les déficits comme au début des années 90. De là l’engagement très ferme du chef du NPD d’équilibrer le budget. Cet engagement ne tient la route que si le NPD renonce à certaines de ses promesses, comme le rétablissement des transferts en santé. Mais dans ce cas, à quoi bon changer en faveur du NPD, si la politique budgétaire de son chef est la même que celle de Stephen Harper?
Du côté de Gilles Duceppe, il est passé sous le radar des médias nationaux, ce qui ne l’a pas empêché de ratisser le Québec jusqu’à Havre-Saint-Pierre, parcourant 10 000 km! Il a suivi la stratégie annoncée d’aller à la rencontre des Québécois. Il a lancé des appels au rassemblement des souverainistes avec PKP en vélo et travaillé les régions, de la Gaspésie à la Côte-Nord, du Saguenay à l’Abitibi. La vraie campagne du Bloc, avec pancartes, slogan, publicité et engagements débute lundi prochain.
Au Québec, ce qui aura surtout fait la manchette et retenu l’attention des électeurs, ce sont les sondages qui montrent l’incroyable avance du NPD. La lune de miel de la classe médiatique québécoise avec le NPD et son chef leur a offert une couverture très positive, sans égratignure, qui frôle parfois le publi-reportage. Ça ne saurait durer jusqu'au 19 octobre.
Si vous vérifiez autour de vous, vous verrez qu’une bonne majorité de Québécois est convaincue que le NPD formera le prochain gouvernement. Ils ne voient pas qu’au Canada, le NPD est en troisième place dans bien des provinces, dont la cruciale Ontario. Le vote stratégique qui consiste non pas à voter en faveur d’un parti, mais plutôt contre le gouvernement conservateur, demeure la donnée centrale de la campagne au Québec.
Dans le sondage Léger publié par le Globe and Mail, on apprend que seulement 55 % des électeurs du NPD votent pour ce parti parce qu’ils l’aiment. Pour le Bloc, c’est 81 %. On apprend aussi que 49 % des électeurs du NPD sont prêts à changer d’idée, ce qui montre un vote pour le moins fragile. Ça montre surtout que beaucoup de Québécois ne votent pour le NPD que parce qu’ils pensent que c’est ce parti qui est capable de remplacer le gouvernement Harper.
Qu’arrivera-t-il s’ils s’aperçoivent que ce n’est pas le NPD, mais plutôt le Parti libéral de Justin Trudeau qui a le plus de chance de remplacer les conservateurs? Difficile d’imaginer que les souverainistes actuellement au NPD iraient jusqu’à voter pour un Trudeau. Ils risquent plutôt de se replier sur une valeur sûre : Duceppe et le Bloc Québécois. Surtout si ce dernier a la chance d’obtenir la balance du pouvoir.
Comme on le voit, les jeux sont loin d’être faits. Que la vraie campagne commence!
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