Il n'est pas exagéré, je crois, de dire que le discours véhiculé par les élites et les médias de la région de Québec en est un de droite. Et ce, même si certains parmi eux prétendent tenir un contre-discours afin de s'opposer à un discours de gauche qui lui serait dominant. On n'a qu'à écouter la radio privée de Québec, la télé produite localement et les médias écrits pour rapidement apercevoir le parti-pris pro-employeur, antisyndical et admiratif des qualités intrinsèques du secteur privé qu'on y expose. Les récents succès électoraux du parti Conservateur et de l'ADQ/Équipe Mario Dumont sont un indicateur de l'impact de ce battage idéologique.
Le bon vieux populisme
Si l'orientation politique de ce discours est assez évidente, la méthode utilisée pour le faire passer l'est également. C'est le bon vieux populisme. La formule utilisée par cette forme de démagogie est depuis longtemps éprouvée. Au départ, il s'agit d'identifier une crainte réellement vécue par une bonne partie de la population. Cela peut être lié au système de santé, à la présence de criminels particulièrement rebutants, à une décision administrative douteuse, etc. Le choix est vaste. Ensuite, on identifie un responsable à l'origine du problème et on lui fait son procès. Il devient le méchant de l'histoire. Et comme celui ou celle qui nous a rapporté le cas dénonce le méchant, il devient automatiquement le bon.
Traduire n'importe quelle situation, fut-elle complexe, en un combat entre le bien et le mal, est un trait caractéristique du populisme, de droite comme de gauche. Ce schéma simple permet à n'importe qui d'avoir une compréhension du problème, même s'il n'en est pas du tout informé au préalable. Un autre trait caractéristique du populisme est de faire appel aux émotions tout en donnant l'impression de faire appel à la logique. On doit réussir à faire peur ou à attendrir tout en disant faire comprendre. « I may make you feel but I can't make you think » fait dire Ian Anderson à son personage Gerald Bostock dans Thick as a Brick.
Et il y a une troisième caractéristique au populisme. Celui qui l'utilise s'érige en porte-parole des gens qu'il dit informer. Il devient celui qui ose dire tout haut ce que tous pensent tout bas. Il a son franc-parler et ne porte jamais de gants blancs. Mais il s'est donné lui-même le rôle de porte-parole sans demander à ceux qu'il dit représenter ce qu'ils en pensent. La ressemblance avec l'avant-garde autoproclamée du prolétariat est frappante. Tout comme la division de la société en groupes antagonistes présente dans les deux cas.
Que le populisme soit de gauche ou de droite, il se base sur un discours de lutte de classes. La société se divise en deux : une majorité opprimée et une minorité opprimante. Prétendre représenter le peuple face aux intellectuels vaniteux est très semblable à prétendre représenter le prolétariat face à la bourgeoisie arrogante. Dans le discours de droite, le concept de « vrai monde » remplace le concept de classe ouvrière utilisé à gauche. Et dans les deux cas, il est impossible pour un individu de faire partie en même temps des deux groupes antagonistes. Pour les populistes de droite, les intellectuels ne font pas partie du vrai monde et/ou du peuple tout comme les bourgeois ne sont pas de la classe ouvrière.
Et les porte-paroles dans tout ça? Où se situent-ils? Comme ils sont plus clairvoyants que ceux qu'ils disent représenter, ils se sont un peu détachés du peuple. Cette position ambiguë cache là la caractéristique la plus hypocrite du populisme : la volonté d'assurer la pérennité de l'avant-garde. Tout démagogue sait d'instinct que le combat entre le bien et le mal n'aura pas de fin dans un avenir prévisible, ce qui lui permet de gagner richement sa vie en défendant ses opprimées jusqu'à la fin de ses jours. Tout comme le monopole des partis communistes qui s'est maintenu même après les révolutions prolétariennes, les victoires électorales de la droite n'empêchent pas les médias conservateurs de continuer à nous représenter sans nous demander notre avis.
Quoi! Ai-je dit «nous»? Je m'en excuse. En tant qu'intellectuel, je n'ai pas le privilège d'être représenté par un démagogue de droite. On peut pas tout avoir.
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Pierre Ross
Québec
LE SOLEIL - POINT DE VUE
Quand la droite tient un discours de lutte de classes...
Les récents succès électoraux du parti Conservateur et de l'ADQ/Équipe Mario Dumont sont un indicateur de l'impact de ce battage idéologique.
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