Printemps érable : suis-je fier de mon Québec?

Tribune libre

La crise étudiante et sociale des derniers trois mois suscite chez moi une certaine ambivalence. Ai-je honte ou suis-je fier de mon Québec? Je pense que, grâce à sa jeunesse, je suis surtout fier du Québec.
Depuis le mois de mars, j’ai participé activement aux manifestations étudiantes et aux discussions sur les réseaux sociaux. Cette crise étudiante et sociale m’a convaincu encore davantage que la politique et l’avenir du peuple québécois ne doivent jamais être laissés entre les mains des seuls politiciens, commentateurs politiques et amis corrompus du pouvoir. La crise étudiante m’a convaincu aussi qu’il faut continuellement s’occuper de la politique et pas seulement aux quatre ans.
Au début, durant les grandes marches des 22 du mois, la foule de jeunes était très nombreuse, mais peu de parents, grands-parents et autres adultes marchaient avec les étudiants de sorte que nos cheveux blancs étaient très remarqués et appréciés des jeunes.

Aujourd’hui, notamment à la manifestation sous la pluie du 2 juin dernier dans les rues de Montréal et dans les tintamarres quotidiens de casseroles, les jeunes ne sont plus seuls. Toute la société se sent concernée, même si celle-ci est profondément divisée sur la question.
À la mi-mars, lors d’une fête pour une de mes petites filles qui termine son secondaire, je disais à une de ses amies qui s’interrogeait sur la pertinence de la contestation étudiante : « Quand je vois toute cette jeunesse qu’on disait si apathique et individualiste se lever, contester, revendiquer et défier courageusement le gouvernement, je ne peux que penser que c’est bon pour la jeunesse et bon pour l’avenir du Québec. »
Cette crise étudiante et sociale m’a réveillé comme elle a réveillé plusieurs Québécois un peu endormis. Aujourd’hui, plus que jamais, je constate l’importance de reprendre au nom du bien commun le contrôle de notre destinée comme peuple. L’importance de ne pas laisser le contrôle de notre destinée aux bons soins de politiciens malhonnêtes, d’amis douteux de politiciens, de lobbys d’affaire, de chroniqueurs et de grands médias à la solde de l’intérêt d’une petite minorité de profiteurs. Et nous devons remercier nos jeunes, nos étudiants pour ce coup de pied au derrière, pour ce signal que l’heure était venue de se réveiller, d’être vigilant et d’agir!
Depuis les dix dernières années à Montréal, je fréquente régulièrement la jeunesse québécoise, et étudiante en particulier, dans l’autobus, le métro, au café, sur le trottoir et encore davantage depuis trois mois, dans la rue. Comment la qualifier cette jeunesse? Polie, notamment envers les aînés et les personnes handicapées, joyeuse, pacifique, toujours prête au compromis, attentionnée, jamais agressive, même dans le métro et l’autobus bondés et à pleine capacité. Comment expliquer alors que les chroniqueurs hargneux, le premier ministre et son gouvernement, plusieurs gens d’affaire et personnes âgées décrivent la jeunesse avec des mots tels : individualiste, ingrate, égoïste, violente, enfant-roi? Je crois que cette opinion erronée de la jeunesse québécoise, c’est surtout dû au fait que ces gens ne connaissent pas les jeunes, les côtoient peu ou pas, se laissent endoctriner par les faiseux d’image et finissent par en avoir peur et même à ne pas les aimer, voire à les haïr. Pour ne donner qu’un exemple : comparez les milliers de jeunes qui demeurent polis et pacifiques entassés dans les autobus et le métro, alors qu’au volant, de nombreux impatients deviennent rapidement et dangereusement agressifs dès qu’un autre automobiliste, un cycliste ou même un piéton les contrarient. N’oublions pas que leur voiture est une arme redoutable, beaucoup plus que les pancartes de la contestation étudiante!
Je crois que le Printemps érable qu’ont offert les étudiants aux Québécois en ce début de 2012 est le projet collectif le plus prometteur depuis le projet de Pays au référendum de 1995. Grâce à cette jeunesse au discours et à l’argumentation articulés, grâce à cette jeunesse capable de motiver et de mobiliser leurs membres comme aucun autre groupe, grâce aux valeurs de solidarité qu’elle propose, le Québec reprend espoir en l’avenir.
L’espoir se situe aussi au niveau du leadership. Comment ne pas être émerveillé de voir trois universitaires dans la jeune vingtaine démontrer aux politiciens au pouvoir, leur supériorité comme orateurs, pour la connaissance de leur dossier ou pour la qualité de leur français!
Nous ne savons toujours pas où toute cette turbulence sociale va nous conduire, mais le Québec ne pourra plus demeurer longtemps dans ce statut quo affairiste!
Deux seuls regrets.
À cause de l’amateurisme avec lequel Jean Charest a géré cette crise, le Québec est inutilement divisé, alors que nous avons besoin plus que jamais de nous serrer les coudes. Quels que soient notre opinion, notre clan, nous devons commencer dès maintenant à rétablir les ponts.

Enfin, qui réparera les blessures, la brutalité physique et psychologique parfois profondes vécues par ces étudiants en lutte? Qui s’assurera que toute la lumière sera faite sur les excès graves du législatif, du judiciaire, des forces de l’ordre?

Georges le Gal
Montréal, le 21 juin 2012


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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    22 juin 2012

    J'aime.
    Merci.