RECENSEMENT

Prévisible, avéré

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Nous maintenir pernicieusement dans l’obscurité






L’affaire était annoncée, prévisible, connue et elle se vérifie : abolir l’obligation de répondre à la forme longue du recensement a des impacts majeurs, dans tous les domaines. Tous ceux qui ont besoin de rigueur s’en plaignent, ce qui explique sans doute pourquoi le gouvernement Harper tenait tant à ce chambardement scientifique.



Il y a maintenant cinq ans, en plein mois de juillet, pendant que se tenaient les sommets du G8 et du G20 en Ontario, le gouvernement conservateur (en fait le premier ministre Stephen Harper lui-même, a-t-on depuis appris) décidait en douce que dorénavant, répondre au formulaire long du recensement serait facultatif plutôt qu’obligatoire.


 

C’était là une décision invraisemblable tant les données recueillies de cette manière étaient reconnues internationalement pour leur fiabilité et, dans tous les secteurs d’activité au Canada, pour leur utilité. Le tollé fut donc à la hauteur lors de l’annonce de cette décision, comme lorsque les premières données du recensement de 2011 furent divulguées. Statistique Canada, responsable du recensement, émettait elle-même des mises en garde : données à manipuler avec précaution.


 

On saura sous peu quel budget sera octroyé au prochain recensement, qui se tiendra en 2016. Mais ce qui est sûr, c’est qu’on a maintenant un portrait plus clair des dégâts causés par le chambardement de 2010. Aux résultats du recensement sont liés des services publics, des programmes gouvernementaux, des subventions, des décisions d’affaires… Ceux-ci édulcorés, les ministères souffrent, les villes manquent d’information (au point où certaines mènent leurs propres enquêtes pour compenser, s’ajoutant des dépenses !), le monde des affaires perd des repères. Des associations qui n’ont rien de révolutionnaire — la Chambre de commerce du Canada, la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, l’Association canadienne d’économie… — réclament le retour du recensement traditionnel.


 

Quant aux chercheurs, ils manquent de mots pour décrire la catastrophe qu’a représentée ce changement qui contrecarre l’analyse fine, particulièrement en matière de recherche sociale. Notre dossier en donne des exemples éloquents en matière de données sur la pauvreté ou l’habitation.


 

Le pire, c’est que la perte de repères de qualité ira croissant, car on s’éloignera alors du dernier recensement à la solidité avérée, celui de 2006. Pour rectifier le tir, il faudrait agir là… ou bientôt. La solution tient, on l’aura compris, à un changement de gouvernement. Mais si les conservateurs reviennent au pouvoir, la réputation de Statistique Canada en matière de recensement sera entachée pour de bon.


 

Pourtant, l’actuel statisticien en chef, Wayne Smith, minimise les inquiétudes. En entrevue au Globe and Mail il y a quelques jours, il soutenait que la qualité des données récoltées en 2011 a surpassé ses attentes puisque les volontaires ont été nombreux pour répondre au formulaire long. Une réponse qui laissera le moindre chercheur pantois : en ces matières, ce n’est pas le volume qui compte, c’est de s’assurer que toutes les catégories de la population sont représentées ! M. Smith ajoute que le Canada doit faire comme d’autres pays développés et se fier davantage à des données tirées de documents comme les déclarations de revenus. Bonjour l’intrusion dans la vie privée, raison officielle pour laquelle les conservateurs s’en sont pris au recensement !


 

En fait, ni par A, ni par B, ni avec le temps passé, cette décision de 2010 ne tient la route, si ce n’est d’assurer « une dégradation lente mais continue des connaissances », comme a résumé au Devoir le chercheur Richard Shearmur. Et l’ignorance sert tellement bien les gouvernements démagogiques.







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