Puisqu’il faut mettre les points sur les i, mettons-les.
Je n’ai évidemment jamais, ni de près ni de loin, fait pression sur quiconque pour que soit annulé, à l’Ecole normale supérieure, autour de Leila Shahid, Stéphane Hessel ou d’autres, un meeting de soutien aux partisans du boycott d’Israël.
C’eût été d’autant plus absurde que, par tempérament autant que par conviction, parce que je crois à la force des idées et, plus encore, de la vérité, je suis toujours, en pareilles circonstances, partisan du débat, du choc des opinions, voire de l’affrontement des convictions – et, donc, pas de la censure.
Et le fait est que, dans la circonstance particulière, c’est-à-dire dans cette affaire de campagne BDS (« Boycott, Désinvestissement, Sanctions ») qui devait être au cœur du meeting de l’Ecole normale, j’aurais été heureux, au contraire, de pouvoir présenter à des interlocuteurs de bonne foi des textes, des faits et, au fond, des évidences qui leur avaient, semble-t-il, échappé : à savoir qu’on est en présence, là, d’une campagne savamment orchestrée mais mensongère, belliqueuse, antidémocratique et, pour tout dire, parfaitement infâme.
Pourquoi ?
D’abord parce qu’on boycotte les régimes totalitaires, pas les démocraties. On peut boycotter le Soudan, coupable d’avoir exterminé une part de la population du Darfour. On peut boycotter la Chine, coupable, au Tibet et ailleurs, de violations massives des droits de l’homme. On peut, on devrait, boycotter l’Iran de Sakineh et de Jafar Panahi, dont les dirigeants sont devenus sourds au langage du bon sens et du compromis. On pourrait même imaginer, comme naguère avec l’Argentine des généraux fascistes ou l’URSS de Brejnev, le boycott de tels régimes arabes où la libre expression des citoyens est interdite et réprimée, s’il le faut, dans le sang. On ne boycotte pas la seule société du Proche-Orient où des Arabes lisent une presse libre, manifestent quand ils le souhaitent, envoient des députés au Parlement, jouissent de leurs droits citoyens. On ne boycotte pas, quoi que l’on pense de la politique de son gouvernement, le seul pays de la région et, au-delà de la région, l’un des pays du monde, hélas pas si nombreux, où les électeurs ont le pouvoir de sanctionner, infléchir, renverser la position dudit gouvernement. En sorte que présenter comme source de sa « principale indignation » le fonctionnement d’une démocratie qui, comme toutes les démocraties, est, par définition, imparfaite mais perfectible (et ne rien trouver à dire, à l’inverse, des millions de victimes des guerres oubliées d’Afrique, de la chasse aux chrétiens d’Orient ou, hier, du massacre des musulmans de Bosnie) est, au pis, indigne et, au mieux, profondément stupide.
Ensuite parce que cette campagne de boycott n’a, de toute façon et, en réalité, rien à faire des positions du gouvernement de Monsieur X ou de Madame Y. Elle ne sait rien, ni ne veut rien savoir, de ce que pensent les citoyens israéliens eux-mêmes de la reprise, par exemple, des implantations en Cisjordanie. Elle se moque des exigences, paramètres, conditions réelles de la paix entre les citoyens en question et leurs voisins palestiniens. De ces derniers, de leurs aspirations, de leurs intérêts, de leurs possibles espérances et de la manière dont le régime du Hamas les a brisées à Gaza, elle se moque comme d’une guigne et ne dit, non plus, jamais rien. Non. Cette campagne de boycott n’a, quoi qu’en disent ses promoteurs ou ses idiots utiles, qu’un but réel, assumé, ressassé, qui est de déligitimer Israël comme tel. C’est ce que dit, implicitement, la comparaison avec l’Afrique du Sud de l’apartheid. C’est ce que dit, explicitement, la rhétorique antisioniste qui sert de dénominateur commun à tous les mouvements constitutifs de cette mouvance BDS et qui, si les mots ont un sens, signifie que l’on entend saper l’idée même qui, aujourd’hui, que cela plaise ou non, cimente la nation israélienne. Et c’est pourquoi cette campagne contrevient, en effet, aux usages, règles et lois du droit international et, ici, national.
Et puis, enfin, il y a, au cœur et, parfois, à l’origine de cette campagne des gens dont le moins que l’on puisse dire est que l’inspiration n’est celle ni des héros de la France libre ni des rédacteurs de la Charte universelle des droits de l’homme ni des partisans d’une paix juste entre les deux peuples israélien et palestinien. Je tiens à la disposition de qui voudra les déclarations d’Omar Barghouti, l’un des initiateurs du mouvement, affirmant que son but n’est pas deux Etats mais deux Palestine. Celles d’Ali Abunimah, cofondateur de Electronic Intifada et adversaire, lui aussi, de la solution des deux Etats, qui n’hésite pas à comparer Israël à l’Allemagne nazie et tel de ses philosophes aux éditorialistes de Der Stürmer. Celles des dirigeants de Sabeel, ce groupe de Palestiniens chrétiens, très présent en Amérique du Nord et qui, soucieux de donner un fondement « théologique » à l’idée d’« investissement responsable », ne craint pas de réactiver, subtilement mais sûrement, les stéréotypes du juif tueur de Christ. Sans parler de bien douteuses initiatives visant à marquer les marchandises juives, pardon israéliennes, d’autocollants supposés infamants et propres à les signaler au consommateur français vigilant.
Tout cela est accablant et, encore une fois, incontestable. Présenter comme des victimes les promoteurs de ce discours de haine ne dit que trop dans quel état de confusion – intellectuelle, morale – se trouve une Europe que l’on voulait croire guérie de son pire passé criminel.
Pourquoi l’appel au «boycott d’Israël» est une saloperie
on est en présence, là, d’une campagne savamment orchestrée mais mensongère, belliqueuse, antidémocratique et, pour tout dire, parfaitement infâme.
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