Pour une mise à jour du projet d’indépendance

985bf235f7b4edfe5159ff642268affc

L'espoir naïf de convaincre les masses d'immigrés de devenir souverainistes doit cesser

Il faut saluer l’expulsion manu militari de Pierre Marcotte du Parti québécois par son chef, Jean-François Lisée, la semaine dernière. Celui-ci, dès que ses propos ont été mis en lumière par le blogueur Xavier Camus, a immédiatement condamné les propos de son candidat. Toutefois, une question, lancinante, demeure : comment se fait-il qu’un islamophobe aux propos grossiers et violents ait pu penser que sa maison, c’est le Parti québécois ?


Se peut-il que certains souverainistes, dont Jean-François Lisée (rappelons-nous ses propos sur les kalachnikovs cachées sous les burkas et son refus d’utiliser le mot « islamophobe »), aient parfois pu donner à boire et à manger aux personnes qui, comme M. Marcotte, voient dans l’islam le mal absolu ? Je crois malheureusement que oui. Depuis une dizaine d’années, un virus est apparu dans le corps souverainiste. Ce virus focalise toute son attention sur la religion musulmane, jugée responsable du malaise identitaire québécois.


Pour contrer ce virus, des indépendantistes ont appliqué un remède imaginaire, dont les effets secondaires se font encore sentir aujourd’hui : la charte des valeurs. Tout particulièrement la clause visant à interdire le port de signes religieux (lire le voile islamique) dans la fonction publique. Ceux qui pensent qu’il s’agit d’une affaire réglée, que c’est dans le passé, n’en parlons plus, feraient mieux de se raviser. Les secousses sismiques de ce projet mal avisé se font encore sentir.


Pour la rédaction de mon livre La grande déception – Dialogue avec les exclus de l’indépendance, je suis allé à la rencontre de personnes, toutes issues des « communautés culturelles », pour qu’elles me parlent de leur rapport à l’indépendance et aux indépendantistes, dans le contexte post-charte. Leurs propos sont saisissants. Qu’ils soient musulmans ou non, leurs blessures sont profondes. Les personnes que j’ai rencontrées, qu’elles se nomment Bachir, Rosa, Jody, Adis ou Samira, aiment profondément le Québec, mais elles en ont assez d’être prises pour cibles. Elles nous disent : « L’indépendance, pourquoi pas ? Mais lâchez-nous ! Respectez qui nous sommes. »


Comme le prédisait déjà Jacques Parizeau en 2013, nous, indépendantistes, avons créé une machine à fabriquer des fédéralistes. Nous avons renforcé le sentiment, parmi beaucoup de nos compatriotes issus de la diversité, que le Canada était leur véritable patrie. Que l’unifolié saurait les protéger contre les indépendantistes. La phrase : « J’ai peur des souverainistes » est revenue à plusieurs reprises dans la bouche des personnes interrogées pour mon livre. Quel gâchis.


Pour les indépendantistes, la présente élection est une élection perdue. Québec solidaire ne prendra pas le pouvoir et, même si le Parti québécois remportait une majorité de sièges, il s’est engagé à tenir un référendum dans un très hypothétique deuxième mandat. On peut s’en attrister. C’est mon cas.


Toutefois, on peut le voir sous un autre angle. Cette crise peut être l’occasion pour le mouvement (y a-t-il encore véritablement un mouvement ?) de faire son aggiornamento. Autrement dit, de se pencher sur la pente douce sur laquelle les indépendantistes officiels ont entrepris de nous faire descendre. Pente qui, si l’on se fie aux sondages, n’a pas fait augmenter d’un iota l’option souverainiste.


Soyons clairs. Pierre Marcotte n’est pas seul à gangréner le mouvement indépendantiste dont je me fais une très haute idée.


Est-il trop tard pour agir ? Je ne pense pas. Il faudra du temps, évidemment, mais aussi beaucoup de volontarisme.


> La suite sur Le Devoir.



-->