Pour parler sérieusement d'immigration

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L'immigration demeure la plus importante problématique pour le Québec du XXIe siècle

Alors qu’on parle en ce moment d’immigration à Québec, il est utile de faire quelques rappels élémentaires pour que ce débat soit bien mené.


Premier rappel: pour l'instant, l'intégration fonctionne mal. On ne s'attend pas à ce que le PLQ le dise. Il tire avantage de cette mauvaise intégration. On est en droit d'attendre des deux partis nationalistes un discours de vérité en la matière. Ils ne devraient pas hésiter non plus à dire à quel point le multiculturalisme d’État canadien entrave nos efforts d’intégration et nous montrer comment ils veulent le contrer. Les souverainistes devraient même rappeler que c’est notre appartenance à la fédération qui sape fondamentalement notre capacité d’intégration, dans la mesure où elle place la référence québécoise en concurrence avec la référence canadienne par rapport à laquelle elle est structurellement désavantagée.


Les indices de cet échec de l'intégration sont nombreux. Parlons d'abord du statut du français. Montréal s’anglicise et l’immigration massive y est pour beaucoup. On aura beau multiplier les discours idéologiquement tordus pour masquer cette réalité, plus personne ne les croit sérieusement. Autrefois, on redoutait l’anglicisation de Montréal. Maintenant, on se félicite pudiquement de sa bilinguisation. Dans les faits, le français régresse. Parlons aussi de la multiplication des demandes d'accommodements raisonnables. Parlons enfin des effets politiques de l’immigration massive : le PLQ a toujours instrumentalisé l’immigration à son avantage (on lira à ce sujet l’excellent texte que Frédéric Lacroix vient d’écrire sur la question pour L’Aut’Journal). On le voit avec la transformation politique de Laval, qui appartient aujourd’hui au bloc anglophone. Le PLQ a décidé consciemment d’utiliser l’immigration massive pour cadenasser l’avenir constitutionnel du Québec. L'immigration massive sert à canadianiser le Québec.


Deuxième chose: nos seuils d'immigration sont absolument insensés tellement ils sont élevés. Le Québec n'a pas les moyens de recevoir plus de 50 000 immigrés par année. Il faudrait réduire significativement les seuils. La CAQ propose une réduction à 40 000 et se croit courageuse. C'est une blague. La réforme caquiste est cosmétique. 40 000, cela dépasse encore largement nos capacités d'intégration. Le Québec n'a pas à fermer ses frontières, évidemment, et personne de sérieux ne suggère cela. Mais il doit rompre avec le principe de l'immigration massive qui nous conduira inéluctablement, pour reprendre les mots de René Lévesque, à la «noyade». Il doit se délivrer du fantasme du toujours plus. Il ne doit plus se plier à la rhétorique immigrationniste qui laisse croire que sans une immigration massive, nous serions condamnés à l’appauvrissement collectif. Nos leaders devraient relire Le remède imaginaire, le remarquable ouvrage consacré à la question par Guillaume Marois et Benoit Dubreuil. Faut-il vraiment ajouter qu’il n’y a rien de raciste ou de xénophobe à vouloir ajuster nos seuils d’immigration à notre capacité d’intégration? Cette propagande qui vise à disqualifier moralement le contrôle de l’immigration doit être combattue.


Troisième chose : Il faut évidemment augmenter nos attentes en matière d'intégration. Rien n'est plus élémentaire que de demander à ceux qui veulent s'installer ici une réelle connaissance du français avant leur arrivée. Il devrait s'agir d'une obligation pour ceux qui veulent rejoindre notre société. Nous sommes en droit d’exiger aussi une maîtrise relative des grandes références de la culture québécoise. Un principe doit être rappelé : s’intégrer au Québec, c’est s’intégrer à la majorité historique francophone. Mais cette majorité doit s’affirmer de manière décomplexée comme pôle d’intégration si elle veut être respectée. Il faut, de ce point de vue, mettre de l’avant une grande politique d’intégration qui renoue avec le principe de la culture de convergence, bien défini par Fernand Dumont, qui est le véritable principe politique fondant la vision de l’intégration à la québécoise. Il faudrait aussi prendre conscience que tout cela ne doit pas être fait dans vingt ans, mais maintenant, avant qu’il ne soit trop tard et que l'avenir du peuple québécois ne puisse plus s'écrire qu'à l'encre de la régression tranquille.