Philippe Couillard est bien loin de Georges-Émile Lapalme

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Les mérites de l'un font ressortir la vacuité de l'autre

Le printemps érable m’a charmée avec cette jeunesse aux idées claires, bien exprimées, d’une belle profondeur, d’où toute vulgarité était exclue, au contraire de certains de nos politiciens qui s’exprimaient en public à l’époque.
J’ai constaté samedi que Simon-Pierre Savard-Tremblay, auteur du Devoir d’histoire Georges-Émile Lapalme pourfendrait Philippe Couillard (1er juin 2013), fait partie de cette élite et qu’il a bien lu Pour une politique, ouvrage de mon père, dont les dernières lignes ont été écrites au moment de la mort de Maurice Duplessis.
J’étais une petite fille lors des élections de 1952 et 1956. Mon père disait qu’il s’était fait voler ces élections. Je le croyais ; mais c’est en regardant les travaux de la commission Charbonneau que j’ai mis un visage sur la corruption de ce temps-là en écoutant Gilles Cloutier relater ses exploits de voleur d’élection. Il a commencé sa longue carrière avec Duplessis.
Vous avez raison, Monsieur Savard-Tremblay, mon père était un théoricien idéaliste. Mais pour lui-même, il avait deux objectifs qui lui tenaient à coeur : la création du ministère des Affaires culturelles et la création de la Maison du Québec à Paris, ce qu’on ne lui reconnaît que du bout des lèvres aujourd’hui. Pourtant, cette démarche, il l’a faite seul, très seul, Lesage qualifiant tout ce qui entourait la culture de « bébelles à Lapalme ».
Dès l’élection, il est débarqué à Paris, a rencontré des fonctionnaires du quai d’Orsay, qui lui ont ménagé une rencontre avec André Malraux. Mon père a refusé que les Français fassent intervenir les Affaires extérieures du Canada. Il a exigé une rencontre seul à seul. En 1960, le petit provincial qu’il était a osé imposer ses vues. Il fallait quand même le faire, défier la hiérarchie ! Et cette rencontre a eu lieu, seul à seul. Le tandem Malraux-Lapalme est né et a fonctionné, les deux hommes se respectant mutuellement.
Sa Maison du Québec (Délégation générale du Québec) a pris forme ce jour-là, et sa première exigence a été d’obtenir un statut d’ambassadeur pour son délégué. Il exigeait des relations directes avec la France, au plan culturel et éducatif (échange de professeurs, par exemple). Et le général a dit oui. Alain Peyrefitte écrira beaucoup plus tard que de Gaulle ne voulait pas que le Québec se créolise, en conséquence, la France se devait d’acquiescer à ses demandes.
C’était le premier pas qui a permis ensuite au Québec d’exister sur le plan international et de ne pas être broyé par le gouvernement fédéral, qui a manifesté son mécontentement à l’époque, et qui le manifeste encore.
Le slogan « Maîtres chez nous » recouvrait plus qu’une simple formule. Je me souviens de ses discours enflammés, selon la rhétorique de ce temps-là, quand la voix s’enflait pour évoquer ces bateaux remplis à ras bord de fer vendu à vil prix quittant Sept-Îles pour l’étranger afin qu’il y soit transformé par d’autres.
Oui, monsieur Couillard est bien loin de lui, ne serait-ce parce que mon père, lui, a mis deux ans avant de se trouver un emploi au moment de son retrait de la vie politique…
Petite parenthèse en terminant : mon père a pratiquement appris à lire avec Le Devoir, dont mon grand-père a été un des premiers abonnés. Je lis ce journal depuis que je sais lire et c’est très souvent dans ses pages qu’on lui rend ce qui lui est dû.

Odette Lapalme - Ancienne présidente de la Commission de protection de la langue française


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