Pauvre vocabulaire !

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L'école ne parvient plus à jouer son rôle

« On estime à 10 % la part de la population maîtrisant seulement 400 à 500 mots. Le linguiste Alain Bentolila pointe les lacunes de la formation des enseignants dans ce domaine » (Le Figaro, 16 octobre 2015).
Alain Bentolila fait partie de ces spécialistes de l’enseignement qui ont cru de toutes leurs forces dans les nouvelles pédagogies. Pas si neuves que cela puisque, depuis les années 70, elles sont l’unique méthode en vigueur dans l’Éducation nationale malgré la sacro-sainte liberté pédagogique. En 1944, le plan Langevin-Wallon a commencé peu à peu à les imposer, Paul Langevin et Henri Wallon, inspecteurs communistes de surcroît, étant appelés par le Général à participer à la reconstruction de la France et à lui offrir un ambitieux projet d’instruction. Voilà donc résumée très brièvement l’histoire de la prolétarisation de l’enseignement.
Interrogé sur Europe 1 au lendemain des crimes de Mohammed Mehra, Marc Le Bris, instituteur et directeur d’école, avait dit à propos du terroriste, instruit à l’école de la République depuis sa plus tendre enfance : « Quand on a appris à lire, écrire, raisonner, on ne prend pas une kalachnikov pour régler ses problèmes. »
Oui, mais voilà, pour raisonner, prendre de la hauteur, développer son humanité, il faut des mots. Le français, à la différence de l’anglais, est une langue philosophique. Il suffit de voir qu’entre le chocolat que vous aimez et celui qui partage votre vie, que vous aimez également, votre amour n’est pas de même nature. En anglais, on like ou on love. Le siège de votre pensée, votre esprit, doit être nourri pour y développer une pensée autonome et juste. La richesse et la précision de notre vocabulaire ne sont pas reçues en héritage à la naissance et si le petit d’homme dispose de toutes les facultés pour engranger les mots, il ne les fabriquera pas de lui-même. C’est pendant l’enfance qu’il emmagasinera la majorité d’entre eux. Et puisque c’est à l’école qu’il passe le plus clair de son temps, c’est bien l’école qui doit lui assurer cet enrichissement. Grande est la déception des professeurs de sciences de nos collèges devant des classes entières incapables de faire la différence entre une hypothèse et le problème. En éducation civique, la distinction incivilité/crime n’est pas toujours évidente. Parlerons-nous des plus démunis qui confondent justice avec coups ? Car quand on n’a plus les mots, il reste la force.
Cette leçon de vocabulaire qui fait défaut commençait dans les petites classes par l’observation des tableaux de scènes de la vie courante : le repas, le marché, les moissons, les saisons, les loisirs. Tout ce qui intéresse la vie quotidienne y passait et, à travers l’observation du réel, les enfants étaient conduits à développer, préciser puis apprendre les termes techniques qui leur manquaient. Le vocabulaire plus soutenu était enrichi par la littérature, les poésies hebdomadaires de Prévert, Verlaine, Hugo, La Fontaine. Une petite recherche des poésies apprises en primaire pourrait vous édifier et vous en resterez cois.
S’il est bien un domaine où les inégalités sociales se creusent, c’est celui du vocabulaire. Face à celui qui aura été conduit au théâtre, aura visité des ateliers, des musées, se tiendra cet ancien élève d’une école publique au nord de Paris dont le professeur des écoles de cours préparatoire a choisi de se passer de manuel pour enseigner la langue de Rabelais avec Twitter en 140 signes. « Maman nous a préparé un goûter délicieux, aux odeurs alléchantes » contre « Maman a fait un gato, CT trop bon ».


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