Pascal Bérubé est toujours du bon côté

Tribune libre

- Le problème pour la suite des choses est que le PQ n'est plus un vrai parti de débats. Privé de sa raison d'être et reposant sur une base militante devenue aussi aseptisée que ses dirigeants, est-il encore réformable de l'intérieur? (Josée Legault, 3 mai 2014)

Je détiens un baccalauréat en histoire de l'UQAR, une maîtrise de type recherche de l'Université de Sherbrooke et poursuis actuellement des études en sociologie à l'UQAM. J'ai fait très tôt dans mon existence le pari qu'il soit possible de parler d'identité (culture, langue, immigration ou laïcité) à l'extérieur des grands centres. Région ressource, s'il y en a, nous ne sommes point réduits à la forêt et l'agriculture. La question du Québec nous concerne également.

Je m'intéresse donc au politique et ce qui sourd par chez nous me désole. Comment ne pas constater la crise de la démocratie représentative avec ces politiciens gouvernant les yeux rivés sur leur IPhone et les sondages. «L'autorité ne va pas sans prestige, ni le prestige sans éloignement (De Gaulle).» En parlant de François Legault, véritable mentor de Pascal Bérubé, le chroniqueur Mathieu Bock-Côté écrit:

Le temps de l'action politique ne correspond pas au flux perpétuel des médias sociaux, où ne compte que l'instant présent, où la distance et l'espace nécessaire aux authentiques réflexions est manquant. En politique, celui qui ne veut vivre que dans l'instant présent n'agit pas: il s'agite (9 septembre 2012)

Un Parti libéral peinturé bleu

J'insiste d'abord sur un lieu commun: la frontière entre le politique et les médias est poreuse. Les déclarations suivantes attestent de l'emprise des communicants: «Les connaissances acquises lors de ces expériences [à la radio Rouge FM] l'aideront à répondre aux besoins de ses nouvelles fonctions [d'attachée politique] (L'Avant-Poste, 19 septembre 2012, p. 6)», «La confiance règne: le politique et le journaliste échangeront sur d'autres sujets, certains confidentiels, très confidentiels, mais ceux-ci le resteront (L'Avantage, 30 décembre 2012)». «Je l'aime mon ''kid kodak'' (Roger Boudreau, L'Avantage, 14 août 2013)». Reste à déterminer s'il l'aime passionnément ou à la folie.

Ceux qui nous promettent de renouveler le discours souverainiste doivent souvent leur avancement à un parti qui mit en veilleuse sa raison d'être depuis 1995. «Si j'ai été ministre, c'est grâce à Pauline Marois», rappelle Pascal Bérubé. Privé de son ciment, le PQ continue à se vider aux deux extrémités: CAQ et QS. Je ne sais trop par quel droit divin le «bon gouvernement» bleu devrait succéder un jour au «bon gouvernement» rouge. Exit l'indépendance: «L'enjeu, c'est de jouer notre rôle d'opposition et de présenter une alternative valable au gouvernement libéral dans quatre ans (Pascal Bérubé, Radio-Canada, 13 mai 2014)». Mais, brandir René Lévesque à l'occasion ne suffit plus. Ah! le bon vieux temps où l'on pouvait passer toute sa carrière sur les banquettes parlementaires... François Gendron, priez pour notre député. Qu'on se le dise, produit de l'establishment calculateur, Pascal Bérubé fait partie davantage du problème que de la solution.

Siégeant désormais dans l'Opposition, Bérubé a multiplié les voltes-faces au pouvoir: «Le plan de développement qui a été adopté par le gouvernement précédent, on se l'approprie (L'Information, 8 novembre 2012).» Tour à tour pour et contre l'exploration et l'exploitation des gaz et pétrole de schiste, opposé à la réforme de l'assurance-emploi à Ottawa et en faveur de celle à l'aide sociale à Québec, pour la sociale-démocratie et disciple des «Lucien-lucides», nationaliste bilinguisateur, progressiste affameur de commission scolaire, il clignote à gauche et vire à droite. Comme L'opportuniste de Jacques Dutronc (1968), monsieur le député ne sait faire qu'un seul geste. Il retourne sa veste toujours du bon côté:

Je l'ai tellement retournée/ Qu'elle craque de tous côtés/ À la prochaine révolution/ Je retourne mon pantalon

Petit milieu et propagande

Rien ne semble arrêter ce politicien à l'adaptabilité d'une Mélanie Joly. La diversité des opinions s'est évanouie ici. Il n'y a plus que lui et ses béni-oui-oui à l'écran. Il ambitionne maintenant d'«exporter» la recette de son succès à l'extérieur de Matane-Matapédia. On se croirait dans le film Body Snatchers quand une entité extra-terrestre s'empare progressivement de tous les êtres humains dans leur sommeil:

Carol disait à Steve, mais d'une voix très distordue: «Où veux-tu aller? Où veux-tu fuir? Où veux-tu te cacher? Nulle part. Il ne reste PLUS PERSONNE comme toi» (Wikipédia)

Sur quoi repose en fait la réussite de la bête politique? Je dirais d'abord sur une population homogène, tricotée serrée et consensuelle. Or, à l'heure de l'immigration de remplacement, le visage du Québec change. Puis, j'insisterais sur l'enflure médiatique (Voir Johanne Fournier, «Pascal Bérubé: ce politicien qui aime les médias», Le Soleil, 31 décembre 2013). Les journalistes locaux ne peuvent humainement pas relayer la «diarrhée communicationnelle» que générerait Pascal Bérubé et ses clones.

Parlons un instant de ses réalisations. Il promet d'ouvrir un bureau de comté à Mont-Joli (1). Élu, il peut avoir un bureau à Mont-Joli (2). Il prépare son bureau à Mont-Joli (3). Il ouvre finalement son bureau à Mont-Joli (4). Quatre communiqués pour offrir une chose qui existait sous la députée précédente! Il annonce huit fois l'octroi de huit places en garderie à Saint-Donat-de-Rimouski. Il publicise quatre ou cinq fois dans les médias rimouskois qu'il ira à Saint-Noël. Multipliez cela par les 45 municipalités de la circonscription et vous obtenez un matracage: 250 communiqués assortis d'autant de photos de lui-même. Un chaussons avec ça!

L'individualisme et la technologie sont de puissants moteurs conduisant vers «l'État universel homogène». Lorsque la communauté se dissout, la politique devient un spectacle, un simple concours de popularité. Ainsi, Pascal Bérubé et Jean-François Fortin ont obtenu leur résultat sans égard à la situation de leur parti, à la souveraineté ou aux réalités socio-économiques. Force est de constater que Bérubé n'a pas su amener de jeunes au Parti québécois et insuffler d'idées au projet souverainiste depuis 20 ans. Faire bombance et serrer des mains, voilà plutôt l'aspect touristique de son quotidien. Un brin coquet, l'homme 19 000 tweets, jusqu'à 20-25 par jour, posta une photo de lui en train d'ajuster sa cravate dans le rétroviseur de sa limousine. «Le beau gosse» cyberdépendant vit dans l'avoir.

Chaque miroir a son revers. S'il est vrai que Pascal Bérubé recueilli 61% des suffrages valides, avez-vous remarqué que 37% des électeurs inscrits - pourcentage record- se sont abstenus. Le «p'tit gars» de Matane affrontait des candidats fantômes. Pourtant, la moitié des Mont-Joliens et 55% des Donatiens ont préféré de parfaits inconnus au ministre sortant. Au final, seul un seul sur trois dans La Mitis a voté pour le «parti unique». Qu'aurait été les péquistes de Rimouski face à Éric Forest? Que serait l'enseignant qui n'a jamais enseigné (Pascal) face à un(e) entrepreneur(e)?

Des luttes à mener

Si les grands projets collectifs semblent appartenir au passé, je demeure convaincue que subsiste une demande, un appétit, pour les débats d'idées. Des passions continuent d'irriguer la sphère publique. Ce sont «ces vraies affaires» qui m'anime en général et me désole tant quand je songe au PQ-Bérubé.

Prenons cet été, par exemple. Seulement sur le territoire de la MRC de La Mitis, deux écoles de la Commission scolaire des Phares fermeront leurs portes: Padoue et Sainte-Jeanne-d'Arc. La journaliste Sonia Lévesque soulignait que l'école du Mistral (Mont-Joli) a perdu 1200 de ses 2000 élèves en 30 ans (28 août 2013, p. 3). Pendant ce temps, Metis Beach School, qui a été conçu afin de recevoir une vingtaine d'élèves en accueille 78 et manque d'espace. «Notre étendue est beaucopup plus grande, et puis l'attitude aussi a changé par rapport à l'anglais», de dire un enseignant (Radio-Canada, 24 septembre 2013). J'estime que cela devrait susciter des interrogations au sein de la population. Quel est l'avenir de l'école française en Amérique? Pourquoi la minorité tire vers elle la majorité? Or, notre député, supposément nationaliste, évite de se mouiller en félicitant le «dynamisme» des Anglais.

Le politicien poussa la «machine à hommager» jusqu'à saluer «l'expertise, la passion et la grande connaissance» de l'ex-président-directeur général de Tourisme Montréal, Charles Lapointe. Au coeur du scandale, il tente maladroitrement de réécrire l'histoire. Le personnage disparaît mystérieusement du comte Twitter de Bérubé. Trop tard, puisque l'éloge figure au Journal des débats de l'Assemblée nationale. Proche du nationalisme conservateur, le journalisme Antoine Robitaille rapporte l'incident (Le Devoir, 28 novembre 2013). Comment ose-t-il l'évoquer?

Monsieur Bérubé aimerait tant que la critique de Robitaille vienne de libéraux. Le problème est plus sérieux. Compatriote, je refuse d'être associé à ce Séraphin du Pouvoir.


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4 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    19 mai 2014

    Un gars qui n'a que des défauts? Un nul à ce point? Un presque monstre? On dirait un règlement de compte de l'une de ses ex! Ça fait vraiment pas sérieux. Même que je trouve ça "petit" de rabaisser quelqu'un avec autant de véhémence. J'espère, au moins, que ça vous a fait du bien.

  • Archives de Vigile Répondre

    18 mai 2014

    Je trouve très spécial de lire un article aussi chargé de fiel. C'est à croire qu'il peut y avoir une remise de change...
    Et il faudrait éviter d'en mettre et d'en remettre et admettre que le meilleur des élus de ne peut réaliser des merveilles en seulement 18 mois.

  • Nestor Turcotte Répondre

    17 mai 2014

    J'ai oublié de vous donner les références suivantes:
    1) http://www.hebdosregionaux.ca/bas-st-laurent/2012/12/28/pascal-berube-donne-5000--a-centraide
    2)http://www.hebdosregionaux.ca/bas-st-laurent/2013/01/09/campagne-difficile-pour-centraide-bas-saint-laurent
    3)http://virtuel.rimouskois.canoe.ca/doc/hebdo_le-rimouskois/20130109_rim_opt/2013010802/35.html#34
    On a appris ceci cette semaine:
    La région du Bas Saint-Laurent a perdu pas moins de 4 800 emplois d'avril 2013 à avril 2014. C'est ce qu'indique Statistiques Canada, quand vient le temps d'analyser la situation du travail et du chômage, de manière annuelle.
    Le député n'a pas commenté. Pourtant, il est toujours en poste. Il parle qu'il faut créer des emplois. Il ne parle pas des raisons qui fait que la région en perde autant....

  • Nestor Turcotte Répondre

    17 mai 2014

    Excellent article. Vous décrivez bien le personnage.
    Le député aime bien critiquer tout le monde, tous ceux qui sont passés avant lui, mais il n'accepte pas qu'on le critique. Tout ce qu'il fait est toujours bon. Gare à celui qui oserait dire le contraire.
    Il est allé jusqu'à dire que certains dossiers traînaient dans la Matapédia depuis plus de trente ans et qu'il les a réglés d'un coup de baguette magique. Pas gentil pour Madame Doyer, ancienne députée de cette circonscription.
    Bref, le député en question critique tout, s'approprie tous les bons coups, mais rejettent sur les autres, sur les devanciers, les mauvais coups.
    Il cherche les caméras lors des congrès, des rassemblements: il surveille son imgage, come on dit dans le jargon politique.
    Il donne des entrevues pour dire qu'il s'inquiète, qu'il surveille, qu'il souhaite, qu'il s'offusque, qu'il est attentif, qu'il suit de près....etc...
    Il ne se passe pas une semaine sans qu'on le voit dans le journal. C'est à se demander si les autres députés du coin existent bel et bien.
    Un quotidien régional a montré sa photo l'an dernier, avec un immense carton (forme chèque) où le député donne 5,000.00$ à Cenntraide du Bas-Saint Laurent et il a le culot de signé: le Ministre Pascal Bérubé. Le journaliste dit que c'est à même son budget discrétionnaire qu'il pose ce geste. En d'autres mots, il prend l'argent du peuple et s'en sert pour montrer sa générosité envers le petit peuple. Est-ce normal que cela se produise ainsi? Je vous invite à trouver la réponse.
    Je conserve précieusement l'article de ce journal.
    Je pourrais continuer....mais je m'arrête.