Dans le monde du « casting », il nous arrive souvent de jouer dans des publicités où le même concept est tourné en anglais et en français.
Dans le cas d’un concept bilingue, la version originale est souvent en anglais, ainsi le réalisateur est donc canadien-anglais. En tant qu’acteur québécois, le synopsis et le texte que nous recevons en français sont souvent des traductions bizarres, mal adaptées à la réalité québécoise — oui, oui, il existe une réalité québécoise – et loin de notre imaginaire culturel.
Ensuite vient le temps de se faire diriger par le réalisateur, qui est, dans ces cas-ci, anglo-saxon. La situation dans laquelle nous nous retrouvons est très amusante : on nous demande de faire de l’humour anglo-saxon, mais en français et ça ne marche à peu près jamais.
Ça vous est déjà arrivé de trouver une pub drôle en anglais, mais lorsque vous la regardez en français, vous la trouvez moins drôle, voire mauvaise? Souvent, et moi le premier, je me disais : « C’est plus drôle en anglais hein? ».
La plupart du temps, les réalisateurs et les créatifs anglophones – et ce n’est pas nécessairement de leur faute, ils ne s’en rendent juste pas compte – se butent à cette réalité culturelle en direct, sur le plateau de tournage. Dans bien des cas, l’agence de pub québécoise qui fait le pont entre les acteurs québécois et l’agence anglo-saxonne munie de son équipe de tournage anglo-saxonne, parvient à sauver les meubles. L’agence et les acteurs québécois doivent trouver la façon d’expliquer aux anglophones – n’oubliez pas, ce n’est pas de leur faute – que le monde culturel québécois n’est pas le monde culturel canadien-anglais et, de surcroît, s’ils veulent que le concept soit aussi drôle ou aussi touchant que l’original en anglais, et bien ils devront adapter le texte, la rythmique, les intonations et le souffle à celui de la réalité québécoise, à celui de la culture québécoise.
En cet instant bien précis, les acteurs et l’agence de pub québécois font exister le Québec. En cet instant bien précis, l’agence de pub anglo-saxonne munie de son équipe anglo-saxonne est devant une réalité bien palpable : un Québécois n’est pas un Canadien et vice versa.
Aussi, faut-il se l’avouer, ni les Québécois ni les Canadiens ne mettent nécessairement le doigt sur cet état de fait dans l’instant où cela arrive. Ils n’iront même pas jusqu’à y penser plus tard, avec un certain recul. Ils continueront leur vie comme si de rien n’était et la même situation arrivera encore et encore jusqu’à ce que quelqu’un décide d’assumer la différence.
Cette différence, elle est identitaire. Cette différence, elle n’est pas contre quelqu’un ou quelque chose. Elle est, pour nous, Québécois de toutes origines ayant comme langue commune le français – oui, oui, nous avons une langue commune – un moyen de nous définir. Il est normal pour un Québécois d’être fier de son identité. Il est normal pour une Québécoise de vouloir que cette identité s’émancipe afin, entre autre, d’empêcher sa folklorisation. Les Québécois ne sont pas qu’une tradition, ils sont un peuple!
Bien que l’indépendance du Québec ne soit pas uniquement un outil pour assurer la pérennité de notre identité culturelle – Option nationale le démontre de belle façon depuis un peu plus de deux ans — il reste que dans notre monde « mondialisateur » où tout est uniformisé, où tout est sculpté d’avance, où tout semble tendre vers une certaine grisaille civilisationnelle, l’identité et la diversité culturelles deviennent des atouts pour la survie morale et sociale de l’être humain. Nous ne parlons pas ici de multiculturalisme, ce concept qui ne reconnaît aucune culture dominante, ce concept qui prêche la tolérance tout en minorisant la différence. Nous parlons ici d’une vraie diversité – les oppositions et les ressemblances — et, que pour l’atteindre, il faut, parfois, définir les frontières. Ces frontières permettent de fixer l’espace culturel. Cette définition de l’espace québécois rendrait possible la distinction, empêcherait la négation de notre identité et nous permettrait de mieux apprécier nos différences puisque nous ne serions plus sur la défensive, mais bien maîtres chez nous.
Depuis le « fatidique » 7 avril dernier, être « identitaire » semble faire encore plus peur qu’à l’habitude. Certains analystes politiques iront même jusqu’à dire qu’il faudrait peut-être cesser de la défendre à tout prix cette identité, que l’indépendantisme doit se redéfinir. Certes, la claque que le mouvement indépendantiste s’est vue assener est grande, mais de là à ne plus défendre qui nous sommes? Non.
Il y en a aussi qui iront jusqu’à dire que notre identité québécoise devra être reconstruite et que cette reconstruction est la première étape pour relancer le mouvement indépendantiste. Un peu de sérieux! Notre identité est palpable, elle existe, et ce depuis longtemps. Assurément, l’indépendantisme québécois doit être relancé – en fait, il doit être assumé – assurément, il ne faut pas tenir notre identité pour acquise dans cette Amérique du Nord anglo-saxonne, mais nous n’avons pas à entretenir un discours défaitiste en affirmant que tout est à recommencer. Nous ne sommes tout de même pas retournés dans les années 1960.
En terminant, les exemples de différences culturelles entre Québécois et Canadiens ne se retrouvent pas uniquement sur un plateau de tournage. Il en pleut de ces exemples. À nous d’ouvrir l’œil afin de constater ce contraste, afin de l’accepter et ensuite de l’assumer jusqu’au bout. Puisque notre identité est intrinsèquement liée à notre indépendance, ne la nions pas, bien au contraire, soyons-en fiers.
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