Décote des É.-U.

Pas de panique, dit l'économiste Pierre Fortin

Si la Bourse chute, ça ne veut pas dire que l'économie va mal, ça veut dire que les riches vont perdre de l'argent. Pour le monde ordinaire, ça ne les affectera pas plus qu'il ne faut.

Dettes et Décote américaine



Ian Bussières Le Soleil - (Québec) Les Canadiens, et plus particulièrement les Québécois, ne devraient pas trop s'en faire avec la récente décote des États-Unis, qui ont vu l'agence d'évaluation financière Standard & Poor's abaisser leur note de AAA à AA vendredi. C'est du moins l'opinion de l'économiste Pierre Fortin, professeur émérite au département de science économique de l'Université du Québec à Montréal (UQAM).
«C'est simple, l'impact de la décote ici sera de zéro!» lance d'entrée de jeu l'économiste, qui a joint sa voix au concert de critiques dirigées envers les agences d'évaluation depuis le début de la récession en 2008.
«Ces agences ont un problème très sérieux de crédibilité aux États-Unis même. Il ne faut pas oublier que ces agences donnaient un AAA à la banque Lehman Brothers la veille de sa faillite! Elles donnent des notes à des organisations auxquelles elles fournissent aussi des services. Je crois qu'il y a là un conflit d'intérêts fondamental», illustre-t-il.
Pierre Fortin ajoute que Standard & Poor's a commis deux erreurs techniques dans son évaluation. Tout d'abord, l'agence aurait surestimé la dette américaine de 4 milliards $ et se serait préoccupée de la dette prévue pour 2014-2015, alors que, selon lui, elle devrait analyser un horizon à plus long terme, comme 2025 ou 2030.
«À titre d'exemple, quand le directeur parlementaire du budget au Canada, Kevin Page, fait des projections, il regarde sur le long terme. C'est la même chose pour la Régie des rentes du Québec, qui regarde ce qui se passera en 2030 ou 2040 pour voir si le régime est viable», poursuit-il.
L'économiste ajoute que la situation financière du Canada et du Québec est totalement à l'inverse de celle des États-Unis. «Les gens regardent le taux de chômage, qui se calcule avec le nombre de personnes cherchant un emploi, mais il faut plutôt regarder le taux d'emploi, soit le pourcentage d'adultes qui ont un emploi. Au Québec, avant la récession, on parlait de 610 à 612 sur 1000, ça a diminué à 592 à 595 sur 1000 durant la récession, et c'est maintenant autour de 605 sur 1000. On a presque tout récupéré ce qu'on avait perdu!»
La tendance serait la même à l'échelle canadienne, alors que chez nos voisins du sud, le taux d'emploi qui se situait autour de 630 sur 1000 avant la récession, a chuté à 585 sur 1000 en octobre 2009 et varie entre 580 et 585 sur 1000 depuis ce temps. «Ça n'a pas bougé du tout, et c'est la première fois depuis les années 30 que la reprise est si lente à se pointer», explique M. Fortin.
Confiance
Il ajoute que l'état des finances publiques au Québec et au Canada ne se compare aucunement avec la crise à laquelle fait face le gouvernement américain. «Dans le domaine des finances publiques, la situation est davantage sous contrôle ici à court, moyen et long terme qu'aux États-Unis.»
«L'autre raison qui me fait dire que Standard & Poor's est dans les patates et qu'il faut faire un X là-dessus, c'est que le gouvernement américain peut encore emprunter à un taux de 1,25 %, ce qui est très bas. Ça démontre clairement que les marchés financiers ont confiance en la situation financière des États-Unis à long terme. C'est la même chose au Canada et au Québec, qui paie à peine plus cher que l'Ontario pour ses emprunts à long terme et qui paiera probablement moins cher avant longtemps», enchaîne l'économiste.
Celui-ci refuse aussi de s'en faire avec la dégringolade de la Bourse de Toronto, qui a perdu 6 % tout au long de la semaine. «Il ne faut pas oublier que la Bourse de Toronto n'est pas seulement canadienne, que c'est une Bourse de ressources naturelles et qu'on y retrouve beaucoup d'actions internationales. Si la Bourse chute, ça ne veut pas dire que l'économie va mal, ça veut dire que les riches vont perdre de l'argent. Pour le monde ordinaire, ça ne les affectera pas plus qu'il ne faut. Et ce ne sera que temporaire, car l'économie asiatique a le vent dans les voiles et que la demande continuera d'être forte pour les ressources naturelles», conclut-il.


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