Pas de libre-échange de l’alcool entre provinces, tranche la Cour suprême

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Petite victoire pour l'autonomie provinciale

 Les provinces ont le droit de restreindre le transport de l’alcool d’une province à l’autre même si cela est contraire au libre-échange à l’intérieur du pays, a tranché jeudi la Cour suprême.


Les règlements sur l’alcool du Québec et des autres provinces ne devront donc pas être modifiés.


C’est pourtant ce que demandait un Néo-Brunswickois, selon qui les limites imposées par sa province sur la quantité d’alcool qu’il est possible de ramener d’une autre province sont contraires à la constitution canadienne.


Les plus hauts juges du pays sont d’avis que la loi du Nouveau-Brunswick n’avait pas pour objectif premier de restreindre le commerce entre les provinces, mais plutôt de contrôler la gestion de l’approvisionnement de la demande d’alcool.


« Certes [les lois sur l’alcool] ont pour effet d’entraver le commerce interprovincial, mais cet effet n’est qu’accessoire. [Ces lois] visent plutôt à permettre la supervision par des entités publiques de la production, de la circulation, de la vente et de l’utilisation de l’alcool », peut-on lire dans le jugement qui donne raison au Nouveau-Brunswick.


L’homme à l’origine de cette saga judiciaire est Gérard Comeau, un citoyen de Tracadie au Nouveau-Brunswick, ville située à 200 km de la frontière avec la Gaspésie au Québec.


Il a traversé en 2012 la frontière québécoise pour acheter à moindre prix l’équivalent d’une quinzaine de caisses de 24 bières et trois bouteilles d’alcool fort pour les rapporter chez lui, ce qui est interdit dans sa province.


Il a écopé d’une amende de près de 300$, qu’il a contesté. Le Nouveau-Brunswick l’a traîné jusqu’en Cour suprême après que des tribunaux inférieurs lui aient donné raison.


Cette cause était suivie de très près par toutes les provinces canadiennes.


La majorité d’entre elles ont tenu à se prononcer dans cette affaire, jugeant que la Cour aurait menacé la fédération canadienne si elle leur dictait d’abandonner leurs lois sur l’alcool.


Le Québec avait par exemple fait valoir que son droit de faire des lois sur l’alcool est garanti par « l’architecture de la constitution et de la fédération canadienne » et le principe du « fédéralisme coopératif ». La Cour suprême lui a donné raison.


Une décision contraire aurait pu remettre en question son pouvoir d’établir des monopoles commerciaux comme la SAQ, les monopoles agricoles comme celui du sirop d’érable ou encore celui de la toute nouvelle Société québécoise du cannabis.


La décision de la Cour désole les militants pour le cannabis, qui s’étaient adressés au tribunal en faveur de M. Comeau.


« C’est très dommage pour les contribuables et les consommateurs, dont la province pourrait interdire l’achat du cannabis dans une autre province. Des entreprises [de cannabis] pourraient contester ces lois en Cour, mais ce jugement est décourageant », a réagi Jodie Emery, militante et porte-parole de l’entreprise Cannabis Culture.


Puisqu’aucune loi fédérale n’a été remise en question dans ce jugement, il n’aura pas d’effet sur les lois d’Ottawa au sujet du controversé pipeline de Kinder Morgan entre l’Alberta et la Colombie-Britannique.