Parlement européen : stupeur et tremblements à une semaine du vote

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L'année de tous les renversements ?

À une semaine de l’élection du président du parlement européen, l’ambiance est électrique et c’est l’heure des grandes manœuvres. C’est dans ce contexte que, faute de convergences politiques, le mariage contre-nature entre libéraux de l’ALDE et eurosceptique de Cinq Etoiles n’aura pas lieu : à quel groupe profitera ce rapprochement raté ?
Faites vos jeux, rien ne va plus! Le 17 janvier prochain, les eurodéputés devront choisir leur nouveau président parmi huit candidats. En général, les principaux groupes politiques, les sociodémocrates (S & D) et le Parti populaire européen (PPE), se mettent d'accord pour occuper le perchoir à tour de rôle, mais cette fois-ci, le groupe de centre-gauche veut conserver le poste. Selon Sophie Rauzsier, conseillère au sein du groupe GUE au Parlement européen, les sociaux-démocrates sentent vaciller leur position de « maître du jeu », avec la droite, et tentent de faire « un rassemblement large des forces de gauche », quitte à briser le sacro-saint contrat de confiance qui les lie au Parti populaire européen:
« Il est clair que l'Europe est en train de changer de visage. Une latéralisation du champ politique complètement nouvelle est en train de naître. Et la caricature habituelle des eurosceptiques, populistes, nationalistes, souverainistes, cette caricature-là n'aura plus de sens. Il y a, dans ces eurosceptiques, des forces réactionnaires d'extrême-droite, évidemment. Mais, il y a aussi des forces de progrès qui simplement demandent, exigent une autre Europe actuellement en cours, mais qui n'est plus possible. Il faut une rupture franche, et une des bases de cette rupture, c'est de repasser par le ressort des États-nations. »
Sentant le vent tourner pour la première force politique de l'hémicycle, Manfred Weber, président du groupe Parti populaire européen, a fait fuiter l'accord tacite signé en 2014 avec les sociaux-démocrates, mais aussi avec les libéraux. Un document conclu sans processus démocratique, qui stipule qu'en échange d'un soutien à la reconduction de Martin Schulz en début de mandature, la présidence en 2017 devait revenir au centre droit. « L'accord est connu de tous, mais le papier en lui-même était secret », selon Sophie Rauzsier:
« Les arrangements, ils sont bêtes et méchants, si je puis dire. Martin Schulz avait obtenu le soutien de la droite dans ce qu'on appelle la grosse coalition, c'est-à-dire un accord tacite, mais qui est signé par les deux plus grands groupes politiques du parlement européen, pour dire: "tu me soutiens cette fois-ci, je te soutiens à la prochaine" ».
Dans sa quête de rassemblement à gauche, le candidat social-démocrate à la présidence, Gianni Pittella, rôde, mais n'enrôle pas. Dans ces élections aux accents italiens (son compatriote Antonio Tajani est en lice pour la droite et Eleonora Florenza pour la gauche radicale), Pittella compte sur le soutien de groupes plus petits pour faire pencher la balance. Le candidat a l'intention de mieux les représenter du moment qu'ils lui restent fidèles, estime Sophie Rauzsier, dont le groupe a reçu Gianni Pittella. Manquant de clarté sur les questions clés comme le CETA, le candidat ne laisse que peu de garanties en échange de son soutien:
« Oui, je vais vous représenter, vous les petits groupes, je vais vous donner la parole, il y aura plus de transparence, plus d'éthique, on fera attention au cas de lobbying et de pantouflage. Tout cela alors que les précédents mois, les affaires de pantouflage n'ont pas visiblement ému les sociaux-démocrates et que pour ce qui est de la représentation politique des petits groupes, ils ont adopté, trois semaines avant de partir en vacances, le rapport Corbett sur les règles internes du parlement européen qui limite considérablement les pouvoirs des petits groupes, comme la GUE, les Verts, l'EFDD, etc. Donc, c'est un revirement total, où il est permis de douter de l'honnêteté… un mois encore avant, il faisait l'inverse. »
Coup de théâtre dans cette semaine riche en numéros, le mariage raté entre libéraux et eurosceptique. En dépit de divergences idéologiques patentes, certains groupes tentent des alliances improbables. C'est le cas du mouvement Cinq Étoiles de Beppe Brillo, qui a voulu quitter le groupe Europe de la liberté et de la démocratie directe pour se rapprocher des libéraux de l'ALDE. Après réflexion, Guy Verhofstad a conclu qu'il n'existait pas suffisamment de points d'accord pour donner suite à la demande. La grande alliance contre-nature n'aura pas lieu et les candidats ont probablement perdu en crédibilité. La prophétie de Manfred Weber, lors de son offensive contre les sociaux-démocrates, se réalisera-t-elle?: « Ceux qui ne respecteront pas ce pacte seront "responsables de l'influence que pourront exercer par la suite les forces anti-européennes et extrémistes" ». Pour Sophie Rauzser, Beppe Brillo a compromis son groupe, ce qui pourrait profiter au Groupe Europe des Nations et des Libertés de Marine Le Pen:
« Ils se sont fait rejeter, ils vont revenir la queue entre les jambes si je puis dire. Le groupe politique dans lequel ils étaient au départ, celui de Farage d'Ukip au Royaume-Uni, on verra ce que ça donne dans les semaines qui viennent… Ils se sont un peu décrédibilisés avec ça, ce qui risque de renforcer le groupe politique de Marine Le Pen au parlement européen, de renforcer malheureusement la solidité de son projet au détriment ds Cinq Etoiles qui manque parfois de cohérence politique, mais développent parfois sur les questions économiques européennes, des éléments très intéressants. »


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