Opération charme des pétrolières au Québec

Jean-Sébastien Marsan

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Tout le charme des vendeurs d'huile de serpent

L’industrie du gaz de schiste a échoué dans ses relations publiques, les pétrolières n’entendent pas vivre le même sort. Pétrolia et TransCanada s’offrent désormais des publicités dans les médias pour mousser leurs projets.
Une campagne télévisée de Pétrolia, diffusée depuis le 14 août sur les principales chaînes québécoises, flatte le sentiment d’appartenance avec un slogan nationaliste : « Le pétrole d’ici. Par des gens d’ici. Pour ici. » Elle se veut rassurante : « Cette exploitation-là, on va s’assurer que ce sera fait de la meilleure façon », promet la vice-présidente de l’entreprise, Isabelle Proulx.
En entrevue, Isabelle Proulx affirme que Pétrolia doit faire entendre sa voix : « Nous avons toujours été actifs et transparents sur le plan local, mais dans l’ensemble de la province on n’avait pas encore pris notre place pour expliquer notre vision du développement. »
TransCanada, depuis une semaine, achète de pleines pages dans plusieurs quotidiens. On y voit une jeune femme, dans sa cuisine, qui se demande : « D’où vient notre pétrole ? » Réponse : 86 % du pétrole utilisé au Québec et dans les provinces atlantique provient de l’étranger ; l’Oléoduc Énergie Est de TransCanada permettra de consommer canadien. Et la pub invite à consulter un site web.
Une stratégie gagnante ?
« Ces publicités démontrent que les entreprises se préoccupent davantage de l’opinion publique que par le passé. C’est une bonne nouvelle », réagit Bernard Motulsky, titulaire de la Chaire de relations publiques et communication marketing de l’UQAM.
Les pétrolières veulent-elles s’opposer au discours de leurs détracteurs ? « Les opposants à un projet s’emparent des médias pour le bloquer parce que les médias sont leur seule arme, ils investissent à peu près toutes leurs énergies dans la communication », observe Bernard Motulsky. « Alors que pour les entreprises pétrolières, la communication est une toute petite partie de leurs activités. Il faut les convaincre d’investir. »
Pétrolia a effectivement déboursé, pour la première campagne nationale de son histoire, une somme importante (que l’entreprise refuse de préciser, évoquant quelques centaines de milliers de dollars). « C’est beaucoup d’argent pour une petite société comme la nôtre, confie Isabelle Proulx. Ça a suscité beaucoup de débats à l’interne. »
Louis Aucoin, associé principal d’Octane Stratégies, note que les pétrolières tentent parfois de neutraliser l’opinion publique : « Je ne suis pas certain d’être pour le projet, ni d’être contre, donc je me désintéresse de ce débat, je laisse ça aux spécialistes », telle serait l’attitude que cherchent à produire des publicités qui, en apparence, invitent à la discussion.
Certaines industries polluantes ne sont d’ailleurs jamais contestées, remarque Louis Aucoin. L’aluminium, par exemple. Ces industriels ont investi, à long terme, dans un « positionnement environnemental ».
De toute façon, un débat controversé ne se gagne dans l’opinion publique comme on gagne une élection, souligne Bernard Motulsky. « Ce sont des dossiers dans lesquels on essaie d’influencer les acteurs. Avoir un impact sur une décision prise par un ministère ou une municipalité, par exemple. »


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