Quelques bons voeux nationaux

Notre nation doit vivre et déployer son âme collective dans l’univers

Chronique de Jean-Pierre Bonhomme

Bien des gens, par les temps québécois qui courent, se demandent si la nation française d’Amérique, qui a son centre politique au Gouvernement du Québec, pourra vivre correctement pendant les décennies qui viennent; ou bien celle-là ne se transformera-t-elle pas en quelques fragments historiques disséminés sur les rives du Saint-Laurent. La Laurentie, en somme, ne deviendra-t-elle pas l’habitat d’une communauté qui a perdu son âme et qui ne sera plus qu’une caricature des États-Unis? Le français n’ayant plus la valeur civilisatrice qui lui est actuellement propre…?
Eh bien moi aussi, en ce début d’année, je le crains et je crois pouvoir dire que certains gestes radicaux doivent être nécessairement posés qui pourraient changer le cours des choses si tant est qu’il reste un brin de volonté communautaire dans l’âme collective. Je vais en nommer quelques uns, ici, qui ne sont pas excessifs mais qui sont tous nécessaires pour que le Québec ait une présence qui compte dans la réalité des trois Amériques et dans le monde. Ce sont des actions qui pourraient être entreprises avant que je ne meure, ce qui n’est pas une question de décennies, et qui seraient porteuses d’espoir ici et ailleurs. Elles sont raisonnables et raisonnées :
- Le Gouvernement du Québec et son Assemblée nationale doit créer un ministère de l’aménagement, de l’architecture et de l’urbanisme afin de mettre de l’ordre dans le développement urbain. Jusqu’ici le développement urbain du Québec se fait au profit d’intérêts particuliers insensibles et voraces. L’intérêt commun n’est pas pris en compte; l’imagination créatrice et rassembleuse, en ce domaine, n’y trouve pas son compte. Les énormes sommes d’argent dépensées pour former les aménagistes et les architectes ne servent qu’à peu de choses et ceux-ci pourraient raisonnablement mieux servir la nation; il faut se rappeler que l’initiateur de la soi-disant révolution tranquille, René Lévesque, avait proposé, dans son premier programme, de «municipaliser les sols…»; il est nécessaire que le Québec se donne les moyens d’être exemplaire dans le domaine de la conception des villes, ceci pour rendre service. Il n’est pas bon qu’en ce domaine nous soyons de simples imitateurs des États-Unis, eux qui nous donnent Detroit et Cleveland.
- La ville de Montréal, la vraie ville, celle de l’île de Montréal, n’est pratiquement plus québécoise. Elle est devenue Canadian par l’intégration des immigrants à la culture anglaise. Si la tendance persiste le Québec perdra la moitié de sa force culturelle et le gouvernement du Québec deviendra celui d’une gentille province insignifiante (irrelevant en anglais). Si ce n’est pas cela que la collectivité veut, il y a des gestes à poser. L’État doit donner son enseignement en français au niveau des collèges et au niveau des universités. Donner l’enseignement en anglais à la progéniture des 50,000 immigrants (qui s’installent tous à Montréal à chaque année) c’est suicidaire. En tout cas il n’est pas raisonnable qu’un peuple permette ainsi sa déconfiture;
- Le seuil au-delà duquel la population française de Montréal n’est plus capable d’intégrer la masse actuelle des immigrants est dépassé. Cela a été démontré dans des études récentes. Il suffit du reste de raisonner raisonnablement pour le percevoir à l’œil nu. Alors il devient évident que le nombre d’immigrants à Montréal doit être réduit de moitié, environ, – c’est le chiffre avancé dans les études – pour permettre une relative intégration de ceux-ci à la nation d’ici;
- La minorité anglaise de Montréal (de souche) compte pour à peu près dix pour cent de la population du Québec. Or celle-ci est desservie par deux gigantesques universités anglaises alors que la population française, elle, n’en a que deux. Et l’une d’elle, l’UQAM, à l’architecture repoussante, est confinée à l’est de la ville; l’autre, est cachée derrière la montagne. Le geste à poser est d’intégrer l’université Concordia du centre-ville, qui dessert les immigrants, au réseau des Universités du Québec et de franciser les cours. Une université anglaise – gigantesque – au centre-ville c’est assez! Deux ce n’est pas raisonnable. Et puis, après tout, c’est la collectivité française de Montréal qui a payé pour Concordia… La brasserie anglaise Molson a bien contribué à l’essor de Concordia, c’est vrai, mais qui sont les buveurs – jusqu’à maintenant – si ce n’est pas nous?
- Pour rester dans le domaine de l’éducation, justement, il est nécessaire d’établir de vastes programmes d’échange d’instituteurs et de professeurs avec les pays de langue française du monde – des programmes bien financés – pour enrichir le vocabulaire des enseignants au contact du français international. Pour élargir l’horizon de la compréhension, aussi. Ce sera un moyen concret de stopper la glissade vers le dialecte et les farces plates.
- Nous avons bien glosé sur le fait que l’entraîneur de l’équipe de Hockey Canadien ne parle pas la langue officielle du Québec. Moi je me suis dit que là n’était pas l’essentiel. Les propriétaires de l’équipe MM. Molson, ont tout fait pour que les joueurs de l’équipe ne soit pas de la nation québécoise; il n’y en a pratiquement plus. Le scandale, dans tout cela, ce n’est pas le fait qu’un employé de Molson ne parle pas la langue du pays. Le scandale c’est que les joueurs ne soient pas eux-mêmes du pays et que l’équipe, dans les faits, soit devenue – avec la complicité des médias – une équipe Canadian, une équipe étrangère au lieu où elle se trouve. C’est comme s’il n’y avait pas de brésiliens dans l’équipe brésilienne! Est-ce raisonnable? Le geste à poser? C’est de cesser de boire la bière Molson, pour commencer; ensuite c’est d’obtenir, par la force de persuasion de l’État, une participation gouvernementale dans la propriété de l’équipe. Tout ce symbolisme, qui nous fait disparaître de la carte sportive doit changer.
Ces moyens et bien d’autres doivent être pris pour que notre nation vive et déploie son âme collective dans l’univers. Si cela ne devait pas être possible par manque de volonté ou par simple indifférence, les conséquences seront très graves. Il s’agira de la disparition d’une culture qui aurait pu propager des valeurs de bon goût, de compassion et de persévérance. Je sais que ma perception des choses est radicale. Et je me méfie du nationalisme; du mien pour commencer. Mais mon long parcours journalistique m’a donné un point de vue qui perçoit la nécessité de débloquer bien des choses; ceci sans présumer des formes que pourrait prendre la vie politique.
Bonne année.
Jean-Pierre Bonhomme


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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    31 décembre 2011

    Oui monsieur, voilà ce que devrait faire une nation non dominée. Une nation libre s'afficherait au monde, en exemple. Mais l'Histoire a démontré ce qu'il advient d'une nation qui n'en a plus que pour la pizza et le hockey.