Mon pays c'est l'hiver

Sur les élections partielles 2015

Tribune libre

Le 8 juin, les citoyens de la circonscription de Jean-talon seront conviés à aller voter. J'ai pris la peine de spécifier les citoyens car, en 2015, ils ne représentent malheureusement qu'une faible proportion de la population. Nous pouvons probablement, encore une fois, nous attendre à un taux de participation relativement faible. Dans cette atmosphère politique morose où le cynisme fait maintenant loi, les derniers citoyens de la capitale se présenteront aux urnes afin d'incinérer leurs idéaux.

Élections partielles parce que se déroulant dans une ou deux circonscriptions mais aussi parce que seulement une fraction de la population y participera. Nous aurons droit encore aux mêmes vieux discours stériles entre la gauche et la droite car personne ne semble vouloir aller de l'avant et aller à la source du mal. Tergiverser tous les quatre ans entre deux partis, c'est devenu la norme. Pourtant, à chaque fois, nous nous sentons insatisfaits, avec un petit arrière goût sur la langue.

De nos jours, le débat ne tourne qu'autour de l'économie. C'est à croire que c'est tout ce que nos politiques connaissent. Notre plus célèbre premier-ministre fut un journaliste horrifié par le spectacle qu'offrait le camp de concentration nazi à Dachau. Cette expérience traumatisante lui donna l'impulsion nécessaire pour décider qu'il fallait prendre notre destin collectif en main. Nous connaissons tous la suite. Mais comme nous sommes loin de tout cela aujourd'hui!

Le discours politique ne rejoint plus personne. Mon pays ce n'est pas un pays, c'est l'hiver. Mon peuple est sombre comme l'hiver, froid comme l'hiver, silencieux comme l'hiver. Des québécois individualistes, voilà ce que nous sommes devenus! Économie, finance, dette et emplois c'est ce dont nous voulons entendre parler. Peu importe qu'il s'agisse d'emplois précaires à produire des hamburgers radioactifs, des gaz de schiste et des missiles tomahawks, nous voulons plus d'emplois, plus d'argent et une saine économie! Ce peuple endormi comme l'hiver vous dira que le projet d'indépendance est dépassé, comme si le destin d'une nation perdait de l'importance avec le temps. Mon pays n'a pas les moyens d'être un pays parce qu'il est craintif comme l'hiver. La première puissance mondiale, que nous admirons tant, a une dette d'environ 17 trillions de dollars. Même les américains n'ont pas les moyens d'avoir un pays à eux. L'esclavagisme existe toujours mais sous forme déguisée, le temps n'y fait rien.

Ici, dans la capitale antinationale (car mon peuple n'est pas une nation, il n'en a pas les moyens), la radio poubelle se fera un grand plaisir d'animer le fameux débat entre la gauche et la droite sans se demander ce qui cloche vraiment dans le monde actuel. La gauche comme la droite sont tous devenus les pantins des géants et sabreront inévitablement dans l'éducation. La santé, quant à elle, n'est devenue qu'une industrie multinationale. Ensuite Ils se plaindront des assistés sociaux du type ''bougons'' qui vivent dans l'oisiveté au dépens de l'état. Par contre, ils ne se plaindront pas des capitalistes privilégiés qui ont hérité la richesse familiale et qui mènent une vie, de très loin, plus oisive et luxueuse au dépens du travail des autres, et tout ça sans pratiquement payer d'impôts! La classe moyenne et les nantis qui ont travaillé durement et mérité leur situation vont payer la facture tandis que les géants regarderont le spectacle en riant.

Comment un système comme la bourse qui permet de s'enrichir en ne produisant absolument rien d'utile à la communauté est-il toléré ici ? C'est davantage concentrer la richesse dans la main de ces même ultra-privilégiés. Les mêmes qui envoient nos jeunes soldats mourir en Afghanistan pour défendre une autre patrie et les intérêts des géants. Les vrais mordus d'économie vous diront sans hésiter que c'est la science qui étudie l'allocation des ressources et non la science financière pervertie qui prône l'accumulation de la monnaie.

Nous sommes les enfants rois qui ne règnent sur rien sauf la neige. Gâtés, les plus privilégiés du globe, égoïstes et divisés, nous nous replions dans notre petite bulle individuelle et nous nous désintéressons de la question politique et de nos compatriotes. Il est beaucoup plus facile de continuer de travailler à la folie pour s'offrir le consumérisme postmoderne américain au crédit. Tant pis le collectif! Tant pis les autres! Tant pis la vie en elle-même! Certains de nos jeunes peuvent bien se réfugier dans des idées grotesques et violentes et se joindre à l'état islamiste. Nous ne leur offrons rien de vraiment mieux comme idéal, sinon la compétition et le vide de l'hiver...

Nos valeurs fondamentales de liberté et d'égalité ont été perverties. L'égalité c'est le droit pour tous de s'exploiter les uns les autres de la même façon, peu importe la religion, le sexe, l'orientation sexuelle. La liberté c'est le droit d'exploiter infiniment l'homme et la terre et d'être assuré que sa propriété sera à l'abri. La liberté et l'égalité que nous devrions défendre devrait se baser sur ce qui fait de nous des êtres semblables, pas des êtes différents (tout en respectant la différence de chacun et le droit de s'autogérer des peuples). Attention, certaines valeurs inhumaines sont définitivement à bannir complètement. Par exemple les misogynies musulmanes sont inacceptables si la femme perd son statut égalitaire ou devient soumise et victime de violence. Le port du voile, dans la mesure où il se fait de façon volontaire une fois à l'âge adulte, ne représente pas une menace à notre identité ni aux fondements de notre société.

Mon pays ce n'est pas un pays, c'est l'hiver. Un vent froid souffle et il crache pendant des mois et des mois sur les étudiants qui manifestent dans la rue. Mais lorsqu'il y aura émeute car le Canadien gagne en séries, les grands médias ne réserveront qu'une page à l'incident. Mon pays ce n'est pas le Québec conquis, défaitiste, occupé, qui impose la même dictature qu'il se fait imposer mais cette fois à ses propres minorités (accommodements non raisonnables, minorité anglaise dans la métropole). Le Québec c'est mort comme l'hiver, plate comme le mois de février. Mon pays ce n'est pas l'autoroute 20 , buveuse alcoolique de pétrole qui cautionne l'impérialisme des plus grands pour exploiter les pays défavorisés puis ensuite se plaint du radicalisme religieux que cela engendre dans le monde arabe. Non! My country, it's not a country, it's money. ! NOTRE pays à je, me, moi, c'est Québec, Canada, U.S.A. , Macdonald, Wal-Mart, Apple INC.

Est-ce que j'irai aux urnes pour la crémation de mes rêves dans l'hiver de Jean-Talon? Oui, même si toutes ces questions futiles ne m'intéressent pas. Aucun candidat ni parti ne nous propose le printemps espéré de Stadaconné.


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