Moins satisfaits, mais plus libéraux

SONDAGE CROP-LA PRESSE-CYBERPRESSE - Avril 2008


En regardant les chiffres du plus récent sondage CROP, le paradoxe saute aux yeux: depuis le mois dernier, le taux de satisfaction des électeurs envers le gouvernement Charest a chuté de huit points, mais celui-ci enregistre une hausse de 4% dans les intentions de vote. Pas toujours facile à suivre, l'homo-politicus-quebekensis…

À 61%, en mars, le taux de satisfaction envers le gouvernement libéral minoritaire, avait fait un bond prodigieux de 11% par rapport à février, ce qui était tout de même louche. Nous assistons donc vraisemblablement à un ajustement, vers un score plus «normal» tournant autour de 50%. Rares sont les gouvernements qui réussissent, même quand tout va bien, à maintenir un taux de satisfaction supérieur à 60%.
Malgré la chute marquée de huit points, Jean Charest se contentera donc fort bien d'une note de 53%. D'autant que, et c'est là l'ironie, son parti continue de monter dans les intentions de vote, soit 4% de plus au général et 3% de plus chez les francophones, à 32%, deux petits points derrière le Parti québécois de Pauline Marois. Depuis six mois, les intentions de vote des libéraux sont passées, chez les francophones, de 15% à 35% (de 24% à 38% dans l'ensemble de l'électorat).
Ce que le CROP démontre, c'est que les Québécois n'approuvent pas nécessairement le gouvernement, ce que l'on constate dans la baisse du taux de satisfaction, mais qu'ils considèrent néanmoins que les libéraux sont les mieux placés pour gouverner.
Si tel est le cas, c'est une très mauvaise nouvelle pour les deux principaux partis de l'opposition. De fait, le PQ fait du surplace et l'ADQ de Mario Dumont poursuit sa descente en enfer. Depuis septembre, l'ADQ a perdu 17% dans l'ensemble de l'électorat et 18% chez les francophones. Pendant cette même période, le PQ a perdu un point et les libéraux en ont pris 14%. Pas très difficile de conclure que les électeurs adéquistes retournent ou se tournent vers les libéraux et non vers le PQ.
La surenchère nationaliste et identitaire de Pauline Marois et de Mario Dumont serait-elle vaine? Chose certaine, pour le moment, ce sont les libéraux, à qui on reproche d'en faire trop peu, qui se porte le mieux.
Le sondage, mené du 17 au 27 avril, ne peut mesurer l'impact de la nouvelle offensive de Pauline Marois sur la loi 101 ni les problèmes de Jean Charest avec son ami et ex-délégué du Québec à New York, Bruno Fortier. Par contre, il reflète l'onde de choc des cafouillages de l'ADQ au sein de l'électorat.
Cafouillages et désorganisation. Certes, la fonction d'opposition officielle est ingrate, mais plus le temps passe et plus l'ADQ semble dépassée par sa tâche.
On l'a vu encore ces deux derniers jours, aux audiences consacrées au congédiement de Bruno Fortier, à l'Assemblée nationale. Le leader parlementaire de Mario Dumont, Sébastien Proulx, n'est pas mauvais, mais il semblait mal préparé hier face au premier ministre. Surtout, il avait l'air seul, très seul. De l'autre côté de la table, les péquistes Agnès Maltais et Sylvain Simard, plus calmes, mieux préparés et surtout plus expérimentés, ont fait mouche.
Pourtant, cette sordide histoire de congédiement d'un ami d'enfance du premier ministre de l'un des postes les plus prestigieux du gouvernement devrait être du bonbon pour l'opposition officielle adéquiste, dont la marque de commerce est d'attaquer la façon de faire des «vieux partis». D'autant que Jean Charest s'est exposé aux coups en affirmant qu'il a nommé son ami d'enfance à New York sur la base de ses compétences, pour affirmer du même souffle qu'il n'a jamais travaillé avec lui.
La réalité, c'est que n'eût été de ses liens avec le premier ministre, Bruno Fortier n'aurait jamais obtenu ce poste. La réalité, aussi, c'est qu'un gars qui est nommé à un poste aussi prestigieux par son chum premier ministre risque de se croire intouchable. Si le gars, en plus, a des problèmes de comportement, c'est la recette pour un désastre.
La députée Agnès Maltais a demandé un moment à Jean Charest s'il regrettait cette nomination. Bonne question. Ce qu'il faudrait surtout savoir toutefois, à la lumière de l'«affaire Fortier», c'est si Jean Charest trouve sain et normal, en 2008, de procéder encore par népotisme et renvoi d'ascenseur avec ses amis personnels ou ses alliés politiques pour combler des postes aussi névralgiques.
C'est le gouvernement Charest, après des années de débat, qui a fait adopter à la fin de son premier mandat une nouvelle loi éliminant, en principe, le favoritisme dans les grandes sociétés d'État (la SAQ, qui se cherche en ce moment un nouveau PDG, est la première société d'État à «tester» la loi). Le gouvernement, peu importe sa couleur, se rendrait service en étendant les principes de transparence dans les appareils gouvernemental et diplomatique.
Les fonctionnaires et les employés des sociétés d'État n'apprécient jamais de se faire imposer un patron par le bureau du premier ministre. C'est particulièrement vrai dans la filière diplomatique, un système hautement hiérarchisé qui fonctionne selon ses propres codes. Les nominations partisanes donnent souvent lieu à des accrochages avec la «machine» frustrée de voir des amis du régime passer devant des diplomates de carrière qui gravissent, eux, les échelons un à un.
Juste une petite anecdote pour illustrer mon propos: en 2003, mon collègue Joël-Denis Bellavance et moi avions déposé une demande d'accès à l'information auprès du ministère des Affaires étrangères à Ottawa pour obtenir les comptes de dépenses de notre ambassadeur au Danemark, Alfonso Gagliano. À notre grande surprise, nous avions reçu un appel d'un fonctionnaire, quelques jours seulement après avoir posté notre demande, qui nous avait fait quelques «suggestions» pour préciser notre recherche, question de viser plus large et d'aller plus vite
À Québec, lundi, le sous-ministre du ministère des Relations internationales, Alain Cloutier, ne s'est pas fait prier non plus pour parler des problèmes de comportement de Bruno Fortier. Une chance, d'ailleurs, sinon on n'aurait pas appris grand-chose.


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