Il sait que la politique est un commerce d’images et d'illusions

Mitt Romney : le caméléon

Parti de la droite de la droite, il se retrouve centriste

Tribune libre

Fils d’un ex-gouverneur du Michigan qui chercha en vain à devenir candidat présidentiel de son parti, candidat défait au sénat contre Ted Kennedy, élu gouverneur du Massachusetts, aspirant défait à la candidature présidentielle républicaine en 2008 et finalement candidat républicain contre le président Barack Obama en 2012, Mitt Romney a une longue expérience électorale et politique qui lui a permis de comprendre mieux que quiconque que la politique est un commerce d’images et d’illusions.
Il y a à peine quelques mois, lors des primaires du parti républicain qui précédèrent la convention du parti à Tampa en fin d’août dernier, le discours de Romney se situait à droite et à droite de la droite. Ce fut sa stratégie pour gagner la majorité de ces élections et devenir le candidat présidentiel de son parti. Le parti était dominé par les teapartyers, les évangélistes, les riches, les pétrolières, les fabricants de produits pharmaceutiques, etc., et, depuis 2010 par une nouvelle majorité à la Chambre des Représentants, élus grâce à leur politique de droite radicale.
Romney s’adapta à chaque occasion et n’y alla pas avec le dos de la cuillère pour se montrer sympathique. Les principes politiques ne pesaient pas lourd dans son argumentation. Il s’agissait pour lui de dire, tout en ayant l’air sérieux, ce que les républicains de ces États voulaient entendre, nonobstant ce que pouvait en penser une majorité d’Américains qui exprimaient leur désaccord dans les sondages.
Il atteignit son objectif et sortit victorieux de Tampa. Puis, avec sa nomination en poche, le toujours pragmatique Romney changea sa stratégie du tout au tout dans le but de convaincre une majorité d’Américains qu’il serait un bon président. Pour satisfaire son clan de droite, il choisit leur idole, le représentant Paul Ryan pour être son vice-président. Puis, il se repositionna politiquement. Sans gêne, il devint, par ses discours, centriste avec un penchant soit à gauche, soit à droite, dépendant des circonstances, avec le défi de maintenir sa crédibilité.
Et Romney l’a fait, et le fait très bien. Au point que le sondage de ce matin (24/10/12) de Gallup lui donne une avance de 5 % des électeurs probables. Un revirement sensationnel qui découle principalement du premier des trois débats entre les deux opposants. Lors de cette rencontre, Obama, sûr de l’avance qu’il avait à ce moment-là dans les sondages, a cherché à maintenir le statuquo. De son côté, Romney a adopté un ton positif, poli, respectueux, dynamique, intelligent et clair. Il a démontré une attitude présidentielle qu’on ne lui connaissait pas. Il a réussi sa prestation au point qu’il a placé Obama sur la défensive. Il a agréablement surpris et les Américains l’ont soudainement aimé.
On sait que lors d’élections, les électeurs donnent généralement plus d’importance au caractère du candidat qu’à ses politiques. « Est-ce que je l’aime? », pensent-ils. Récemment, les campagnes antisarkozistes et anticharestistes en sont une démonstration et les ont amenés à ne pas aimer Nicolas Sarkozy ou Jean Charest.
Les citoyens ne comprennent pas tout ce qui se dit en période électorale, mais ils veulent avoir le sentiment que le candidat sait de quoi il parle. C’est l’impression que Romney a laissée. Depuis, il grimpe dans les sondages. Les deux autres débats qui ont suivi ont été gagnés par Obama, mais Romney n’a pas perdu de plumes. Pourquoi?
Gallup nous donne des indices en soulignant l’effritement du vote des femmes, des latinos et de la gauche qui étaient à la base de la victoire de 2008 d’Obama.
Les femmes critiquent Obama pour avoir évité de parler, durant le débat, de la contraception, du salaire égal et de l’attitude qui règne à Washington envers les femmes et leur rôle en politique.
Les latinos sont profondément déçus d’Obama à cause de son manque d’action pour la réforme des lois d’immigration.
La gauche américaine exprime son désappointement envers Obama à cause de promesses électorales non respectées : taxes des riches, Guantanamo…
Les sondages ne veulent pas nécessairement dire que Romney va gagner, car un président américain n’est pas élu directement par le suffrage de tous les Américains, mais par les Grands électeurs de chaque État dont le nombre est lié à sa population. Ces électeurs sont choisis en proportion des votes recueillis par chacun des candidats dans chacun des États.
Il y a 538 Grands électeurs et la majorité à atteindre pour devenir président des É.-U. est de 270. Comme ailleurs, il y a des États qui sont fortement probables ou solides pour les démocrates ou les républicains. Ils représentent actuellement, selon les observateurs avertis, 201 Grands électeurs pour Obama et 206 pour Romney. L’élection se joue donc dans les États indécis : Colorado (9 Grands électeurs), Floride (29), Iowa (6), Michigan (16), Nevada (6), New Hampshire (4), Ohio (18) Pennsylvanie (20), Virginie (13) et le Wisconsin (10). Sur ces 131 Grands électeurs de ces États, Obama doit en gagner 69 et Romney 63 pour être élu. De toute évidence, c’est très serré!
Pour rallier les États indécis à sa cause, chaque candidat devra s’adresser directement aux problèmes de chacun. En voici quelques exemples :
Au Michigan, où Mitt Romney a grandi et où son père a été fabricant d’automobiles et gouverneur, c’est la relance des grandes compagnies GM, Chrysler, etc… qui prime.
En Floride, c’est le très grand nombre de retraités qui craint les coupures dans la sécurité sociale et le Medicare.
L’économie de l’Ohio est malade et la classe moyenne souffre. Là, plus qu’ailleurs, on blâme la mondialisation pour la perte d’emplois et les coupures draconiennes proposées par les républicains de l’État.
En Pennsylvanie, c’est la population qui diminue.
Paul Ryan est un élu du Wisconsin. Mais il y a beaucoup de méfiance envers lui à cause de son approche budgétaire et de sa volonté de transférer au privé le plus grand nombre de programmes sociaux pour couper dans les dépenses.
En Virginie, comme ailleurs dans le Sud américain, où le nombre de latinos et de noir croît, il y a des tensions nouvelles qui se dessinent.
La population de l’Iowa est généralement plus âgée et pour elle la stabilité des programmes sociaux et de santé est importante. L’agriculture est capitale et compte sur la continuation des subsides fédéraux.
Le Colorado change vite. Sa population estudiantine augmente rapidement ainsi que le nombre des latinos qui représente 22 % de la population. L’économie est relativement bonne.
Le Nevada a un des plus hauts taux de chômage du pays. Il en est de même pour le nombre de familles qui ont perdu leur maison. Le manque d’emplois et la diminution des valeurs immobilières sont les problèmes principaux.
À ce jour, il semble que le caméléon Romney est sur la bonne voie. Mais rien n’est certain, puisque durant les derniers jours, la cote d’Obama s’est améliorée de 2 % dans le Gallup.
Mais si j’étais Obama, je serais nerveux suite à des propos d’anciens partisans importants. Ted Turner, le fondateur de CNN, vient d’affirmer « Même si je ne suis pas en accord avec beaucoup de ce que Romney dit, je crois qu’il fera un bon président  ». De même, Georges Soros, milliardaire américain, philanthrope, décrit l’administration Obama comme étant fatiguée. L’ex-président Jimmy Carter reconnaît que Romney a montré sa compétence comme gouverneur et organisateur des JO de l’Utah et ajoute « je serais confortable avec Romney comme président  ».
Je crois que les électeurs américains doivent se poser la question « qui est le vrai Romney? ». C’est la réponse qui déterminera qui sera le prochain président des États-Unis.
Claude Dupras


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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    27 octobre 2012

    Lors des primaires, les candidats tiennent généralement des discours extrémistes (de gauche ou de droite), car ce sont les extrémistes qui se déplacent pour choisir les candidats.
    Obama n'a pas à passer par là puisque le président est reconduit par défaut.
    C'est après les Primaires que les candidats recentrent leurs discours pour saisir le bloc le plus large possible des électeurs.
    Le père de Mitt Romney ne pouvait espérer être nommé candidat pour la Présidence : Il est né en sol mexicain dans une famille de missionnaires mormons.
    Mitt Romney dans sa course en 2008, il fut soutenu par les dons de Goldman-Sachs. Obama a aussi bénéficié des largesses de GS en 2008, mais il n'a pas affronté directement Romney.
    Pour Romney en 2012:

    This table lists the top donors to this candidate in the 2012 election cycle. The organizations themselves did not donate , rather the money came from the organizations' PACs, their individual members or employees or owners, and those individuals' immediate families. Organization totals include subsidiaries and affiliates.
    Because of contribution limits, organizations that bundle together many individual contributions are often among the top donors to presidential candidates. These contributions can come from the organization's members or employees (and their families). The organization may support one candidate, or hedge its bets by supporting multiple candidates. Groups with national networks of donors - like EMILY's List and Club for Growth - make for particularly big bundlers.
    Goldman Sachs $994,139
    Bank of America $921,839
    Morgan Stanley $827,255
    JPMorgan Chase & Co $792,147
    Credit Suisse Group $618,941
    Wells Fargo $598,379
    Deloitte LLP $554,552
    Kirkland & Ellis $496,722
    Citigroup Inc $465,063
    Barclays $428,250
    PricewaterhouseCoopers $421,085
    UBS AG $400,390
    HIG Capital $385,500
    Blackstone Group $360,225
    Ernst & Young $293,067
    EMC Corp $288,440
    General Electric $287,495
    Elliott Management $281,925
    Bain Capital $279,220
    Rothman Institute $263,700

    Pour Obama en 2012:
    University of California $1,079,526
    Microsoft Corp $761,343
    Google Inc $737,055
    US Government $614,665
    Harvard University $602,992
    Kaiser Permanente $532,674
    Stanford University $473,372
    Deloitte LLP $430,084
    Columbia University $411,894
    Time Warner $408,512
    DLA Piper $393,102
    Sidley Austin LLP $377,133
    University of Chicago $325,256
    Comcast Corp $320,366
    IBM Corp $318,645
    US Dept of State $308,926
    University of Michigan $308,410
    Wells Fargo $288,804
    Apple Inc $270,856
    US Dept of Defense $270,519

    http://www.opensecrets.org/pres12/contrib.php?id=N00009638
    On voit que les banquiers se rangent derrière Mitt Romney contre Obama. Donc Obama a fait quelque chose de bien.