Agence QMI Huguette Young OTTAWA - Les Québécois ne se reconnaissent pas dans le Canada de Stephen Harper. Et ce courant est encore plus prononcé depuis que le premier ministre a remporté une majorité de sièges lors du scrutin du 2 mai.
C'est ce que révèle un vaste sondage de Léger Marketing mené pour le compte de l'Agence QMI.
Confinés dans l'opposition à la Chambre des communes, sans « porte-parole important » du Québec, les Québécois sont plus pessimistes que jamais face à l'avenir sous ce gouvernement « qu'ils ne souhaitaient pas », affirme le sondeur de Léger Marketing, Christian Bourque.
En effet, près des deux tiers des Québécois estiment que le Canada va moins bien qu'il y a 10 ans alors qu'ailleurs au pays, c'est moins que la moitié des répondants qui ont cette opinion.
À peine un Québécois sur cinq estime que le Canada va dans la bonne direction. Moins d'un Québécois sur 10 envisage l'avenir avec optimisme.
À l'instar des autres Canadiens, les Québécois sont préoccupés face à la perspective d'une deuxième récession mondiale, mais l'insatisfaction va plus loin.
Face au gouvernement Harper, il y a une « crise de confiance » au niveau des symboles et des principes de conservatisme social, reprend M. Bourque.
« C'est une droite qui ne nous ressemble pas », affirme-t-il.
Ce « choc » des valeurs se mesure dans plusieurs dossiers où les Québécois et les Canadiens ont des points de vue opposés. Les Québécois sont contre l'extraction de pétrole des sables bitumineux et le financement accru de l'armée canadienne. Ils sont deux fois moins favorables à l'achat de chasseurs F-35, très réticents face au retrait du Canada du Protocole de Kyoto et encore plus réfractaires à la promotion des symboles de la monarchie, mais plutôt favorables au droit à l'avortement.
Moins d'un Québécois sur cinq appuie l'abolition du registre des armes d'épaule alors que le tiers des citoyens hors Québec s'y dit favorable.
Quelques rapprochements
Les Québécois et les Canadiens partagent certaines valeurs, mais celles-ci se comptent sur le bout des doigts : la construction de l'oléoduc Northern Gateway, l'imposition de peines d'adultes pour les jeunes contrevenants coupables de crimes graves et la réduction de 10 % des dépenses de l'État.
La peine de mort pour certains criminels dangereux et une présence militaire accrue dans l'Arctique sont les valeurs pour lesquelles les opinions des Québécois et des Canadiens sont les plus rapprochées.
Ce sondage fait ressortir également que les personnes du ROC (Rest of Canada) vivent, eux aussi, des déchirements existentiels.
S'ils trouvent les Québécois « chialeux » au sujet de leur relation avec Ottawa et estiment que ceux-ci représentent un « fardeau », une majorité souhaite que le Québec demeure au sein du Canada.
À ce titre, les Albertains sont ceux qui sont les plus irrités par les Québécois, peut-être parce que l'Alberta leur envoie un chèque de péréquation directement de leurs poches », croit M. Bourque.
En Ontario et dans les provinces atlantiques, l'attitude à l'égard du Québec est beaucoup plus positive.
Quant aux Québécois, plus de la moitié d'entre eux estiment qu'ils représentent un atout pour le Canada. Or, plus du tiers sont d'avis contraire pour des raisons qui demeurent obscures.
« Les priorités d'autres électeurs »
Pour le politologue Louis Massicotte, de l'Université Laval, ce sondage montre avant tout que le programme du gouvernement Harper « reflète les priorités d'autres électeurs que ceux du Québec ».
« Les Québécois sont dans l'opposition et ils en paient le prix », a-t-il noté.
Historiquement, les Québécois « étaient bien installés » au pouvoir à Ottawa, avec les conservateurs de centre-droite de Brian Mulroney et les libéraux de Jean Chrétien qui décrochaient 44 % du vote au Québec en l'an 2000.
En fait, l'un des « reproches » qui était fait au gouvernement Mulroney, « c'est qu'il s'écrasait devant le Québec », qu'il s'agisse du défunt Accord du lac Meech, du traité canado-américain de libre-échange ou du renforcement de la Loi sur les langues officielles, a rappelé M. Massicotte.
Aujourd'hui, le refus du gouvernement Harper « de pousser le bilinguisme plus loin », passe mal.
« On a l'impression de vivre une régression historique », résume-t-il.
Ce sondage a été réalisé auprès de 2509 répondants du 28 février au 5 mars. La marge d'erreur est de 2 % dans 19 cas sur 20.
Dossiers où les Québécois et les Canadiens ne se rejoignent pas (opinions favorables)
Le droit à l'avortement
_ Québec: 85 %
_ Reste du Canada: 66 %
L'extraction du pétrole des sables bitumineux
_ Québec: 36 %
_ Reste du Canada: 63 %
L'abolition du registre des armes à feu
_ Québec: 18 %
_ Reste du Canada: 48 %
Le financement accru de l'armée canadienne
_ Québec: 19 %
_ Reste du Canada: 37 %
L'achat des avions F-35
_ Québec: 17 %
_ Reste du Canada: 33 %
Le retrait du Canada du Protocole de Kyoto
_ Québec: 11 %
_ Reste du Canada: 32 %
La promotion des symboles monarchiques
_ Québec: 9 %
_ Reste du Canada: 36 %
Valeurs communes partagées par les Québécois et les Canadiens des autres provinces (opinions favorables)
La construction de l'oléoduc Northern Gateway
Québec: 24 %
_ Reste du Canada: 31 %
L'imposition de peines adultes pour les jeunes contrevenants accusés de crimes graves
_ Québec: 60 %
_ Reste du Canada: 70 %
Compressions de 10 % dans les dépenses de l'État
_ Québec: 74 %
_ Reste du Canada: 65 %
Peine de mort pour les criminels dangereux
_ Québec: 49 %
_ Reste du Canada: 49 %
Présence militaire accrue/Arctique canadien
_ Québec: 44 %
_ Reste du Canada: 48 %
Selon un sondage
Les Québécois ne se reconnaissent plus dans le Canada
Près des deux tiers des Québécois estiment que le Canada va moins bien qu’il y a dix ans.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé