Construction

Les pressions de l'industrie ont eu raison de Duchesneau

Enquête publique - un PM complice?


Kathleen Lévesque - Puisque, dans son enquête, il s'approchait du cœur du système de collusion, Jacques Duchesneau subissait d'énormes pressions de la part d'acteurs clés de l'industrie de la construction. Il s'en est ouvert hier matin au ministre des Transports, Sam Hamad, a appris Le Devoir.
«M. Duchesneau et son équipe font des enquêtes qui dérangent certaines personnes qui essaient de le tasser de là. [...] Ils veulent lui faire la job», a expliqué sous le couvert de l'anonymat une source gouvernementale. Cette même personne a précisé que l'unité anticollusion mise en place en février dernier au sein du ministère des Transports pour faire le ménage «était en train de découvrir des affaires».
Lors de la rencontre avec le ministre Hamad, convoquée à la suite des allégations de financement politique illégal qui pèsent contre lui, M. Duchesneau aurait précisé ne pas être surpris par la situation. Dès sa nomination, M. Duchesneau serait devenu la cible de gros joueurs de l'industrie ne souhaitant pas être embarrassés lorsqu'ils brassent des affaires avec le gouvernement.
Depuis plusieurs mois, l'état-major de M. Duchesneau aurait constaté certains jeux de coulisses qui tentent de discréditer le travail de l'unité, a raconté une autre source proche du dossier. Il y aurait eu des gestes qualifiés «d'intimidation» et certaines craintes qu'il y ait des représailles physiques ont surgi. «C'est grave. On ne joue pas avec des enfants d'école. On leur fait de plus en plus mal», a confié cette personne.
D'ailleurs, une source issue de la fonction publique a raconté au Devoir que la mise en place de l'unité anticollusion avait délié les langues des employés qui voient passer les dossiers et les problèmes. On craignait hier que cette voie d'information soit maintenant obstruée.
Après sa rencontre avec le ministre, Jacques Duchesneau a rencontré la presse en après-midi afin d'annoncer son retrait de ses fonctions le temps que des vérifications soient faites. Le Directeur général des élections a mandaté sa direction juridique afin d'enquêter sur les faits nouveaux qui ont été présentés.
Étonnamment, le délai de prescription pour déposer une poursuite est de cinq ans dans les dossiers de financement politique. Or, il s'agit d'événements qui se seraient produits en 1999, soit après le scrutin municipal.
Mercredi soir, TVA a diffusé un reportage dans lequel un des organisateurs politiques de M. Duchesneau lors de sa course à la mairie de Montréal, en 1998, a déclaré avoir agi comme prête-nom pour dissimuler la source d'un prêt de 10 000 $ pour son parti Nouveau Montréal.
Lors de son point de presse, l'ancien chef du Service de police de Montréal s'est borné à lire une déclaration. «Je réfute les allégations qu'on m'attribue et j'en suis même choqué», a affirmé avec aplomb M. Duchesneau, qui a dit ne pouvoir accepter qu'on «salisse» sa réputation de «façon aussi gratuite».
«Le mandat que m'a confié le gouvernement commande d'être irréprochable sur le plan des perceptions et je m'impose cette discipline. Il faut bien se comprendre, les allégations portent sur le financement de la campagne électorale municipale à Montréal, en 1998, et non sur des manoeuvres de collusion. Je veux être clair: il n'y a aucun prête-nom, aucune fausse identité», a soutenu M. Duchesneau.
Après avoir fait sa déclaration, M. Duchesneau a quitté le salon Jacques-L'Archevêque de la Tribune de la presse sous les cris des journalistes qui lui lançaient leurs questions: «D'où venait l'argent, M. Duchesneau?» En guise de réponse, alors qu'il était suivi par des cameramans et des journalistes, l'ancien policier n'a eu que ces mots: «Directeur général des élections», puis il s'est engouffré dans la cage d'escalier.
Quelques heures plus tôt, lors de la période de questions à l'Assemblée nationale, Sam Hamad a été la cible des attaques de l'opposition. Le porte-parole péquiste en matière de transports, Nicolas Girard, a talonné le ministre, lui demandant comment il pouvait faire confiance à un homme au «passé trouble». «Comment peut-il tolérer que le renard soit dans le poulailler?», a lancé M. Girard.
Dans le chahut de la Chambre, M. Hamad a expliqué qu'il avait convoqué M. Duchesneau la veille, après avoir pris connaissance des faits allégués afin de faire la lumière. Il a précisé qu'il avait été convenu que M. Duchesneau se retirerait pour ne pas porter ombrage aux enquêtes en cours.
Le cabinet du ministre n'a pas pu préciser si M. Duchesneau conserverait son salaire annuel de plus de 200 000 $ durant son retrait temporaire ou s'il serait remplacé.
Du côté de l'Action démocratique du Québec, la députée Sylvie Roy a souligné en Chambre toutes les diversions créées pour ne pas appeler une commission d'enquête publique. Encore une fois, l'ADQ l'a réclamée.
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Avec la collaboration Antoine Robitaille


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