Les mauvais calculs d'Hydro-Québec

Les prochaines années s'annoncent difficiles pour Hydro-Québec. Les énormes surplus d'électricité accumulés combinés à la chute des prix de l'électricité sur les marchés extérieurs vont coûter cher aux Québécois. Très cher.

Budget Québec 2010

Hausser les tarifs d'électricité des Québécois pour ensuite revendre à fort prix un bloc d'actions de la société d'État demeure une possibilité.
Photothèque Le Soleil
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Pierre Couture - (Québec) Les prochaines années s'annoncent difficiles pour Hydro-Québec. Les énormes surplus d'électricité accumulés combinés à la chute des prix de l'électricité sur les marchés extérieurs vont coûter cher aux Québécois. Très cher.
On ne le dira jamais assez, Hydro-Québec demeure la plus belle (et rentable) vache à lait de l'État québécois. Bon an mal an, cette société d'État rapporte 2 milliards $ de dividendes dans les cof­fres du gouvernement.
Or, Hydro-Québec s'attend à voir son bénéfice net reculer d'ici 2013. Cette année, Hydro croit qu'elle pourra dégager des profits records de 2,7 milliards $. Ce ne sera toutefois pas le cas l'an prochain (et ce jusqu'en 2013), où 2,4 milliards $ par année sont attendus.
Le coupable? Le fameux gaz naturel. La chute du prix du gaz naturel sur les marchés nord-américains va faire mal à Hydro-Québec.
Plusieurs analystes énergéti­ques sont d'avis que les faibles prix du gaz naturel pourraient perdurer encore 10 ans en Amérique du Nord.
Hier, on pouvait mettre la main sur 1000 pieds cubes de gaz (livraison en décembre) pour un peu moins de 5 $US. Il y a deux ans, la même quantité de gaz valait 10 $US.
La découverte de nouveaux gisements (gaz de schiste) aux États-Unis met donc une énorme pression sur les prix de l'électricité, à la baisse. Chez nos voisins du Sud, il faut savoir que la plupart des centrales électriques tournent au gaz (il s'est construit 200 000 MW de centrales au gaz entre 2000 et 2005 aux É.-U.). L'équation est facile : prix du gaz bas égale production d'électricité à faible coût.
En clair, les prix obtenus par Hydro-Québec aux États-Unis ces prochaines années n'auront rien à voir avec ceux obtenus ces dernières années sur ces marchés.
Il faut s'attendre à des prix beaucoup moins élevés. Ce qui nous amène aux fameux coûts d'approvisionnements des nouveaux projets qui seront mis de l'avant par la société d'État d'ici 2020.
Les projets
Ici, on parle des projet La Romaine (1550 mégawatts), Magpie (850 MW) et Petit-Mecatina (1200 MW) et de parcs éoliens, dont les coûts de revient par kilowattheure dépasseront les 10 ¢. Hier, les économistes consultés par Le Soleil étaient unanimes sur un point : tous les projets dont le coût de revient dépassera les 9 ¢ du kilowattheure risquent d'être déficitaires chez Hydro-Québec.
Imaginez, en 2020, la société d'État comptera sur des surplus d'électricité de 30 térawattheures (1 térawattheure peut alimenter 50 000 maisons). De quoi fournir du courant à plusieurs nouvelles alumineries en sol québécois!
Qui paiera alors pour les pots cassés? Alors que l'État québécois aura un urgent besoin de renflouer ses coffres d'ici quatre ans (trou anticipé de 13 milliards $), elle ne pourra compter sur Hydro-Québec et ses juteuses perspectives de profits à l'étranger.
Une seule avenue possible : se replier sur la base. C'est pourquoi le principal actionnaire, le gouvernement, cherche à faire passer l'idée de faire grimper le prix du bloc d'énergie patrimonial de 1 ¢ le kilowattheure. Une telle mesure produirait des retombées de 1 milliard $ par année dans les goussets gouvernementaux.
Remarquez qu'en 2004, l'idée avait pourtant été rejetée rapidement par Jean Charest. À l'épo­que, c'est le pdg d'Hydro, André Caillé, qui avait proposé cette alternative au gouvernement. Le tarif patrimonial de 2,79 ¢ du kilowattheure accordé aux con­sommateurs québécois a pourtant été une condition pour faire avaler la création de la Régie de l'énergie.
Créé en 2000 par la loi 116 du gouvernement péquiste, le bloc dit patrimonial vise à protéger les consommateurs québécois contre des fluctuations importantes de prix tout en leur faisant profiter des retombées de la construction de barrages hydroélectriques. À moins que l'on décide de prendre le taureau par les cornes et de vendre une partie d'Hydro-Québec? Mais encore là, les sombres perspectives de profits d'Hydro-Québec au cours des prochaines années la rendent moins attirante.
Hier, plusieurs analystes soutenaient que vendre Hydro-Québec dans ce contexte reviendrait à une «vente de feu».
Pourquoi vendre une partie d'Hydro 15 milliards $, alors qu'elle pourrait en valoir 30 milliards $ si les tarifs étaient augmentés? À moins que le gouvernement Charest ait une idée bien précise en tête : hausser les tarifs d'électricité des Québécois pour ensuite revendre à fort prix un bloc d'actions de la société d'État sur les marchés boursiers?


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