Les marmottes de PKP

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La job de bras pour le compte du boss

En entrant en politique au mois de mars, Pierre Karl Péladeau s'est engagé à suivre à la lettre le code d'éthique des députés.

Hélas, l'homme est si occupé qu'il n'a pas eu le temps de se rendre à l'article 16, qui dit qu'un député ne peut pas «se prévaloir de sa charge pour influencer ou tenter d'influencer la décision d'une autre personne de façon à favoriser ses intérêts personnels».
C'est plate à lire, un code de déontologie, plein de sources de déception. L'article 25 nous dit qu'un député doit déclarer son intérêt quand une question est soulevée touchant ses affaires, à l'Assemblée nationale ou dans l'une de ses commissions.
Il doit même se retirer de l'enceinte.
Plate de même, mesdames et messieurs. Au moment où, enfin, un débat devient trop «intéressant» à l'Assemblée nationale, on vous force à sortir au nom de l'éthique.
S'il l'avait su, il n'aurait sûrement pas parlé de la vente des Studios Mel's en commission parlementaire, le 2 juillet. D'autant qu'il ne s'agissait pas d'une question à l'ordre du jour: c'est lui-même qui a soulevé le risque de voir passer ces studios en des mains étrangères. Il a omis de dire que Québecor, dont il détient 24 % des actions mais 73 % des droits de vote, était l'unique acheteur québécois potentiel.
Il n'aurait pas non plus appelé Investissement Québec deux fois pour tenter de convaincre les dirigeants de vendre les actions détenues par ce bras de l'État québécois à sa société, n'est-ce pas?
Heureusement, on a un long week-end devant nous. Parions qu'il a le nez dans son code.
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Vendredi, le député de Saint-Jérôme a présenté ses excuses et promis de collaborer avec le commissaire à l'éthique. Ce n'est pas pour promouvoir ses intérêts personnels qu'il est intervenu, c'est pour que cette entreprise demeure entre des mains québécoises, dit-il.
Admettons que ce soit uniquement par patriotisme économique que le député est intervenu. L'homme n'a pas été gêné une seconde du fait que les «mains québécoises» étaient les siennes? Il n'a pas pensé à mettre au jour l'intérêt de sa compagnie?
Que PKP l'homme d'affaires tempête contre un acheteur étranger, qu'il plaide sa cause devant le gouvernement, c'est une chose. Mais ce n'est plus un homme d'affaires: c'est un député. Qui aspire en plus à la plus haute fonction au Québec.
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Mettons pour le moment sur le compte de l'inexpérience ces interventions que sinon on qualifierait de grossières - et qui sont très exactement le genre de choses qui ont justifié le Code d'éthique et de déontologie.
Revenons-en aux principes. On a ici l'exemple parfait du problème que posent les possessions de PKP. Ses entreprises sont partout et soumises à une panoplie vertigineuse de lois, de règlements, de décrets, de politiques gouvernementales et de décisions discrétionnaires de l'État.
S'il veut respecter le Code d'éthique et sortir du Parlement chaque fois qu'il est question de ses intérêts, il fait bien de commencer à fumer ou de se mettre à la raquette: il va passer l'hiver dehors.
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Jean-François Lisée, la Cassandre péquiste sur le point d'être bannie de sa maison politique, a raison d'alerter son parti et de parler d'une «bombe à retardement». On n'imaginait pas cependant que ce serait PKP lui-même qui l'allumerait!
Enfin, le fait est indéniable: la question de ses intérêts va sortir à tout bout de champ telles des marmottes dans ce jeu qui consiste à les faire rentrer dans leur terrier avec un marteau et qui peut vous rendre fou. Tu rentres une marmotte, il en sort une autre...
Le plus ironique, c'est que la question a été soulevée au départ autour de l'empire médiatique. Un débat de principes essentiellement sur une question d'apparence de conflit d'intérêts. On répugne à voir un dirigeant politique, soit comme législateur soit comme membre du gouvernement, demeurer propriétaire des médias nationaux dominants, télé et journaux. Même s'il ne les dirige plus, il est en position d'infléchir leur sort par des lois ou de paraître influer sur l'opinion publique, même si c'est bien indirectement, et même si c'est une simple crainte théorique.
Ça, c'était mardi...
Vendredi, le problème surgit de manière très concrète, presque vulgaire, non pas «en principe», mais pour vrai: il tente de convaincre le gouvernement de vendre des biens à sa compagnie - pour la bonne cause, certes!
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Jean Chrétien, quand il était premier ministre, avait appelé le président de la Banque canadienne de développement pour qu'un prêt soit accordé au propriétaire de l'Auberge Grand-Mère, insolvable. M. Chrétien avait été copropriétaire du terrain de golf de l'auberge. Lui aussi disait agir en «simple député». Lui aussi s'était fait accuser d'avoir franchi la ligne éthique.
David Whissel a quitté le cabinet de Jean Charest plutôt que de vendre ses actifs dans ABC Rive-Nord, une entreprise d'asphaltage qui obtenait des contrats du ministère des Transports. L'opposition avait critiqué sa situation avec raison, même si ses actions étaient dans une fiducie. Julie Boulet a dû vendre sa pharmacie. Pierre Arcand s'est fait reprocher d'avoir une participation dans une société d'affichage qui a des contrats notamment avec des organismes publics. Il a vendu ses actions.
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On verra ce que conclura le commissaire à l'éthique, qui étudie le cas de M. Péladeau. Il ne peut que recommander des sanctions - de la réprimande à la suspension des privilèges parlementaires, en passant par l'amende.
Même dans l'hypothèse la plus généreuse, ça ne changera rien à l'affaire. Le problème va se poser encore et encore tant que PKP sera propriétaire de cet empire ET député, bientôt chef de l'opposition, aspirant premier ministre.


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