Justice française

Les époux DESMARAIS pourraient perdre leur Légion d'Honneur

Absence de mérite et abus de pouvoir avec possibilité de trafic d'influence

La Dépossession tranquille


Chaque pays a toujours trouvé la formule pour honorer et distinguer ses hommes d'exception pour services rendus à la nation dans des circonstances particulières.
Napoléon ne devait pas déroger à la règle en créant la Légion d'Honneur. Ce prestigieux ordre dont la devise est « Honneur et Patrie » vit le jour par décret le 29 floréal de l’an X de l’ère napoléonienne (19 Mai 1802). Dans cet ordre, les grades sont attribués au mérite selon la hiérarchie suivante : Chevalier, Officier, Commandeur, Grand-Officier, Grand-Croix et Grand-Maître, ce dernier étant réservé au chef de l’État français.
C’est à ce titre que l’Empereur en fit la 1ère distribution le 14 juillet 1804. À l’origine, cette distinction jouissait d’un très grand prestige qui rejaillissait sur les récipiendaires. S'il fut une époque où la valeur se mesurait aux faits d'armes et au nombre de blessures au combat, les considérations guerrières ont peu à peu laissé la place à d’autres, plus politiques et partisanes.
Cela dit, s’agissant de l’ordre le plus prestigieux de France, on s’attend tout de même, et l’on est en droit de le faire, à ce que les personnes appelées à y prendre rang lui aient rendu d’importants services, et que ce soit plus particulièrement le cas de ceux qui accèdent aux grades les plus élevés.

Lorsqu’on examine le cas du couple Paul DESMARAIS, on se perd en conjectures pour trouver le moindre fait qui pourrait justifier, dans le cas de Monsieur, l’attribution du grade de Grand Croix, et dans le cas de Madame, celui de chevalier.

Qu’ils aient accueilli Nicolas Sarkozy à Sagard alors qu’il pansait ses plaies électorales avant de se relancer pour conquérir la présidence française lui suffisait peut-être pour leur devoir une reconnaissance éternelle, mais il y a tout de même une distinction très nette entre la reconnaissance que Sarkozy peut avoir à l’endroit des Desmarais à titre personnel et celle que la France doit avoir pour ceux qui lui viennent en aide.
Une des plus grandes erreurs commises par Sarkozy aura été de se prendre pour la France. N’est pas De Gaulle qui veut. Et à cette aune, comme à toutes les autres d’ailleurs, Sarkozy fait figure de nabot.
[->28892]
Maintenant que la France est dirigée par un autre président à qui les Français viennent également de donner une majorité parlementaire pour lui permettre de faire sa politique, il faut espérer que les enquêtes nécessaires seront diligentées pour éclaircir les circonstances de l’attribution de la décoration la plus prestigieuse de l’État français à des personnes qui avaient pour seul mérite d’avoir accueilli princièrement l’ex-président français alors qu’il n’était même pas encore titulaire de cette charge.
L’enjeu n’est pas tant l’absence de mérite des Desmarais, c’est plutôt la valeur de la distinction. Quand elle est attribuée de manière inconsidérée, non seulement se trouve-t-elle à perdre toute sa signification, mais elle se trouve en plus à trivialiser le mérite de tous ceux qui l’ont obtenue pour bonne et valable cause.
Au fond, toute cette affaire rappelle tristement celle du « trafic des indulgences » dont parle le célèbre écrivain Roger Peyrefitte dans son ouvrage intitulé « Les clés de Saint-Pierre », une dénonciation féroce des abus du Saint-Siège parue en 1955. Les ordres religieux vendaient les indulgences (réduction du temps à passer en purgatoire) pour financer leurs grands travaux.
Sarkozy a vendu la Légion d’Honneur pour financer ses élections.
Il ne serait pas le premier à avoir monnayé les décorations. Dans les années 1880, le président Jules Grévy fut contraint à la démission pour sa participation dans le « scandale des décorations », un scandale politico-financier retentissant qui allait donner lieu à la création en France d’une nouvelle infraction, le trafic d’influence.
Ces informations sont loin d’être dénuées d’intérêt dans le contexte des événements en cours au Québec. À cet égard, je vous recommande vivement la lecture du livre de Richard Le Hir, « Desmarais : la Dépossession tranquille », si ce n’est déjà fait.
Pour en revenir à la Légion d’Honneur, la radiation de l'Ordre peut intervenir comme sanction ultime en cas d'atteinte à l'honneur ou à la dignité, à la suite d'une procédure disciplinaire au cours de laquelle l'intéressé est appelé à faire valoir sa défense. Cette radiation, qui vaut retrait de la décoration, est automatique en cas de condamnation à une peine d'emprisonnement d'un an et plus pour crime ou en cas de déchéance de la nationalité française.
Ce fut le cas pour Maurice PAPON qui, bien que s'étant vu retirer cette décoration, a néanmoins tenu à être enterré avec Jean-Claude Labourdette également exclu de la Légion d'Honneur après sa condamnation en 1994 pour trafic d'armes au Liban.
Si l'Ordre est relativement discret sur les mésaventures et les errements de ses lauréats, on peut toutefois citer quelques noms, comme le Général Boulanger pour son implication dans le « scandale des décorations » évoqué plus haut, et le Maréchal Philippe Pétain pour crime d'indignité nationale, puni de la peine de dégradation nationale à perpétuité avec perte du rang dans les forces armées et du droit de porter des décorations avec confiscation de tous les biens.
En 1816 le Général de Brigade Jean-Gérard de Bonnaire, en l’An X Charles-Nicolas Lacaille, citons également d’autre part les cas de Marcel Déat, Pierre Laval, Joseph Darnand, Fernand de Brinon, pour haute trahison pendant la Deuxième Guerre Mondiale.
Le cas Desmarais est évidemment bien différent. Il n’est pas citoyen français. Il ne peut donc pas être destitué à moins d’être condamné à une peine de prison de plus d’un an pour crime.

Cependant, le décret en vertu duquel il a été nommé est un décret « portant nomination », c’est à dire, en droit français, « un décret individuel qui affecte la situation juridique d'une personne déterminée ». « Étant un acte administratif, le décret est toujours susceptible d'être attaqué par la voie contentieuse devant les tribunaux. »
Les époux Desmarais pourraient donc perdre leur Légion d’Honneur à l’issue d’une procédure intentée devant les tribunaux français pour cause d’absence de mérite de leur part et d’abus de pouvoir de la part de Nicolas Sarkozy.
Dans le climat qui règne présentement en France et au Québec, un tel dénouement n’est pas impensable.
Christian Sébenne


Laissez un commentaire



13 commentaires

  • Christian Sébenne Répondre

    12 novembre 2012

    Le succès littéraire du livre de Richard Le Hir « La Dépossession Tranquille » n’est pas anodin et reflète bien la prise de conscience de tout un chacun de ce que cache le masque dont le déballage quotidien des affaires qu’entretiennent certains avec la mafia.

    En ce qui concerne l’ex président Nicolas Sarközy des plaintes ont déjà été déposées devant le TPI, et en tant que particulier, vous avez parfaitement le droit et la possibilité d’en faire autant. La justice est toujours lente, mais rassurez vous, les chefs d’accusation contre ce personnage sont légions.

    Si le Général De Gaulle avait su engranger des stocks d’or faramineux en donnant une leçon magistrale aux américains sur la conduite des affaires gouvernementales, l’ex président Nicolas Sarközy devra quand à lui expliquer par quels talents de prestidigitateurs il a été amené à faire disparaître la « peccadille » de 652 tonnes d’or des réserves françaises, dès lors vous comprendrez pourquoi ce personnage a demandé il y a plusieurs mois « l’asile politique » au Canada, c’était oublié un peu vite qu’ici il y a des lois.
    Christian Sébenne

  • Charles Laflamme Répondre

    12 novembre 2012

    Quel était leur intérêt?
    Ce n'est pas habituel pour les 'parrains de politiciens' de rendre leur relations publiques sauf si c'est dans leur intérêt.
    Les remises de médailles et décorations où l'on voit Charest et Sarkozy avec Desmarais montre bien par qui il faut passer pour déposséder la France et le Québec de ses avoirs collectifs et du contrôle de son État.

  • Dominique Beaulieu Répondre

    11 novembre 2012

    On attend quoi pour les procédures? Qui pourrait faire ça?

  • Archives de Vigile Répondre

    11 juillet 2012

    Eh oui, j'ai lu la toute dernière sur mmon site iranien
    préféré. Mais, ... comme plusieurs autres envois, le
    mettrez-vous en ligne, messieurs?
    http://french.irib.ir/info/international/item/199590-sarkozy-demande-l%E2%80%99asile-au-canada

  • Christian Sébenne Répondre

    7 juillet 2012

    Dans Vigile d’aujourd’hui, heureusement que certaines personnes en ont encore… !!!
    L'ex-ministre et ancien sénateur UMP estime que cette distinction est bafouée, car "on a nommé trop de gens qui ne méritaient pas" de l'être. Il ajoute qu'il n'a "plus confiance dans ceux qui nous dirigent actuellement".
    http://www.lexpress.fr/actualite/politique/henri-torre-refuse-sa-legion-d-honneur_1067320.html
    Christian SÉBENNE

  • Archives de Vigile Répondre

    28 juin 2012

    J'espère de tout coeur car ces attributions aux Desmarais et surtout à Charest-la-matraque, vont leur être retirées. Elles sont une tache sur cette décoration prestigieuse, implantée par Napoléon. Il ne faut pas oublier, qu'à ce moment-là, la presse française l'a presque totalement ignoré. Les Français de savaient pas ce qui se passait. Même maintenant je ne sais pas s'ils le savent. La presse française n'est pas meilleure que la nôtre, elle est, elle aussi, la propriété des oligarques.
    Ivan Parent

  • Archives de Vigile Répondre

    27 juin 2012

    Christian Sébenne a dit: "D’autre part son élection de 2007 étant déjà sujet à caution pour cause de s’être fait élire sous un nom ne répondant pas aux désidérata de la loi Française, le Conseil constitutionnel devra trancher, il serait logique que toutes les décorations allouées par cette potiche soient frappées de nullité."
    Logique? Je ne sais pas mais le souhaite vivement. Ce ne serait que justice, en tout cas. Et ferait des vagues en France. Une France tellement conformiste, engoncée dans ses traditions! Je ne sais pas si elle est prête à ça.

  • Pablo Lugo Herrera Répondre

    24 juin 2012

    Pendant que la France parle des conneries, l'Islande met en prison les banquiers. Il faut avoir des couilles pour faire de la vraie politique!

  • Archives de Vigile Répondre

    23 juin 2012

    Bravo, bravo, la France,
    Vous conservez ainsi votre dignité en corriger une grande injustice vis à vis d'une personne qui est perçue comme le plus grand prédateur des temps modernes, avec et sans son Frère (Albert).
    Il faut conserver le sens des choses et cesser de tout corrompre, comme certains en ont le talent.

  • Christian Sébenne Répondre

    23 juin 2012

    Les jours de liberté pour M. Nicolas Sarkozy étant possiblement comptés au regard de tous les crimes et délits qu’il a commis et dont il va devoir rendre compte devant la justice ainsi que devant le TPI, on peut raisonnablement tabler qu’en tant que Grand-Maître de L’Ordre de la Légion d’Honneur, il lui sera signifié son indignité, en tant que tel il sera dégradé.
    D'autre part son élection de 2007 étant déjà sujet à caution pour cause de s’être fait élire sous un nom ne répondant pas aux désidérata de la loi Française, le Conseil constitutionnel devra trancher, il serait logique que toutes les décorations allouées par cette potiche soient frappées de nullité.
    Christian SÉBENNE

  • Archives de Vigile Répondre

    22 juin 2012

    C'est bien beau tout ça, mais qui doit en prendre l'initiative? Je suis bien d'accord, les Desmarais n'ont rien fait d'assez important pour la France, pour se mériter cette très haute distinction. Amalgamer l'élection de Sarkozy avec une réalisation méritoire pour la France relève du plus mauvais goût, du pur cynisme, et pourtant il semble que les Français aient accepté cela sans rechigner. Alors, qui va prendre les devants maintenant?

  • Francis Déry Répondre

    22 juin 2012

    Il me semble que les Desmarais furent surtout honorés par l'oligarchie française pour avoir su acquérir les filiales étrangères (Suisse et Belge ou Néerlandaise) de BNP Paribas qui constituaient des vaches à lait pour l'ensemble du groupe, alors qu'il y avait le processus de nationalisation en marche en février 1982 (ère Mitterand).
    Ce qui a gâché la politique des socialistes et la banque Paribas fut reprivatisée en 1987.
    C'est Robin Philpot qui peut donner les détails.

  • Serge Gingras Répondre

    22 juin 2012

    Tordant. Rocambolesque.
    Pourquoi s'acharner? Laissons les Desmarais là où ils sont.
    Ce serait petit, bien petit.
    Ils ont été décorés par un mégalomane? Et après? Ne recommençons plus. C'est tout.
    Passons à autre chose. Il y a plus grave en France, n'est-ce pas.