Les conditions du sursaut

Crise de l'euro

PAR NICOLAS BARRÉ - Avant d'éveiller un nécessaire sursaut, le scénario parfaitement prévisible de la tragédie de la zone euro inspire d'abord découragement et colère. Découragement car les dirigeants européens semblent faire exprès, faute de prendre les bonnes décisions à temps, d'offrir chaque jour de nouvelles cibles à la spéculation. Le coup de tabac sur le marché des dettes souveraines, hier, en est la dernière illustration. Quelques dizaines de milliards d'euros auraient pourtant suffi, il y a dix-huit mois, à circonscrire très vite la crise grecque. Aujourd'hui, on le voit, cet abcès non soigné menace à tout moment d'emporter une zone euro vulnérable à la stratégie bien affûtée de quelques spéculateurs.
Colère aussi devant la faiblesse historique de ces mêmes dirigeants européens. Faiblesse bien sûr lorsqu'ils ont fermé les yeux pour permettre à la Grèce d'entrer dans la zone euro malgré des comptes publics que l'on savait truqués. Faiblesse lorsque les plus grands pays, dont l'Allemagne et la France, ont fait sauter les digues budgétaires qu'ils s'étaient eux-mêmes fixées et qui étaient la condition du succès même de l'aventure de l'euro. Faiblesse lorsque le rêve et l'ambition européenne des discours sont contredits par l'obsession tatillonne de chaque capitale de réduire sa « contribution nette » à la construction de l'oeuvre commune. Faiblesse enfin pour avoir longtemps ignoré que l'euro, facteur de baisse des taux d'intérêt, avait aggravé la dépendance des Etats les moins vertueux à l'endettement et éloigné encore plus ces économies du peloton de tête, créant ainsi au fil des années les conditions de la déflagration actuelle.
Aujourd'hui, nous nous apprêtons à payer très cher la somme des faiblesses de toute une génération de leaders européens qui, c'est une évidence, n'ont pas été à la hauteur de leurs aînés. Mais il est encore temps d'agir pour ne pas alourdir davantage la facture ni, surtout, risquer un effondrement synonyme de chômage massif pour nous, et, sans doute, d'opportunités pour les autres grandes plaques de l'économie mondiale, la chinoise et l'américaine.
Pour cela, il faut des décisions rapides. Un sursaut politique est nécessaire. La zone euro ne peut pas toujours compter, comme ce fut le cas encore hier sur les marchés financiers, sur l'intervention de la Banque centrale européenne pour la sauver du cataclysme. La BCE est forte parce qu'elle est la seule institution véritablement fédérale de l'Union, la seule dont l'autorité soit partout respectée. De la même manière, l'Europe sera forte le jour où elle se décidera à gérer la crise de la dette souveraine au niveau fédéral. C'est la condition pour qu'elle retrouve la maîtrise de son destin.


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