Vladimir Poutine arrache sa Russie à l’isolement dans lequel l’a enfermée la crise ukrainienne en intervenant militairement en Syrie pour redonner des forces au régime vacillant de Bachar al-Assad. Nouveau chapitre dans la vie d’un président russe qui tient le pouvoir avec l’idée fixe de reconstituer la puissance disparue de l’ex-URSS.
Vient d’être inaugurée à Moscou la plus grande mosquée d’Europe, pouvant accueillir dans ses murs 10 000 fidèles. Entouré de plusieurs chefs d’État du monde musulman, dont le président turc Recep Erdogan, le chef du Kremlin a assisté aux cérémonies le 23 septembre dernier en compagnie du gratin religieux, politique et financier de la capitale. La construction de la mosquée au nord-est de Moscou a été financée par l’oligarque musulman Suleiman Kerimov à hauteur de 150 millions de dollars. Prenant la parole, Vladimir Poutine a cité le Coran avec ce verset : « Efforcez-vous de rivaliser entre vous dans l’accomplissement du bien. » Ça ne s’invente pas.
Il y a 20 millions de musulmans en Russie, principalement sunnites, et le nombre de ceux qui migrent à Moscou en provenance des ex-républiques soviétiques a crû depuis le début des années 2000. Ils constitueraient l’une des bases électorales les plus solides du président Poutine — qui tient le pouvoir depuis maintenant 16 ans. Encore que c’est une affirmation à prendre avec un grain de sel, compte tenu du vide assidu des voix critiques que le président a fait autour de lui et au sein de la société russe.
Que le pouvoir russe ait accordé à cette inauguration une importante exceptionnelle n’en reste pas moins représentatif, en un certain sens, de l’esprit du temps. Moscou, pendant et après l’Union soviétique, est loin d’avoir toujours eu des rapports harmonieux avec la planète musulmane (Afghanistan, Tchétchénie…) et il y a des risques évidents pour M. Poutine à prendre ainsi fait et cause pour le régime alaouite de Bachar al-Assad contre la majorité sunnite. Mais il reste qu’entre tous ces mondes écartelés, il existe à l’heure actuelle une ample communion de pensée en ce qui concerne leur opposition aux États-Unis et, plus confusément, aux « valeurs occidentales », comme la démocratie et l’égalité sexuelle. M. Poutine peut exploiter cette veine idéologique, au-delà de son alignement stratégique sur l’axe chiite au Proche-Orient.
Car, au fond, il ne pratique qu’une seule politique : le revanchisme — qu’il applique avec conviction féroce. Il a le dur désir de prendre sa revanche. Sur les États-Unis.
Jamais digérée, apparemment, la chute de l’empire qui l’a vu naître. Et pour avoir muselé toutes les oppositions, il aura fort bien réussi à cultiver ces sentiments anti-occidentaux au sein de la société russe. S’en allant partout développer son discours préféré sur la nécessité d’un monde « multipolaire », son opposition à la domination américaine ne comprend pas même le soupçon du début d’une intention démocratique.
En l’occurrence, son revanchisme, qui est grossier, n’exclut pas qu’il soit parfois fin tacticien. Il s’est complètement piégé avec la crise ukrainienne. Voici donc l’économie russe en pleine déroute, affaiblie par les sanctions occidentales et la chute du prix du pétrole. Après être allé en Chine, début septembre, pour sceller un rapprochement dit historique avec Pékin, il essaie maintenant de se remettre en selle en tentant de devenir en Syrie un acteur que Washington ne pourra pas contourner. Son calcul pourrait très bien lui être profitable. L’homme est aussi dangereux que le « complexe militaro-industriel » qu’il honnit.
VLADIMIR POUTINE
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