Legault-Trudeau: la drôle de valse

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Après l'élection : « bye-bye le rapport de forces actuel de M. Legault face à M. Trudeau. »


Commençons par ce qui saute aux yeux : Justin Trudeau s’ennuie sûrement très fort de Philippe Couillard.


Pour le premier ministre canadien, l’ex-premier ministre du Québec, un fédéraliste presque lyrique, n’était vraiment pas achalant. M. Couillard ne disait rien, ne demandait rien. La grande paix, quoi.


Avec François Legault, disons que ça contraste sérieusement avec les années Charest-Couillard en matière de relations fédérales-québécoises.


La rencontre d’aujourd’hui tenue à Sherbrooke entre M. Trudeau et le nouveau premier ministre François Legault fut en effet d’une tout autre eau.


Se disant «nationaliste», mais non souverainiste, M. Legault a joué sa partition à merveille. 


Profitant de l’élection fédérale qui s’approche, François Legault sait à quel point les libéraux fédéraux n’ont surtout pas besoin d’un conflit ouvert avec le gouvernement du Québec sur quoi que ce soit. En tout cas, pas d'un conflit majeur.


Comme disent les Anglais, pour François Legault, c’est ce qu’on appelle une belle «fenêtre d’opportunité».


M. Legault ne s’en est d’ailleurs pas caché : «Ça change qu’il y a une élection fédérale en 2019, j’ai-tu besoin de vous expliquer ça en détail?», a-t-il lancé aux journalistes. Non, pas besoin...


François Legault ne s’est pas caché non plus du fait qu’il chercherait les réponses aux mêmes demandes auprès des partis fédéraux d’opposition. Ce qui, en retour, devrait ajouter encore plus de pression sur M. Trudeau.


***


Le premier ministre du Québec est donc arrivé à Sherbrooke avec sa liste digne d’une lettre au Père Noël, dont notamment:


- Déclaration unique d’impôts gérée par le gouvernement du Québec.


- Réduction temporaire des seuils d’immigration de 50 000/année à 40 000.


- Imposition de tests de français et de «valeurs» aux nouveaux arrivants.


- Recevoir d’Ottawa les 300$ millions pour couvrir les frais encourus par l'arrivée de migrants.


Il fallait d’ailleurs voir M. Trudeau et son ministre des Affaires intergouvernementales, Dominic LeBlanc, danser tout à coup cette drôle de valse politique avec les orteils bien serrés dans leurs très petits souliers.


Reprenant la «ligne» de son patron, le ministre Le Blanc a justifié la difficulté de diminuer les seuils d’immigration en évoquant la sacro-sainte «pénurie de main-d’œuvre».


Avouons que c’est tout de même touchant de voir le gouvernement fédéral s’émouvoir autant de la «pénurie de main-d’œuvre» au Québec, mais comme par hasard, seulement lorsqu’il est question des seuils d’immigration... Ceci dit, par ailleurs, que l’on soit pour ou contre cette même baisse.


Il fallait aussi entendre le ministre fédéral des Infrastructures et des collectivités, François-Philippe Champagne, s’émouvoir quant à lui pour les milliers d’emplois «en régions» qu’une déclaration unique d’impôts feraient perdre au Québec.


***


Une fenêtre temporaire


N’empêche que cette «fenêtre» pré-électorale d’opportunité, par définition, sera temporaire.


Une fois l’élection fédérale de 2019 passée, si Justin Trudeau obtenait une deuxième victoire majoritaire, les demandes de M. Legault risqueraient alors de foncer tout droit sur le mur bien épais de l’intransigeance légendaire du PLC (et de la dynastie Trudeau) face au Québec.


Traduction : bye-bye le rapport de forces actuel de M. Legault face à M. Trudeau.


Et pourtant, même si cela s'avérait, sur le plan strictement politique, le premier ministre Legault en ressortirait tout de même gagnant au Québec même.


Il en ressortirait gagnant auprès des Québécois francophones tout simplement parce que contrairement à Philippe Couillard, il aurait au moins «osé» formuler des demandes spécifiques au fédéral.


Quoique nous soyons ici à des planètes des demandes constitutionnelles à la sauce Meech ou Charlottetown, dont la constitutionnalisation du statut de «société distincte» pour le Québec.


Ces demandes étaient nettement plus musclées et structurantes pour le Québec.


Or, dans la mesure où Philippe Couillard, lorsque premier ministre, s'est contenté de se taire et dans la mesure où une part substantielle de l’électorat québécois ne s’attend même plus à une nouvelle ronde de négociations constitutionnelles – ou n’y pense plus, qui sait  -, les demandes de M. Legault prennent soudainement des airs plus énergiques.


Après tout, en politique, tout est question de «contexte»...