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Le vieux

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Le péril de notre servitude

Il y a les vieux qui s’éteignent, les vieux qui s’endorment, les vieux qui ronchonnent, les vieux qui sombrent dans un mutisme confortable. Les vieux malcommodes, les vieux qui culpabilisent, les vieux qui fatiguent. Et puis, il y a Roméo Bouchard, de Saint-Germain de Kamouraska qui, lui, depuis les années 60, s’indigne.

Il l’a fait, comme rédacteur en chef du Quartier Latin, journal étudiant de l’Université de Montréal, en 1968, devant le conformisme et l’asservissement des masses par le capital et la spirale hyperconsommante alors naissante. Il l’a fait comme cofondateur de l’Union paysanne, au début du siècle, devant les effets délétères sur la qualité de notre alimentation de la finance, de la mondialisation et du manque de jugement d’un puissant syndicat d’agriculteurs.

Il l’a fait contre l’appauvrissement de la langue française, contre le mépris des régions par le pouvoir centralisant de la capitale nationale, contre l’exploitation polluante des ressources naturelles, contre l’individualisme crasse de ses contemporains, contre l’obsolescence programmée, contre une démocratie dénaturée, altérée par une surexposition du « je » dans la sphère publique — un affront au nous étrangement accepté — et par l’indolence des citoyens devant les magouilles de leurs élus. Et à l’aube de ses 80 ans, Roméo Bouchard s’indigne toujours, en déjouant par le fait même les préjugés tenaces sur les vieux : non, l’esprit combatif ne disparaît pas fatalement avec l’âge !

Cri d’alarme

Mardi, l’octogénaire, un ancien curé qui a défroqué sur les tonalités de la contre-culture américaine en provenant de Berkeley ayant nourri les mouvements étudiants de mai 1968 — et de septembre 1968 au Québec —, l’animal pensant qui est passé de religieux à chantre de la révolution sexuelle, lance en effet un nouvel essai en forme de cri du coeur et de cri d’alarme : Survivre à l’offensive des riches (Écosociété). Vendredi dernier, depuis son Bas-Saint-Laurent, et dans les pages du Devoir, il s’indignait également de la médiocrité abrutissante de notre télévision et de notre radio dans un texte puissant et agréable à lire intitulé «Ras le bol des émissions de vedette !». La beauté du numérique permet facilement de se plonger dedans.

Et bien sûr, cette constance dans la révolte, cette persistance d’une acuité et d’un engagement, en plus d’appeler les regards curieux, force aussi l’admiration.

Dans les dernières années, ses détracteurs — et il n’en a pas manqué, y compris dans les rangs de ses compagnons de lutte, salement ! — l’ont traité d’emmerdeur, d’intransigeant, de fauteur de troubles, l’ont accusé de menacer l’équilibre social et les consensus. Ça, généralement, ça veut dire : un empêcheur de niveler les choses vers le bas ! Roméo Bouchard n’a, en près de 60 ans de militantisme mû davantage par l’éradication des injustices plutôt que la colère, pas vraiment changé de cap.

« Tout est en péril… sauf le pouvoir des riches qui tirent les ficelles, ramassent les dividendes et semblent bien déterminés à siphonner le sang de cette planète jusqu’à la dernière goutte », écrit-il en guise d’introduction. Une semaine après le commencement des Panama Papers, cette fuite massive de documents confidentiels permettant de mettre des visages, et des gros, sur l’évasion fiscale, le bonhomme donne encore une fois l’impression d’être dangereusement en phase avec son présent.

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