Le style américain

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Pee-Wee, et en plus... Américain !

C’est quand la douleur arrête, dit-on, qu’on se rend compte combien ça faisait mal.

Il a fallu qu’on tire le tapis sous le règne du secret, du bâillon et des opérations militaires douteuses, qu’on dise adieu à un gouvernement sans transparence et sans compassion pour s’apercevoir combien pesait cette chape de plomb. Quel soulagement, quand même, de retrouver un gouvernement qui respecte la science et les journalistes ! Pour ne rien dire de tendre la main aux paumés et affligés de la Terre. Même après les proverbiaux 100 premiers jours, notre nouveau premier ministre semble toujours bénéficier — si l’on en juge aux sondages et à son traitement de star à Davos la semaine dernière — d’une lune de miel particulièrement ensoleillée. Le contraste avec son sombre prédécesseur y est sans doute pour quelque chose.

Mais plus les jours passent, plus les égoportraits s’égrènent, et plus on commence à saisir la nature de la bête. Justin Trudeau est une bouffée d’air frais dans ce pays moins parce qu’il représente une solution de rechange indiscutable aux politiques conservatrices — le maintien de la vente d’armes à l’Arabie saoudite en fournit une preuve éclatante —, mais parce qu’il affiche un style qu’on a rarement vu ici. En un mot : américain. Jamais n’a-t-on vu un chef de gouvernement aussi américain que l’est, n’en déplaise au père, Justin Trudeau.

L’optimisme béat, le patriotisme claironnant, les valeurs familiales comme prisme de la vie politique sont tous des spécialités américaines, règle générale. Le sentimentalisme main-sur-le-coeur de M. Trudeau rappelle d’ailleurs celui de Ronald Reagan et de Bill Clinton, les deux politiciens américains les plus aimés des 50 dernières années. Le fameux « It’s morning again in America » (Reagan) ou encore, « I feel your pain » (Clinton) font écho à des formules semblables chez notre « kid Kodak » à nous. « Le Canada est de retour ! » lançait le chef libéral le lendemain de son élection. Et c’est en tendant les tuques et les mitaines et un « bienvenue chez vous » bien senti que le nouveau PM recevait les premiers réfugiés en décembre.

Comme les Américains, Justin Trudeau fait également la promotion du pays comme le « meilleur au monde », l’endroit où, indépendamment de la couleur de votre peau ou l’argent dans votre portefeuille, vous pouvez trouver une place au soleil. « Je pense que c’est l’histoire fondamentale de ce pays, la possibilité que tous ont de s’établir ici, de bâtir une meilleure vie qui ne serait possible nulle part ailleurs », disait-il en novembre à l’antenne de CBC. Depuis que M. Trudeau a pris les rênes, le rêve américain n’a jamais été aussi canadien. Les tactiques de plus en plus dérisoires du Parti républicain, « la politique de la haine et de la division », pour reprendre les termes du premier ministre, ne font qu’accentuer le fait que l’exceptionnalisme dont se targuent les Américains a été habilement rapatrié au nord des Grands Lacs.

Mais revenons au style personnel de M. Trudeau. Jamais n’a-t-on eu un chef de gouvernement connu pour ses fringues, sa famille et ses larmes. Ça change le mal de place, c’est sûr. D’ailleurs ce modèle people, ce produit américanisé, ne vous rappelle-t-il pas quelqu’un ? Je vais en faire sursauter quelques-uns, mais il y a une étrange parenté entre Justin Trudeau et Céline Dion. Même sentimentalisme parfois éculé, même obsession de la famille, même sans-gêne à se donner en spectacle. À la manière américaine, les deux sont des émotifs, des « toucheux », qui n’hésitent pas à en faire la démonstration.

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