Le singulier génome des Inuits du Nunavik

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Une population qui ne s'est pas métissée depuis plus de 10 000 ans


Génétiquement parlant, les Inuits du Nunavik n’ont aucun égal. Une étude parue lundi dans la revue PNAS montre que cette population établie dans le nord du Québec dispose de mutations uniques au monde.


« Les Inuits du Nunavik sont une toute petite population, très isolée, dont le profil génétique est très homogène », explique Sirui Zhou, chercheuse postdoctorale à l’Université McGill et la première auteure de l’article. « Ils sont très différents de ce qu’on voit ailleurs sur Terre, et même des autres Inuits », ajoute-t-elle.


Grâce à l’analyse de l’ADN de 170 Inuits du Nunavik originaires d’une dizaine de villages, Mme Zhou et ses collègues ont constaté que certaines variations génétiques particulièrement saillantes chez cette population étaient impliquées dans la métabolisation des lipides — un trait qui pourrait découler d’une adaptation à une alimentation riche en gras.


Leurs analyses ont révélé en outre que la grande majorité des sujets n’avaient pas connu de croisements avec les Européens ou les Premières Nations depuis des lustres. Les Inuits du Nunavik se seraient séparés de leurs plus proches cousins, les Inuits du Groenland, il y a plus de 10 000 ans.


Par le truchement de comparaisons avec d’autres populations, l’étude confirme par ailleurs l’hypothèse que les ancêtres des Inuits d’aujourd’hui seraient arrivés au Nunavik par sa pointe nord-ouest.


Ils seraient par la suite descendus vers le sud le long des côtes des baies d’Ungava et d’Hudson. Une petite différence génétique persiste cependant entre ces deux groupes.


Le programme de recherche a en outre été créé pour étudier une maladie dont la prévalence est particulièrement élevée chez les Inuits du Nunavik : l’anévrisme intracrânien. En affaiblissant les parois des artères du cerveau, cette maladie provoque la formation de poches de sang dont la rupture peut causer la mort.


À l’échelle mondiale, l’anévrisme intracrânien affecte environ une personne sur cent, mais sa fréquence est plus élevée chez les Inuits du Nunavik, dit Mme Zhou. On soupçonne que l’anévrisme intracrânien pourrait être la conséquence d’une métabolisation des lipides défectueuse.


Pour trouver une explication génétique à cette tare, les participants au programme de recherche ont été recrutés parmi une cohorte d’Inuits se rendant à Montréal pour des soins relatifs à un anévrisme intracrânien ou dans le cadre d’un programme de dépistage. Parmi les 170 participants, une quarantaine avait reçu ce diagnostic.


Les auteurs de l’étude sont arrivés à relier statistiquement les cas d’anévrisme intracrânien à une mutation génétique propres aux Inuits du Nunavik, qui pourrait être imputable à la sélection naturelle. « Souvent, les gens sont soignés comme s’ils avaient un profil génétique européen, mais il y a des populations qui ont des signatures uniques », souligne Patrick Dion, un professeur à l’Université McGill aussi impliqué dans l’étude.


À long terme, dit-il, une meilleure connaissance des particularités génétiques des Inuits du Nunavik pourrait aider à leur prodiguer des soins de santé plus adéquats.




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