«La démocratie basée sur la raison éclairée sombre elle aussi dans le bitume.»

Le sacrifice

De la nécessité d'un plan de sortie du pétrole

Tribune libre

Philippe Couillard appelle les Québécois et Québécoises à la raison : nous sommes membres d’un grand pays fédérateur et toutes les provinces doivent faire leur part pour en accroître la prospérité. L’industrie des sables bitumineux apporte de la richesse, le Québec doit donc contribuer à son développement en dépit des risques que cela pose pour son territoire. La rhétorique est facile à comprendre; sauf que les prémisses sont fausses. En fait, l’industrie des sables bitumineux a contribué à l’enrichissement de ses dirigeants et actionnaires, du gouvernement albertain aussi, mais ce, au détriment d’une part importante de la population.

Parlez-en aux communautés qui vivent à proximité de Fort McMurray, dont le territoire est maintenant empoisonné et qui meurent plus ou moins lentement de cancers inhabituels. Parlez-en aux communautés plus éloignées regardant leurs forêts dépérir par les contaminants atmosphériques. Parlez-en aux communautés lourdement touchées par les inondations ou les sécheresses causées par le dérèglement du climat auquel contribue massivement l’industrie des sables bitumineux. Tout cela se traduit par des coûts à la hausse pour l’ensemble des contribuables payant des impôts, des primes d’assurance et absorbant les hausses des prix des denrées alimentaires. Les pertes écologiques, pensons à la forêt boréale, sont très importantes aussi, quoique difficilement calculables.

Le pétrole des sables bitumineux qu’on veut acheminer par pipeline, par rail et par pétroliers géants sur le Saint-Laurent est destiné principalement aux marchés internationaux. On peut se demander en quoi soutenir la consommation de pétrole de la Chine et de l’Inde pourrait être profitable pour le Québec. Des organismes internationaux crédibles comme l’Agence internationale de l’énergie, la Banque mondiale, la NASA, la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, le GIEC, s’entendent pour dire que si on veut sauvegarder notre économie, il faut sortir du pétrole et préserver nos écosystèmes. Lorsqu’on constate la façon dont les populations à travers le monde, poussées par la cupidité et la faim, détruisent les ressources essentielles à leur survie, on comprend que c’est dans le sol, sous les tourbières boréales, que le pétrole des sables bitumineux est le plus à sa place, là où, pendant des millions d’années, il maturera en s’enfonçant dans le sous sol.

Le Québec n’a pas à «faire sa part» pour soutenir l’industrie la plus polluante au monde. Les approvisionnements en pétrole traditionnel suffisent amplement pour nous permettre d’effectuer la transition nécessaire vers les énergies faibles en carbone. En cette matière les gouvernements canadien et québécois se traînent les pieds lamentablement. Ce n’est pas par manque de moyens financiers et technologiques que le Canada et le Québec tardent à établir un plan de sortie du pétrole; c’est plutôt par manque de contact avec la réalité du 21e siècle.

Autrefois, on immolait des vierges sur des autels pour s’assurer les bonnes faveurs des dieux. Aujourd’hui, nos gouvernements tentent de nous faire croire que sacrifier nos ressources vitales dans une économie qui n’a plus rien de viable serait gage de prospérité.Tout est affaire de croyance, pourrait-on dire.

Mais il est significatif que les gouvernements canadien et québécois cherchent à taire les constats des scientifiques sur toutes les questions concernant les impacts des projets pétroliers et gaziers sur les populations, les écosystèmes et les économies. Face au pétrole, c’est une bonne part de la science, de la culture, de l’éthique et de la vie communautaire qui semblent régresser. La démocratie basée sur la raison éclairée sombre elle aussi dans le bitume. À l’ère de la transition énergétique, les masques tombent et au-delà des signes de l’opulence et du succès se profile la froideur obstinée d’une barbarie ancienne, avec des gouvernements qui manquent à tous leurs devoirs en matière de protection du territoire et du bien commun.

Louise Morand
Comité Vigilance hydrocarbures de l’Assomption


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2 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    10 octobre 2014

    Madame Morand,
    Il y a 2 problèmes;
    La population mondiale va atteindre 11 milliards d'habitants en 2100.
    L'énergie du futur c'est le charbon, il y aura plus de 1000 nouvelles centrales en 2100.
    Le Canada (incluant le Québec) représentent 3 % des GES a l'échelle mondiale.
    Quand le premier ministre indien, lors de sa rencontre avec Obama, affirme que l'Inde refuse tout contingentement parce que 30 % de sa population n'a pas accès à l'électricité, qui peut l'en blamer ?
    Les plus gros pollueurs, les USA, la Chine, l'inde, la Russie.
    Doit-on approuver ou encourager les saccages de l'industrie pétrolière canadienne ? Non pas plus...
    Mais rien, j'insiste rien, de ce que nous pouvons faire au Québec ne peut changer la direction globale actuelle, seul des accords internationaux, un changement complet des paradigmes actuels, un partage de la richesse peuvent faire la différence.
    Est-ce que le gouvernement actuel a Ottawa encourage sans limite l'industrie pétrolière et gazière canadienne ? Totalement.

    Utilisant mon vélo en permanence, je suis sidéré par la présence d'automobiles dont les tailles et les cylindrées ne cessent de croître, de la taille gigantesque des écrans plats, du renouvellement accéléré des cellulaires (45 kilos de ges par téléphone), des maires de banlieues qui veulent étendre encore la taille de leur municipalité, des sommes gigantesques consacrés au réseau routier, etc
    Nous avons aussi au Québec, comme au Canada, le triste privilège d'être les plus gros consommateurs per capita, d'énergie et d'eau, de tous les pays industrialisés.
    Le gouvernement du Canada, avec l'appui des provinces, s'oppose aussi systématiquement a toutes les législations internationales concernant le secteur minier, recyclage, traitements des sites fermés, législation fiscale, tout y passe...
    Faudrait-il vous rappeler l'amiante que les gouvernements PQ et PLQ ont défendu sans relâche, avec l'aide de Ottawa, laissant les compagnies exporter leurs produits vers des pays sans législation (Inde, Indonésie) ?
    Il y a un excellent livre (seulement en anglais) pour comprendre ce qui se passe;
    The Race for What's Left: The Global Scramble for the World's Last Resources par un auteur qui s'intéresse a ces questions d'une facon réaliste Michael Klare.
    Une lecture recommandée et recommandable.

  • Archives de Vigile Répondre

    9 octobre 2014

    « L’industrie des sables bitumineux apporte de la richesse »
    Faux; le bitume ou le pétrole tout court apporte la misère humaine, l'esclavage, la pauvreté, les taudis, regardez-vous-mêmes autour de vous; les routes sont devenues comme des câbles électriques qui transportent le courant pour alimenter toute cette industrie de fausse richesse spéculative et usuraire avec toutes les fausses activitées humaines inutiles qui n'existeraient même pas dans un monde normal et équilibré.
    Le pétrole est omniprésent en ce monde, tellement qu'on peut facilement affirmer que toute l'économie mondiale tourne non pas autour du pétrole mais tourne spécifiquement pour faire brûler le pétrole, ce n'est pas du tout la même chose.
    La vraie richesse c'est de se nourrir, se vêtir et s'abriter décemment, surtout en hiver.
    Ici dans notre pays du Québec, nous avons l'électricité, la nôtre pas celle du C.A. d'hydro Québec, nous avons le bois, les métaux, les terres cultivables, de la culture et du génie pour synthétiser tout ça.
    Quand Est-ce qu'on réalisera que c'est par là qu'on commence un vrai pays. Sortons de cette économie de dinosaure imbécile appauvrissante et polluante pour les peuples. Le pétrole est la plus grande cause de la déchéance planétaire, le plus grand tueur d'humains, c'est une merde dont il faut se débarrasser au plus vite.
    Serge Jean