Le rendez-vous manqué des Premières Nations

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«La Loi canadienne sur les Indiens est une ignominie raciste sans nom»





La classe politique canadienne se redécouvre un intérêt soudain pour la «question» autochtone. En partie sincère, mais c’est aussi en partie, si vous me permettez l’expression, un miroir politique aux alouettes.


Tout le monde aura remarqué qu’au 1er juillet, Fête du Canada et son 150e anniversaire comme fédération, le dossier des Premières Nations était au cœur de tous les discours. Incluant celui du premier ministre Justin Trudeau.


Au palier fédéral, cet «intérêt» n’a rien de nouveau. L’ex-premier ministre libéral Jean Chrétien fut lui-même ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien sous Pierre Elliott Trudeau.


Au fil des décennies, on ne compte pas non plus les commissions d’enquête sur le sujet. Y compris de nombreux volumineux rapports qui dorment paisiblement sur de lourdes tablettes à Ottawa.


Or, sous Justin Trudeau, on dénote néanmoins une résurgence marquée de la question autochtone.


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La question du Québec est déjà oubliée depuis longtemps


Certains y voient une manière peu subtile d’ignorer encore plus facilement la «question» du Québec en y substituant tout simplement la «question» autochtone.


Il y a de cela, en effet, mais peut-être pas autant qu’on le croit. La raison?


Avec ou sans ce nouvel accent sur la question autochtone, la question du Québec était déjà amplement décédée comme objet de discussion et d’action politique au fédéral. Morte et enterrée depuis l’échec des accords constitutionnels de Meech et de Charlottetown de même que le référendum de 1995.


Sur le plan politique, nul besoin donc d’étouffer la question du Québec en la remplaçant par la question autochtone puisque la première est déjà ignorée depuis plus de vingt ans.


Alors, pourquoi ce nouvel intérêt pour les Premières Nations? Pourquoi ce mantra répété par la classe politique canadienne à l’effet que le traitement des Autochtones par le Canada fut une grave «erreur» historique qui demande réparation?


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Ça ne coûte rien politiquement


La première raison est que ce diagnostic est fondé sur des faits objectifs. La Loi canadienne sur les Indiens est une ignominie raciste sans nom. Le gouvernement fédéral ne propose pourtant pas de la répudier. Il ne s’attaque pas non plus suffisammment aux conditions de vie aberrantes dans certaines communautés autochtones.


La deuxième raison – et là, un lien plus concret avec la question du Québec apparaît -, est que cet intérêt, dans les faits, ne coûte rien politiquement.


Le gouvernement Trudeau peut verser toutes les larmes du monde, il n'en reste pas moins qu'au-delà de la constitution de 1982, aucun nouveau geste de nature constitutionnelle visant à élargir les pouvoirs politiques et économiques des Premières Nations ne sera posé.


Et le lien avec la question du Québec, vous vous demandez?


Pour accommoder les demandes dites traditionnelles du Québec, il fallait «ouvrir» la constitution canadienne». Donc, il fallait payer un prix politique, soit celui d’élargir à terme les pouvoirs du Québec à l’intérieur de la fédération canadienne.


Ce à quoi les accords de Meech, puis de Charlottetown, auraient éventuellement mené. Et c'est cela, précisément,  qui fut âprement refusé par la suite par Jean Chrétien, Stephen Harper et Justin Trudeau.


Ce «prix» politique, aucun premier ministre fédéral depuis le départ de Brian Mulroney n’accepte, ni n’acceptera de le payer.


En fait, ils ne VEULENT PAS le payer parce qu'élargir les pouvoirs du Québec à l'intérieur de la fédération canadienne est contraire à leur propre vision du Canada. C’est pourquoi la mort du fédéralisme renouvelé crève les yeux.


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Le même sort


Malheureusement pour les Premières Nations, le même sort les attend. Beaucoup de belles paroles, beaucoup de promesses d’expiation politique pour toutes les injustices subies, mais sur le plan constitutionnel, c’est silence radio.


En fait, autant le Québec a raté ses rendez-vous avec l’Histoire. Pour les fédéralistes, par l’échec de Meech. Pour les souverainistes, par leurs deux défaites référendaires.


Autant les Premières Nations ont raté le leur avec l'échec de l'accord constitutionnel de Charlottetown en 1992. Un autre pan oublié de notre histoire pourtant récente.


Négocié en catastrophe suite à l’échec de l’accord de Meech en 1990, l’accord de Charlottetown était nettement plus étoffé.


Alors que Meech était la première étape d’une éventuelle refonte beaucoup plus large du fédéralisme canadien– Meech était la «ronde Québec» pour réparer l’affront du rapatriement unilatéral de la constitution de 1982 sans l’accord du Québec - l'accord de Chalottetown tentait de couvrir d'un trait presque toutes les étapes à venir.


La «société distincte» québécoise reconnue par Meech s’y retrouvait, mais aussi, entre de nombreux autres sujets, la fameuse question autochtone.


L’Accord de Charlottetown proposait en effet de modifier la constitution canadienne «de façon à reconnaître que les peuples autochtones du Canada possèdent le droit inhérent à l’autonomie gouvernementale au sein du Canada».


Au-delà des paliers fédéral et provincial, certains experts parlaient même à l’époque de la possibilité de voir apparaître un éventuel troisième palier de gouvernement – celui-là autochtone.


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Au panthéon des nations oubliées


Le tout, comme on le sait, s’est effondré avec l’échec de Charlottetown, rejeté en 1992 à travers le Canada par référendum.


En cela, les Premières Nations vécurent la même injustice que le Québec, lequel, suite aux échecs de Meech et de Charlottetown, se voit refuser lui aussi toute nouvelle ouverture de la constitution pour élargir ses pouvoirs.


Et c’est ainsi qu’en 1992, suite à l’échec de Charlottetown, les Premières Nations rejoignirent le Québec au panthéon des nations oubliées du Canada.


Car toutes les belles paroles ne sont que du vent du moment où elles n'ont pas la moindre conséquence concrète sur le plan politique et constitutionnel.


 


 


 


 


 


 




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