Le Portugal crie son indignation

«Insultant», «irrationnel», «illogique», indécent», «immoral», «criminel», titrait la presse au lendemain de la décote

Crise de l'euro


Mai 2011: des dizaines de milliers de Portugais défilaient dans la rue pour dénoncer le plan d’austérité du gouvernement de José Socrates. Une élection plus tard, l’Europe a salué l’ambitieux plan de redressement présenté par le gouvernement de Pedro Cassos Cœlho. Mais Moody’s ne l’a pas entendu de la même oreille et elle a abaissé la note du pays, provoquant la colère en Europe.

Photo : Agence France-Presse Patricia de Melo de Moreira


Agence France-Presse Lisbonne — La décision de l'agence de notation Moody's de dégrader la note du Portugal au niveau des investissements «spéculatifs» a été reçue avec indignation et représente un coup dur pour le pays, qui commence à peine à mettre en œuvre le plan d'aide de l'UE et du FMI.
Moody's, qui a abaissé de quatre crans la note à long terme du Portugal (à Ba2), estime que le pays pourrait avoir besoin d'un deuxième plan d'aide avant de pouvoir retourner sur les marchés pour emprunter, le reléguant dans la même catégorie que la Grèce.
Signe d'une méfiance accrue des investisseurs, les taux de la dette portugaise à dix ans sont passés pour la première fois au-dessus des 12 % et se rapprochaient des 13 % hier. À la Bourse de Lisbonne, le PSI-20 a dévissé de 3 % à la clôture. Dans la matinée, le Portugal était parvenu à lever 848 millions d'euros de dette à court terme avec des taux en hausse.
«Les banques et les entreprises vont avoir plus de difficultés pour se financer en raison d'une pression accrue sur la croissance à terme», a expliqué à l'AFP l'analyste Cristina Casalinho, de la banque BPI, alors que la Commission européenne table sur un recul du PIB portugais de 2,2 % cette année. Le pays est déjà entré en récession depuis le premier trimestre (-0,7 % du PIB).
Troisième pays de la zone euro à faire appel à une aide extérieure après la Grèce et l'Irlande l'année dernière, le Portugal s'est engagé auprès de l'UE et du FMI à mettre en oeuvre un exigeant programme de rigueur et de réformes sur trois ans, en échange d'un prêt de 78 milliards d'euros.
Après les législatives anticipées du 5 juin, le nouveau gouvernement de coalition de droite a souhaité montrer sa détermination à assainir rapidement les finances publiques avec un programme «plus ambitieux» que le plan d'aide international, qui prévoit une réduction du déficit public de 9,1 % du PIB en 2010 à 5,9 % cette année, puis à 3% en 2013. Parmi les nouvelles mesures, le nouveau premier ministre, Pedro Passos Coelho, a annoncé notamment de nouvelles privatisations dans les secteurs de l'énergie et des médias, une restructuration des entreprises publiques et la création d'une taxe spéciale sur les revenus. «La décision de Moody's ne prend pas en compte le large consensus politique» soutenant le programme du gouvernement, qui dispose d'une confortable majorité au parlement, a regretté le ministère des Finances portugais.
Pour Tullia Bucco, analyste chez Unicredit, le Portugal subit les conséquences des «craintes d'un risque de contagion de la Grèce», qui vient d'éviter de justesse la banqueroute grâce à l'adoption d'un plan d'austérité et de privatisations très contesté.
Incompréhension et indignation
La décision de l'agence de notation Moody's de reléguer la note du Portugal dans la catégorie des investissements «spéculatifs» suscitait incompréhension et indignation. «Insultant», «irrationnel», «illogique», indécent», «immoral», «criminel»: l'indignation était de mise dans la presse portugaise, plusieurs journaux stigmatisant Moody's pour être la «première agence à attribuer une note pourrie au Portugal».
«Cela va rendre encore plus difficile une voie déjà ardue», a estimé Antonio Costa, directeur du quotidien Diario economico. «Les privatisations seront encore plus difficiles à concrétiser à un prix décent, les investisseurs vont fuir la Bourse de Lisbonne et l'accès des entreprises à un financement va devenir insupportable», a-t-il ajouté.


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