Le port de la burqa en pays non musulman : une provocation ?

Contexte applicable au Québec en 2013.

Tribune libre

Voici un texte éclairant écrit par Claude SICARD dans Le Figaro français le 1er août 2013. Nos intellectuels Bouchard et Taylor liront-ils ce texte et auront-ils le courage de la commenter publiquement dans le contexte du débat actuel issu de la proposition de la Charte des valeurs québécoises. À suivre.
« Le professeur de droit Jean-Louis Harouel, dans son excellent article ( Le Figaro du 25 juillet ), insiste avec la plus grande vigueur sur la nécessité d’appliquer dans notre pays la loi interdisant le port par les femmes musulmanes de la burqa. Des voix s’élèvent en effet pour plaider, au nom de la défense des droits de l’homme, pour la suppression de cette loi de la République, voire pour son application avec « mensuétude ». Jean-Louis Harouel explique, fort justement, que l’objectif recherché par les adeptes du port du voile est « la transformation de portions entières de l’espace français en terres musulmanes dans lesquelles a vocation à s’appliquer la charia ... Les femmes affichant un voile intégral sont avant tout des militantes politiques ».
Ces observations sont extrêmement pertinentes, car il faut bien considérer que le port de la burqa n’est nullement obligatoire pour les femmes musulmanes dans un pays comme le nôtre, qui est un pays non musulman où les musulmans sont minoritaires. Le port de la burqa en France par des musulmanes doit être considéré, en effet, comme une provocation: il est l’expression d’une volonté d’imposer l’islam à notre société laïque.
Il faut en effet s’en référer au droit musulman. Celui-ci dispose tout d’abord qu’un musulman ne doit pas s’installer dans un pays de « mécréance ». Les juristes musulmans indiquent que la migration vers la « Terre d’Islam » ( Dar al-islam, la « maison » de l’islam ) doit se poursuivre tant qu’existera la séparation entre le « Dar al-islam » et le « dar al-arb » (la «maison» de la guerre, les territoires non-musulmans ). Tout musulman qui se trouve en terre de mécréance a le devoir, normalement, d’émigrer, sauf s’il ne peut pour des raisons de maladie ou de contrainte. Le Guide du musulman à l’étranger, publié en 1990 par une maison d’édition libanaise, rappelle l’interdiction de principe d’aller vivre en « terre de mécréance », citant plusieurs versets du Coran à cet égard. Toutefois, dans le monde actuel, la majorité des musulmans installés en Europe violent cet interdit, la plupart d’entre eux l’ignorant sans doute.
Seconde disposition du droit musulman, une disposition que les autorités politiques des pays européens semblent, curieusement, totalement ignorer: des musulmans ayant à vivre dans des pays de « mécréance » où ils se trouvent minoritaire sont dispensés de respecter toutes leurs obligations coraniques, cela afin de leur éviter de subir des réactions de rejet de la part des populations des pays d’accueil. Sami Aldeeb Abu Salieh, responsable du droit arabe à l’Institut suisse de droit comparé à Lausanne, dans son ouvrage, Introduction à la société musulmane: fondements, sources et principes, cite par exemple le professeur égyptien Fouad Riad qui propose un code musulman de la famille applicable aux musulmans ayant à vivre dans des pays non musulmans où ils sont minoritaires.
Ce code viserait, dit son auteur, « à éviter les principales discriminations dont on accuse le droit musulman, à savoir à cause du sexe ou de la religion ». D’ailleurs, lorsque Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, s’était rendu au Caire à propos de l’interdiction du voile en France pour rencontrer le grand cheikh d’al-Azhar, le cheikh Muhammad Sayyid Tamtaoui, celui-ci lui avait confirmé qu’une musulmane vivant dans un pays non musulman n’est nullement obligée de porter le voile. Il lui avait dit: « Si elle vit dans un pays non musulman comme la France, dont les responsables veulent adopter des lois opposées au voile, c’est leur droit. Je me répète: c’est leur droit ». Et il avait ajouté: « Je ne permettrais pas à un non-musulman d’intervenir dans les affaires musulmanes, mais de la même façon, je ne me permettrais pas d’intervenir dans les affaires non musulmanes. »
Sami Aldeeb Abu Salieh explique qu’en droit musulman, les juristes s’appuient pour étayer leur thèse sur le principe dit de « la pesée des intérêts et choix des priorités », qui permet de hiérarchiser les obligations coraniques. Il indique que les savants musulmans ont développé deux branches du droit: la science de la pesée ( fiqh al-muwasanat ) et la science des priorités ( fiqh al-awlawiyyat ). En conséquence, toutes les obligations coraniques ne sont pas à mettre sur un pied d’égalité: le musulman doit savoir en fonction du lieu et du temps laquelle de ces normes a la priorité. D’ailleurs, plusieurs verset du Coran prévoient des dispenses: pour les malades, les voyageurs ...
Ces dispositions du droit musulman sont, d’une façon incompréhensible, totalement méconnues des autorités politiques de notre pays. Elles permettraient de rejeter toutes les revendications que présentent les musulmans qui se réfèrent à une lecture littérale du Coran pour nous imposer de respecter leurs soi-disant « obligations religieuses » comme la consommation obligatoire de viande hallal, le port du voile, la non-mixité dans les piscines. Et le Conseil de l’Europe, qui veille attentivement à l’application de la Convention européenne des droits de l’homme, n’aurait rien à redire puisque nos autorités pourraient répliquer qu’elles s’en réfèrent aux dispositions de la loi coranique.
Le Conseil français du culte musulman devrait avoir à coeur de s’atteler à la tâche consistant à faire émerger un « islam de France », en s’appuyant sur les dispositions du droit coranique qui permettent aux musulmans français de prendre quelques distances avec un certain nombre d’obligations coraniques, rendant ainsi l’intégration de ces personnes plus aisée dans notre société, cela sans qu’elles aient à renoncer ni à leur foi ni à leur identité. Il s’agit d’un travail ardu, car on a laissé l’islam, tel qu’il est conçu par les wahhabites et les salafistes, prendre ses marques dans notre pays.»


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6 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    9 octobre 2013

    C'est certain qu'il ne faut pas trop en mettre pour provoquer inutilement la société d'accueil.
    Mais quelquefois, un membre d'une minorité dans une société donnée a beau gardé un profil bas, il provoque tout de même.
    Par exemple, il n'a pas toujours été bon d'avoir une tête de Canadien-Français en Ontario ou une tête d'Écossais ou d'Irlandais au Québec.

  • Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre

    8 octobre 2013

    Pour un philosophe, toute une dialectique!
    Quiconque se sentirait l'aplomb pour aller interroger les frères (musulmans?) Bouchard:
    http://quebec.huffingtonpost.ca/2013/08/30/novembre-lucien-et-gerald-bouchard-donneront-une-conference-a-luniversite-laval_n_3841831.html
    Bande de paresseux, allez donc travailler!

  • Archives de Vigile Répondre

    8 octobre 2013

    Je répète ce que j'ai déjà écrit dans un autre commentaire :
    "Instinctivement, spontanément, le Québécois n’aime pas le voile. C’est une réaction naturelle, quasi épidermique. Pourquoi le nier ? Pourquoi vouloir nous l’imposer ? Les interdits religieux musulmans et juifs à propos de la nourriture, des vêtements, des relations avec les autres ne nous conviennent pas. C’est la sagesse populaire qui y voit une menace à son identité et pour moi cela est justifié. On ne dit pas tous les musulmans , tous les juifs, mais ceux qui manifestent un zèle religieux et idéologique tel que la société d’accueil devient un ennemi plutôt que le socle du désir de vivre ensemble. "
    On ne parle pas ici des individus ni des personnes, qui peuvent être fort agréables et c'est un plaisir de les connaître. On parle de pratiques religieuses qui ne s'accordent pas avec les valeurs de notre société. On croit aussi qu'il existe des dessins cachés et des provocations préméditées dans le but de nuire aux musulmans et d'éveiller l'hostilité contre eux.

  • Marcel Haché Répondre

    8 octobre 2013

    @ Jean Lespérance
    Cela s’est passé devant ma porte, quelque part à Montréal-Nord, il y a une quinzaine d’années. L’histoire est véridique.
    Une femme totalement voilée monte la côte d’un pas tranquille. De jeunes enfants s’amusent sur le trottoir devant chez moi. Ils voient cette femme qui monte la côte et qui s’approche de plus en plus d’eux. Ils ne savent pas si c’est une femme ou un homme ou un fantôme qui est dans un pareil accoutrement. S’ils ont déjà vu le phénomène sur la rue, c’était de loin. Mais là, c’est différent. Elle s’approche d’eux. Elle est de plus en plus près. Elle n’est pas menaçante, cependant les enfants sont méfiants. Soudainement, ils prennent peur et se sauvent.
    Alertées, une des mères des mousses appelle la police.

    D’une infinie, infinie tristesse.

  • François A. Lachapelle Répondre

    8 octobre 2013

    Pour un supplément d'information aux vigiliens et aux Québécois, j'ai envoyé ce texte à Gérard Bouchard qui m'a fait cette réponse, je cite: « Il s'agit là du débat français. Nous sommes ici au Québec. Respectueusement, GB »
    Tout l'argumentaire du journaliste du Figaro porte sur les mesures coraniques d'exceptions qui sont prévues dans le Coran même pour les musulmans qui habitent en pays non musulman. À ma connaissance, le Québec est un pays non musulman.
    Le comportement de plusieurs musulmans est le même en France et au Québec avec la viande hallal, les horaires de bains publics séparés selon les sexes, le port de la burqa ou du voile, les exceptions vestimentaires pour des cours d'éducation physique, etc.
    Quelqu'un « dans la salle » comprend-il la logique de Gérard Bouchard, un supposé intellectuel averti ?
    La beauté du débat en cours au sujet de la Charte des valeurs québécoises nous oblige à nous documenter pour combler notre ignorance qui ouvre la porte à de fausses demandes des extrémistes musulmans. Indignons-nous de tous ces subterfuges et faisons savoir aux musulmans à quelles conditions ils sont les bienvenus au Québec. Qui peut s'opposer à une telle démarche honnête et à visière levée ?

  • Jean Lespérance Répondre

    8 octobre 2013

    Au marché Loblaws, Jean-talon et Parc avenue à Montréal, je suis arrivé face à face en me retournant avec une femme qui portait la burqa. Sur le coup, surpris, j'ai ressenti un choc. C'était la première fois de ma vie que je voyais un tel phénomène. Cela m'a profondément choqué, je me suis senti insulté. Je n'ai pas adressé la parole à cette femme mais ce n'était pas l'envie qui me manquait.
    Pourquoi insulté? C'était la même chose que si l'on m'avait traité de barbare. Cette femme me disais-je pense-t-elle qu'elle doit prendre des mesures extrêmes pour se protéger contre des agressions en plein public? J'avais le choix, soit qu'elle était une arrièrée mentale ou une provocatrice, j'ai opté pour provocatrice. Pourquoi? Pour avoir un burqa, il faut la fabriquer ou la payer, ce qui demande beaucoup du temps, de l'effort, de l'argent.
    Je lui ai jeté un regard qui n'avait rien de sympathique car j'étais pour ainsi dire enragé. On ne peut pas apprécier se faire traiter de barbare, bien sûr que dans notre société comme dans n'importe quelle autre, il y en a, mais porter la burqa, c'est traiter toute la société de barbares, c'est insulter tout le monde et l'insulte ne devrait pas être tolérée.
    Insulter une société qui nous accueille est un manque de savoir-vivre. Je ne vois pas pourquoi on tolèrerait un tel comportement. Ce n'est pas se respecter comme société de permettre à une personne d'insulter tout le monde.