Le plus fort déclin depuis la Seconde Guerre mondiale

Une sévère récession se prépare, mais craindre une réédition de la Grande Dépression serait exagéré

Crise mondiale — crise financière



L'économie mondiale «entre dans une sévère récession», a prévenu hier l'agence de notation Fitch qui prédit aux pays développés «le plus fort déclin depuis la Seconde Guerre mondiale» et une croissance mondiale d'à peine 1 % l'an prochain. Aux États-Unis, une trentaine d'États étaient déjà en récession au mois de septembre, et tous les autres, à l'exception d'un seul, menaçaient d'y plonger à leur tour dans les prochains mois, a rapporté de son côté le cabinet d'étude économique Moody's Economy.com.
Ces mauvaises nouvelles viennent s'ajouter à tant d'autres que certains en sont venus, ces derniers temps, à redouter une réédition de la Grande Dépression de 1929 aux États-Unis. Ces craintes s'avèrent toutefois grandement exagérées, estime le Groupe Financier Banque Nationale.
«La production chute aux États-Unis, au Japon en Allemagne, en France et en Grande-Bretagne, et les perspectives vont dans le sens d'une intensification de la contraction de l'activité dans les 12 mois à venir», a précisé hier l'agence Fitch. «Pour les économies avancées, Fitch prévoit le plus fort déclin du produit intérieur brut (PIB) depuis la Seconde Guerre mondiale à -0,8 % de croissance» en 2009. Les économies émergentes devraient pour leur part subir un «brutal ralentissement de croissance» tout en échappant à la récession. L'agence prédit notamment à la Chine un taux de croissance de 7 % l'an prochain, «le plus faible depuis presque 20 ans». Elle prévoit au total une croissance «d'à peine 1 % pour l'ensemble de la planète l'an prochain, au plus bas depuis le début des années 90, contre une moyenne de 3,5 % les cinq dernières années».
«Le pire scénario, celui d'une déflation généralisée» devrait cependant être évité, estime Fitch, grâce notamment aux mesures «agressives» prises par les banques centrales et les gouvernements pour s'attaquer au manque de liquidité sur les marchés et soutenir les banques américaines et européennes.
Sur les 50 États américains, il n'y a actuellement que l'Alaska, avec son sous-sol riche en pétrole et en matières premières, qui ne soit pas en récession ou menacé de l'être dans un avenir rapproché, a noté de son côté Moody's Economy.com. Définie par le cabinet comme étant une baisse de la croissance moyenne d'une période de six mois à une autre, la récession se concentrerait dans la moitié est du pays, mais se retrouverait aussi en Californie, en Oregon, dans quelques États des Rocheuses et à Hawaii.
Retour vers le futur
La chute marquée des marchés boursiers et du crédit depuis un peu plus d'un an a fait «resurgir le spectre de la dépression», a constaté hier dans une note Stéfane Marion, économiste en chef adjoint au Groupe Financier Banque Nationale. Il est vrai que lorsque l'on plaque l'une sur l'autre les deux trajectoires suivies par la Bourse américaine, l'une depuis le début de la crise financière, et l'autre durant la crise des années 30, on ne peut pas ne pas voir une ressemblance.
«Il existe effectivement des similitudes frappantes entre les problèmes qui sont à la racine de la crise actuelle et ceux qui ont précédé les années 1930 puis ont continué, mais nous croyons que les comparaisons avec les jours sombres de 1929 à 1933 sont surfaites.» «Il faut faire la différence entre une récession et une dépression», a expliqué en entretien au Devoir Stéfane Marion.
L'étude rappelle notamment que les reculs du PIB (-0,2 %) et de la production industrielle (-4 %) aux États-Unis depuis octobre 2007 ressemblent bien plus à ceux des 12 premiers mois des sévères récessions de 1973 et 1980 que de ceux de la première année qui a suivi la crise de 1929 où le PIB et la production industrielle avait déjà baissé respectivement de 4 % et 13 %.
Il est vrai que la chute des prix immobiliers a été très marquée cette fois (-18 % depuis 2006), mais elle avait aussi été précédée par une plus forte augmentation au point que le prix des maisons n'est redescendu aujourd'hui qu'à la moyenne de 2004 alors qu'en 1936, les maisons se vendaient encore moins cher qu'en 1919. Il faut dire que le taux de défaillance sur les prêts hypothécaires oscille actuellement autour de 7 % alors qu'il dépassait 30 % au début des années 30.
Frappés en même temps par des taux d'intérêt élevés, une pénurie du crédit et le ralentissement économique, les bénéfices des entreprises ont complètement disparu dans les années 30, alors que l'on ne déplore jusqu'à présent qu'un recul de 8 %. Les économistes de la Banque Nationale doutent que cette baisse des profits dépasse les 30 %. Le taux de chômage devrait culminer «à environ 8 %», prédisent-ils, loin des 25 % des années 30.
Rebond en vue
«La différence aujourd'hui est que nous avons appris de l'expérience des années 30, explique Stéfane Marion. Les banques centrales disposent d'une multitude d'outils d'intervention, et les gouvernements ont appris comment réagir en période de crise. Il ne leur viendrait jamais à l'idée, par exemple, de chercher à réduire le déficit et d'augmenter les impôts en pleine tourmente, comme l'a fait le président Hoover.»
Tant qu'à fouiller le passé à la recherche d'indices sur ce que l'avenir nous réserve, on serait mieux avisé de regarder plus près de nous, estiment les économistes de la Banque Nationale. Une récente étude du Fonds monétaire international (FMI) a recensé six épisodes de turbulences financières durant les années 90 particulièrement instructives parce qu'elles étaient, elles aussi, liées au secteur bancaire et ont engendré des crises économiques. Ces précédents suggèrent que Wall Street pourrait rebondir plus rapidement qu'on le pense. Dans les six cas, la chute moyenne des valeurs boursières a été de 47 %, mais avait été suivie d'un rebond de 86 % dans les 12 mois.
«Les marchés boursiers ne sont pas très bons pour prédire les récessions, mais ils sont bien meilleurs pour anticiper les reprises», dit Stéfane Marion. S'il est trop tôt pour affirmer que les difficultés des marchés financiers sont terminées, les marchés boursiers et du crédit américains ont désormais absorbé l'essentiel de ce à quoi l'on peut s'attendre d'une crise typique en fait de tensions financières, de récession grave et de reprise économique molle, conclut-il dans sa note. «Les prochains trimestres resteront sans doute difficiles pour l'économie, mais nous pensons que les interventions énergiques des autorités des États-Unis et d'autres nations industrielles visant à normaliser les marchés du crédit feront effet et prépareront le terrain en vue d'un rebondissement du marché.»


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