Le pacte de la fin du monde

Ecdc7e505752bb6a7ae1da796edcf414

« La flagellation a toujours des adeptes. Et tant qu’on existera, on aura quelque chose à se reprocher... »

Entre Sapporo et Tokyo, entre Londres et New York, entre Pékin et Shangaï, des millions de personnes voyagent en avion. Des dizaines de millions. Chaque jour.


Des tonnes et des tonnes de gaz à effet de serre sont ainsi répandues quotidiennement dans l’atmosphère.


Los Angeles, Madrid, Dubaï, Dublin, Bruxelles, Jakarta, Paris, des millions de passagers dans les nuages... Imaginez le reste...


Entre Québec et Montréal? Si peu qu’on ne le mentionne pas dans les grandes études environnementales mondiales...


À Québec, petit bourg nord-américain, l’aéroport est pour ainsi dire intermittent : les abonnés du bronzage, les exilés des régions qui partent et reviennent...


L’international, à Québec, n’est qu’un adjectif à usage politique. Quand vient l’automne, on ne va pratiquement nulle part, sinon une fois par semaine à Paris, la capitale du lacrymogène...


Ne reste que l’écho des pas du concierge et des agents de sécurité. En fait, seul le salaire du patron est de calibre international...


Ce qui donne à croire qu’en matière de gaz à effet de serre, malgré cinq millions de véhicules, le Québec compte pour si peu qu’il serait effacé de la surface de la terre que la menace climatique serait entière.


On se surprend donc de l’hystérie contagieuse de Dominic Champagne, politicien post-électoral, théâtralement tonitruant, spectre d'un Retour vers le futur...


Comme si le sort de la planète dépendait soudainement du Québec, moins pollueur que plusieurs des sociétés les plus riches, usant parfois toujours du charbon, du nucléaire, du bois...


C’est peut-être que tout le monde était en quelque sorte disponible pour une crise...


 À cause de l’ennui. On s’emmerde tellement de nos jours, petits problèmes anodins dans un monde formaté et sans surprise...


Au Québec, ça ronronne, entre les scandales successifs: un satyre, deux corrompus, trois incompétents, quatre milliards disparus...


Le pays a pris du mou, la langue se meurt et les tensions fédérales/provinciales sont éphémères...


Il n’y a que l’immigration pour nous faire sourciller jusqu’au dimanche soir alors que tout s’apaise dans le conformisme et les sourires niais.



PHOTO COURTOISIE


Dominic Champagne est arrivé de nulle part, hirsute ahurissant, éructant ses choix récents, postillonnant ses idées neuves et donnant ses ordres au conseil des ministres; il propose maintenant un projet de loi, rien de moins. Les habitués du porte-à-porte se demanderont bientôt si l’abstentionnisme n’a pas plus influence...


On doit admettre qu’il a eu son effet, le dépeigné: les publicités du pick-up Ram n’ont plus la même saveur poétique. Au lieu du plaisir, s’impose la culpabilité de contribuer à l’avènement du dernier jour de l’humanité. Ram, le plus polluant de sa catégorie, plombe le moral des amateurs de différentiel...


La philosophie mécanicienne franchit les limites de l’insignifiance en direct à la télé: «Quand vous vous servez de vos mains, vous avez les idées claires»...


Champagne savait sans doute que, chez nous, et depuis longtemps, s‘émouvoir donne un sens à la vie. Alors on s’émeut pour un rien. Ou pour tout le reste. Et pour faire savoir à la planète que nous sommes là, brillants, progressistes, ignorés de tous...


On se la joue donc solidaires des ours polaires. Ah, ils sont tristes, les maigrichons sur la banquise fondante. Ils nous ressemblent, en quelque sorte...


Une tristesse similaire nous gagne devant les tonnes de déchets que la mer vomit sur les rivages d’Asie. Sans parler des ordures que la marine marchande jette à l’eau toutes les nuits et de celles que montrent les rivages affaissés de notre Côte-Nord...


Quand on sait que, dans une seule ville de Chine, mille bagnoles neuves sont vendues chaque jour, on ne peut qu’en vouloir à Catherine Dorion d'ajouter une Subaru au désastre mondial. Si les petits efforts ne sont pas insignifiants, les petits dégâts ne le sont pas non plus...


Le Québécois moyen, lui, se demande quand le ciel (ou une nouvelle taxe) lui tombera sur la tête, lui qui a tant fait pour se mettre à l’électricité. Il pollue encore un peu, mais moins que d’autres. On dit environ 9,3 tonnes de GES par année par tête de tuque. C’est seize fois moins que dans l’Ouest. Le Québec salit moins que Shangaï... Mais allez donc dire ça aux Chinois!


Le Québec, petite province d'un grand Canada propriétaire d'un pipeline de 4,5 milliards et qui vient de débloquer 1,6 milliard pour soutenir l'industrie pétrolière en Alberta. 


Remarquez qu’on n’a pas besoin de grand-chose pour pleurer. La flagellation a toujours des adeptes. Et tant qu’on existera, on aura quelque chose à se reprocher...