Le moteur révolutionnaire japonais

Chronique d'André Savard

Le moteur-roue
L’agence France-Presse annonçait récemment une percée technologique importante venant du Japon qui avait un air de déjà-vu au Québec. La jeune entreprise SIM-Drive fondée par le Professeur Hiroshi Shimizu allait mettre à la disposition des constructeurs d’automobiles un prototype révolutionnaire.
L’agence France-Presse explique : « M.Shimizu a conçu une plateforme radicalement différente de celles des véhicules actuels. Au lieu d’être mues par un moteur central, les roues sont unilatéralement motorisées, ce qui, selon le co-développeur du concept, Takashi Takano, permet de diviser par deux l’énergie requise. »
Au Québec, on a appelé ce concept le moteur-roue. Sous le patronage d’Hydro-Québec, on devait parvenir à établir un châssis à roues motorisées permettant de produire des modèles efficients de véhicules électriques. Alors qu’est-ce qui a manqué? Le Professeur Shimizu en conférence de presse a parlé d’un modèle de développement ouvert et coopératif entre son équipe et les équipementiers du secteur de l’automobile.
Pareil contexte coopératif n’a pu s’établir au Québec. D’abord les efforts furent minés par des querelles sur le leadership. On était jaloux que le premier concepteur ait le poste de commandant de l’équipe.
Ensuite, pour des raisons structurelles, nul ne savait où logeait la politique d’Hydro-Québec. Était-ce une initiative exploratoire, un plan quinquennal de recherche et développement et si oui, pouvait-on inscrire la recherche sur le moteur-roue dans une perspective à long terme s’imbriquant dans une politique énergétique du Québec? Trop de questions pour une province.
La belle province a plus ou moins une politique énergétique. Elle assume une juridiction qui ne doit pas engendrer d’effet pervers ni produire un retournement de la politique canadienne. Comme vous dira Charest, ou on est du pays ou ne l’est pas.
On aurait toujours pu essayer d’arrimer les efforts de développement du moteur-roue aux besoins éventuels de l’industrie automobile basée en Ontario. L’eût-on fait que la bonne vieille dynamique entre les paliers gouvernementaux se serait installée. La question aurait été de savoir d’abord comment le moteur-roue logeait dans la politique nationale du Canada. Ensuite, il aurait fallu voir si une telle recherche et développement répondait aux besoins des équipementiers canadiens.
Il aurait fallu plaider que le développement du moteur-roue constituait une optique complémentaire qui ne destituait en rien le programme de recherche pour maximiser l’essor des sables bitumineux comme produit pétrolier. C’est ce qu’on appelle jouer le jeu canadien. Si on ne le joue pas, on reste tapi à l’horizontale sans pouvoir déboucher sur des politiques d’application plus vaste avalisées par un vrai gouvernement national.
Hydro-Québec avait de quoi redouter que l’harmonisation de la recherche et développement du moteur-roue avec la politique énergétique canadienne rencontre des résistances. Il aurait fallu à la fois dire que le moteur-roue mérite tous les efforts car c’est une technologie d’avenir. Et comme nous sommes dans un pays pétrolier, il aurait fallu rassurer en disant que le moteur-roue est un amusement dont on ne saurait généraliser le principe.
Alors quoi? Le développement du moteur-roue est resté comme un drame intérieur, une histoire de chicanes recuites en coulisses. Hydro-Québec comptait sur des cerveaux, une économie hydro-électrique en pleine expansion et pourtant ce fut une activité en bordure, une poche de savoir-faire en gestation qui manquait du contexte coopératif dont on a profité le professeur Shimizu. Même si le Québec était à l’avant-garde dans le domaine du moteur-roue, le chassé-croisé des paliers gouvernementaux attendait dès la sortie du laboratoire. C’était à se demander si les chercheurs avaient intérêt à sortir du couloir pour essayer de donner un bon virage canadien à leurs recherches.
Une bonne politique québécoise connaît son virage ailleurs c’est-à-dire au Canada. Sinon, elle finit par moisir dans les cartons. Le gouvernement québécois est déjà bien assez préoccupé par ses deux grands postes budgétaires : la santé et l’éducation. Il ne lui reste surtout pas d’énergie pour jouer le rôle d’un gouvernement national. Et même dans ses juridictions, il ne répond plus de rien. Il suffit d’écouter Charest en conférence de presse. Une phrase sur deux se termine par : « … c’est la faute du Parti Québécois ».
André Savard


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