Le grand obstacle

17. Actualité archives 2007


La semaine dernière, au congrès du Parti libéral du Canada, je regardais Martha Hall-Findlay livrer son discours de présentation. Beau costume noir en tissu soyeux, lumineux bijoux violets Malgré je dis bien "malgré" la position de pouvoir qu'elle convoitait, elle était élégante et désirable. Un détail, direz-vous? Pas du tout.
Je pensais à Ségolène, aux jambes qu'elle montre sans fausse pudeur, à sa coquetterie très manifeste, au désir qu'elle suscite chez les hommes, bref au fait qu'elle n'a pas été obligée de renoncer à ses capacités de séduction pour se lancer à l'assaut de la présidence.
Un détail? Au contraire. Ces dernières années ont vu la levée du dernier obstacle qui entravait la très longue montée des femmes vers le pouvoir politique. Cet obstacle n'était pas souvent dit, c'était un tabou dont les femmes ne parlaient qu'entre elles et à mi-voix: c'était la peur viscérale de perdre, en s'engageant en politique, leur pouvoir de séduction sexuelle. La peur de voir les hommes se détourner d'elles, tant l'image d'une femme politique était contraire à l'image traditionnelle de la femme.
Retour en arrière, il n'y a pas si longtemps, ma foi Il fut un temps où les femmes qui avaient réussi à se frayer un chemin en politique l'avaient fait au prix de leur bonheur personnel. Combien de femmes parvenues au sommet du pouvoir ont-elles aussi été des femmes manifestement comblées dans leur vie intime? Il y a certainement eu des exceptions (Cléopâtre?!), mais aucune ne me vient à l'esprit.
A l'instar de la grande Golda Meir, Claire Kirkland-Casgrain, l'héroïque pionnière qui donna aux Québécoises leur autonomie financière et juridique, vit son mariage sombrer dans l'aventure. Les Judy LaMarsh, Flora MacDonald, Monique Bégin ou Lise Bacon n'avaient pas à concilier mariage, famille et politique, car elles étaient célibataires.
La femme politique typique était une femme seule ou une matrone asexuée, comme les Simone Veil, Madeleine Albright, Margaret Thatcher, Thérèse Lavoie-Roux ou Solange Chaput-Rolland. Une apparence relativement asexuée, c'était d'ailleurs une condition pour se faire prendre au sérieux
Il y eut ensuite, dans la foulée de la révolution féministe, une génération-charnière: des femmes plus jeunes, qui n'avaient pas fait une croix sur la vie personnelle et n'entendaient pas renoncer aux signes extérieurs de la féminité. Mais elles allaient vite constater que l'engagement politique allait les rendre moins désirables, car si les femmes acceptent facilement de vivre dans l'ombre d'un homme de pouvoir, il n'en va pas de même des hommes. Chez l'homme, le pouvoir sert d'aphrodisiaque. Chez la femme, c'est le contraire.
Les politiciennes que j'ai rencontrées à l'époque ne s'en cachaient pas, même si elles n'en parlaient pas publiquement. Une ministre, pourtant relativement jeune, jolie et sociable, me confiait que dans les soirées, aucun homme n'osait l'inviter à danser. Une députée célibataire me confiait que, dès son assermentation, elle avait cessé de recevoir des invitations autres que celles reliées à sa fonction, elle qui était auparavant très sollicitée. Seuls des hommes beaucoup plus âgés qui n'avaient plus rien à prouver s'intéressaient encore à elle.
Le même phénomène, évidemment, existe à plus forte raison dans les milieux d'affaires: feu Pierre Péladeau, un homme d'une laideur inouïe, attirait les femmes comme des mouches parce qu'il était riche et puissant. Tout ce qu'une femme laide, à sa place, aurait réussi à attirer aurait été un gigolo humant la fortune.
Françoise Giroud l'avait bien dit: "Le pouvoir ajoute à la séduction des hommes alors qu'il retranche à celle des femmes."
Et puis, imperceptiblement, les choses ont changé, à mesure qu'il y avait, en haut lieu, davantage de modèles attrayants qui tranchaient avec l'image stéréotypée de la matrone des femmes comme Hillary ou Condoleezza, Elisabeth Guigou et bien sûr Ségolène, qui a dénoué ses cheveux et abandonné le tailleur-pantalon favorisé par ses collègues féminines pour des jupes moulantes et des talons hauts.
Ici aussi, l'on voit maintenant des jeunes femmes ravissantes les Belinda Stronach, Rona Ambrose, Elsie Lefebvre ou Yolande James foncer impétueusement en politique avec la certitude qu'elles n'auront pas à y sacrifier leur pouvoir de séduction. La beauté n'est pas tout, c'est évident. Et les femmes sont loin d'avoir complété leur cheminement vers le pouvoir. Mais les hommes ont changé et elles aussi. Le simple fait qu'elles sentent maintenant qu'amour, désir et politique ne sont pas inconciliables constitue une extraordinaire avancée psychologique.


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