Le gouvernement Harper et le fédéralisme

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N’empêche que nos décisions sont prises par les autres

Une section du plan budgétaire soumis cette semaine par le gouvernement Harper porte sur «l’équilibre fiscal dans la fédération». Cette annexe au budget veut démontrer qu’il n’y a pas de déséquilibre fiscal, au Canada, entre le gouvernement fédéral et les provinces.


Ces dernières ne seront sans doute pas d’accord et réaffirmeront qu’elles font face à de fortes pressions et à des hausses de leurs dépenses — notamment en ce qui a trait aux soins de santé, en raison du vieillissement de la population et de la hausse combinée du prix des médicaments et des technologies.


C’est quand même la première fois depuis longtemps que le point de vue fédéral sur cette question est expliqué. Et avant de l’expliquer, je voudrais préciser ceci. La démonstration qui est faite dans le document budgétaire traduit la pensée des conservateurs sur cette question.


Philosophiquement, les conservateurs se méfient des grands programmes sociaux onéreux, raison de plus pour ne pas les créer et les imposer à toutes les provinces. Voilà pourquoi ils sont opposés à une politique nationale sur les services de garde, comme celle que propose le NPD. Le gouvernement Harper croit que les parents doivent eux-mêmes choisir le genre de services de garde qu’ils veulent. Conséquemment, le gouvernement fédéral verse directement aux parents une prestation pour enfants.


Politiquement, ils justifient une telle approche en disant respecter l’autonomie et la compétence des provinces à instaurer ou non un régime de services de garde public. Le Québec en a un, mais ce ne sont pas toutes les provinces qui souhaitent en mettre un sur pied, pour des raisons tant budgétaires que philosophiques.


En revanche, tous les parents qui doivent faire garder leurs enfants pendant les heures de travail vont apprécier la contribution fédérale. Enfin, c’est l’idée de ce programme, qui coûtera quand même 18 milliards de dollars cette année.


Tant pour les provinces qui voudraient instaurer un service de garde que pour le Québec, la solution fédérale n’est pas idéale. En revanche, on sait que les programmes mis en place par Ottawa — qui finance une partie des coûts par l’entremise des paiements de transfert aux provinces — sont accompagnés de conditions spécifiques. Par exemple, ce sont ces conditions qui limitent l’apport du secteur privé dans le domaine de la santé.


La philosophie conservatrice tend à mieux respecter l’autonomie des provinces, alors que les libéraux et les néo-démocrates préfèrent un gouvernement fédéral très actif et directif d’un point de vue social et économique.


Je reviens donc au document budgétaire et à la compréhension conservatrice de l’équilibre fiscal.


Pour le gouvernement actuel, il n’y a pas de déséquilibre fiscal entre Ottawa et les provinces, et ces dernières ont la capacité d’atteindre leur propre équilibre budgétaire.


Pourquoi ?


Parce que le gouvernement fédéral dépense moins. Cela lui a permis d’abaisser le fardeau fiscal fédéral à son plus faible niveau depuis plus de 50 ans. Grâce (ou à cause, selon certains) aux mesures fiscales adoptées par le gouvernement Harper depuis 2006, Ottawa s’est privé de revenus de 37 milliards de dollars.


Dans son optique, c’est comme s’il avait libéré de l’espace fiscal — un espace mis à la disposition des provinces pour le financement de leurs programmes et/ou la réduction de leurs propres déficits. L’exemple le plus frappant est sans doute la baisse de deux points de pourcentage de la TPS, qui a rapidement été comblée (d’accord, le choix de mot n’est pas terrible) par la hausse de la TVQ au Québec.


En plus de laisser plus d’oxygène aux autres juridictions, le fédéral a accru de 63 % ses paiements de transferts aux provinces, qui ont augmenté de 68 milliards de dollars depuis 2005-2006. De plus, le gouvernement fédéral compte ajouter 43 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années à ses investissements dans le Transfert canadien en matière de santé, le Transfert canadien en matière de programmes sociaux et la péréquation.


Le Québec revendique évidemment davantage. Dans son propre document budgétaire, il fait valoir qu’il devrait recevoir plus d’argent d’Ottawa en matière de santé, compte tenu d’une population plus vieille que la moyenne du pays.


C’est de bonne guerre, et de telles discussions ont lieu dans tous les régimes fédéraux. Le budget fédéral se fait d’ailleurs un plaisir de démontrer que le régime canadien est plus décentralisé que celui de la Suisse, des États-Unis, de l’Allemagne ou de l’Australie, et que les provinces et administrations locales perçoivent presque la moitié de toutes les recettes fiscales au pays.


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