Abolition des frais de scolarité

Le gouvernement doit résister aux demandes d'improvisation

Chronique de Pierre Gouin

La pression se fait forte pour que le gouvernement du Parti québécois annonce dès maintenant un gel des frais de scolarité universitaires et leur abolition dans un délai prescrit. Même un libéral comme Alain Dubuc semble donner sa bénédiction à une telle annonce, ce qui devrait inquiéter puisqu’il serait des plus heureux à voir le gouvernement péquiste se casser la gueule. Dans cette vague de supposément soutien aux étudiants, on a même pu voir que certains profitent du contexte pour avancer discrètement l’idée que le nombre d’étudiants admis à l’université devrait être réduit à l’aide de critères de sélection beaucoup plus exigeants, ce qui permettrait de financer la gratuité.
Un groupe d’illuminés revient aussi avec le mythe qu’on pourra éventuellement annuler une partie ou l’ensemble de la dette publique parce que le système financier est pourri, une solution qui enlève tout obstacle à l’abolition des frais de scolarité et tant qu’à y être pourquoi pas des centres d’hébergement cinq étoiles pour toutes les personnes âgées, des garderies complètement gratuites, et… allez, faites un souhait. Contrairement à ce qu’on rapporte, l’Islande n’a pas refusé de rembourser une partie de sa dette publique.

Le système financier est effectivement pourri mais on ne peut pas présumer que le système va sombrer dans le chaos, avec notre dette en même temps, et on ne peut même pas le souhaiter. Le ministre des Finances du Québec devra continuer pendant au moins une décennie à solliciter les prêteurs internationaux pour obtenir plusieurs milliards en nouveaux financements à chaque année juste pour maintenir notre train de vie.

Même Québec solidaire, dont le discours ne s’embarrasse pas toujours de ces considérations terre à terre, ne propose pas de financer la gratuité scolaire par des contrats d’emprunt qu’on n’entend pas respecter. Le parti demande plutôt de financer la gratuité par une taxe sur le capital. Il est vrai que depuis plus de dix ans la contribution des entreprises aux revenus de l’État s’amenuise et que les taux d’imposition pour les particuliers ont diminué sensiblement, aux profits des contribuables à revenu élevé. Cependant, il n’y a aucune raison pour que les revenus additionnels générés par une fiscalité plus lourde soient consacrés à une abolition des frais de scolarité.
Les baisses d’impôt accordées par le gouvernement libéral ont mis les finances publiques en difficulté et ont servi de prétexte à des coupures de dépenses et à la dégradation de la qualité des services publics en général. Dans cette optique, annoncer maintenant un gel des frais de scolarité c’est cautionner toutes les attaques contre les services publics perpétrées par le précédent gouvernement et s’en faire ainsi le complice.
Quand l’opposition et les médias accusent le nouveau gouvernement d’improviser, on peut voir plusieurs indépendantistes renchérir, ce qui paraît-t-il est de bonne guerre. Cependant, au cours des dernières semaines on voit nombre de ces indépendantistes réclamer du gouvernement la plus évidente des improvisations. La gratuité scolaire n’est pas une priorité du Parti québécois depuis plusieurs années, elle n’a pas fait partie de la plateforme électorale lors de la dernière élection, cela aurait été catastrophique, et elle deviendrait soudainement urgente parce qu’il faut tenter de récupérer la colère qui s’est manifestée dans la rue. Une colère qui s’exprimait, rappelons-le, contre une hausse spectaculaire des frais de scolarité.


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7 commentaires

  • Pierre Gouin Répondre

    22 février 2013

    @ M. McNicols Tétrault
    Merci pour votre commentaire. Je pense que vous m'avez mal compris. Je suis pour la gratutité scolaire et cela depuis les années soixante alors que j'ai travaillé parfois cent heures par semaines tout en faisant mon Bacc. en mathématiques. Ça m'a donné l'occasion de voir les acolytes du maire Drapeau gonfler les entrées à Terre des Hommes (1968)de 33% pour atteindre le total promis de 10 millions de visiteurs. Je n'ai aucune illusion quant à la justice de notre système économique. Il faut comprendre la puissance de notre ennemi et les pièges qu'il nous tend. Les grecs ne sont pas heureux d'être dans la rue, il y a dix ans ils se pensaient prospères.

  • Gérald McNichols Tétreault Répondre

    22 février 2013

    L'éducation gratuite et accessible à tous a justement pour but de faire en sorte de donner une solide culture et un jugement critique aux jeunes Québécois pour qu'ils cessent d'être les cruches à remplir par les ténors populistes des médias poubelles et néolibéraux qui ont une calculette en guise de cerveau.
    Notre plus grande ressource naturelle renouvelable est notre intelligence et elle est la plus gaspillée parce qu'une province dominée par les autres n'a pas besoin de cette ressource pensante. Elle n'a besoin que de bras, de calculettes, de consommateurs, de bière et de télévision.
    L'obsession masochiste et misérabiliste du déficit zéro cache l'absence de projet, l'absence d'imagination et le vide des esprits. Ce concept du rapetissement, de la gestion du déclin a servi d'écran à la peur bleu de Lucien Bouchard et de tous ses successeurs à ce jour devant le défi trop grand pour eux de faire la libération de notre pays. Cette obsession comptable et minable, nous prive de tout ce qui fait qu'un pays est un pays. Seulement les morts ne coûtent plus rien.
    L'éducation n'est pas une dépense mais un investissement qui rapporte. Seuls ceux qui en sont dépourvus la méprisent. Ce n'est pas le gel ou la gratuité qu'il faut financer mais l'éducation accessible et gratuite.
    Vous ne prenez pas non plus en compte les études gâchées par les longues heures de travail des étudiants dans des milieux abrutissants pendant lesquels les étudiants n'ont pas le temps d'étudier, de lire, de faire leurs travaux et de vivre leur vie d'étudiants. De cela vous vous fichez parce que c,est justement cela le monde que vous voulez proposer comme modèle de société : définir l'humain en terme de contribuable et de prestataire et quand ça ne rapporte plus l'euthanasie pour en finir d'un monde qui n'a plus de raison d'exister.
    Faisant cela, nous produisons des personnes incomplètes qui auront appris à travailler trop vite sans grande culture et sans questionnement. Vous vous demandez ensuite pourquoi un si grand nombre de Québécois ne comprennent plus les questions d'éthiques, d'honneur,de sens de l'histoire, de sens critique ? C'est parce qu'on les a privé de l'accès à ces notions essentielles à la formation de l'esprit. Pas le temps pour les détails.
    On n'est pas en train de parler d'une ligne de montage de balayeuses mais bien de l'avenir de notre société qui ne pourra jamais se mettre au monde en faisant des économies sur ce qu'on met dans la tête des gens. Si vous pensez en avoir fini avec le Printemps Érable, vous vous trompez.

  • Archives de Vigile Répondre

    21 février 2013

    @Pierre Gouin
    Sachez que l'indexation nous éloigne de l'indépendance et que le problème de la dette pourrait très bien se résoudre facilement, mais pas avec le PQ, car nous avons un PQ qui refuse de se donner les moyens d'augmenter les revenus du gouvernement. Les contraintes budgétaires ne sont qu'un prétexte au service des banques et du monde financier, mais cela vous ne l'avez pas encore compris.

  • Archives de Vigile Répondre

    20 février 2013

    La colère de la rue, l'an dernier, avait comme toile de fond: l'usure du gouvernement Charest, l'entêtement dudit Charest à ne pas instituer une Commission d'enquête sur la construction....pis, bien sûr, l'augmentation substantielle des frais de scolarité. A cela s'ajoute la stratégie libérale d'aller en élection en se servant de la casse dans la rue.
    Quand Nadeau Dubois a démissionné, il a déjoué le plan libéral.
    En se retirant du Sommet sur l'éducation, l'ASSÉ a commis une erreur. Elle s'est autopeluredebananisée… L'ASSÉ a probablement sur-estimé sa capacité à mobiliser les étudiants, elle a sur-estimé sa capacité à s'attirer la sympathie du public. Le monde québécois de février 2013 n'est pas la monde québécois du printemps 2012.
    Je trouve que le PQ joue gros dans ce Sommet, très gros! Et tout comme vous, je pense que le gouvernement doit résister aux demandes d'improvisation.

  • Pierre Gouin Répondre

    20 février 2013

    Je sais, c'est pas exitant les contraintes budgétaires.
    Ça coutera ce que ça coutera, c'est ça la solution? Les gens ne sont pas stupides. Pour vous le PQ c'est comme le PLQ, c'est pourquoi vous ne voyez pas de problème à aider le PLQ à prendre le pouvoir.Je ne défends pas systématiquement le PQ, j'essaie de soutenir le projet indépendantiste. Pour moi, l'endettement ça nous éloigne de l'indépendance.

  • Archives de Vigile Répondre

    19 février 2013

    C'est le gouvernement qui improvise.

  • Archives de Vigile Répondre

    19 février 2013

    ZZZzzzz
    Je suis porté à croire en vous lisant que le meilleur allié du mouvement souverainiste, c'est le PLQ et la CAQ.
    Vous trouvez cela normal que le PQ doit s'aligner sur les positions du PLQ et de la CAQ pour se faire du capital politique. Vous défendez un PQ qui ne cesse de s'empresser d'imiter les fédéralistes de droite.
    Ensuite, ce que QS propose pour financer la gratuité n'est qu'une mesure parmi tant d'autre que QS propose pour générer des revenus additionnels pour le gouvernement. Le PQ est plus préoccupé à privatiser le gouvernement sous prétexte de déficit zéro que d'augmenter les revenus de l'État.