(Québec) Il fallait bien une manchette dans Le Devoir, un journal soi-disant sympathique à la cause souverainiste, pour créer un tel embarras au Parti québécois. «Parizeau : il faut une crise politique», titrait hier le quotidien, en référence au discours prononcé par l'ancien chef péquiste en fin de semaine, au colloque des Intellectuels pour la souveraineté.
En fait, ce n'est pas tout à fait ce qu'a dit M. Parizeau. Il citait un de ses anciens assistants lorsqu'il a dit qu'il «faut une crise» pour faire la souveraineté. Et il faisait une blague lorsqu'il a déclaré, quelques secondes plus tard : «Il faudrait qu'on suscite la crise.»
Mais le message de Jacques Parizeau est toujours pris au pied de la lettre, même lorsqu'il blague. Ce n'est pas la première fois qu'il se fait prendre à ce jeu. Et dans le cas présent, il en a remis en disant que la tenue de référendums constitutionnels, «dans certaines circonstances, ça peut être très utile», pour ajouter plus loin qu'il est bien évident qu'«un référendum sur un sujet défini peut créer une crise». De là à conclure que Pauline Marois veut provoquer des crises pour faire la souveraineté, il n'y a qu'un pas que Jean Charest a franchi avec un plaisir évident.
La dernière chose dont le PQ avait besoin était une nouvelle controverse sur sa stratégie référendaire. Pauline Marois était parvenue à étouffer ce débat en abandonnant l'échéancier référendaire prévu au programme du Parti. Mais elle a rouvert le panier de crabes dimanche dernier, en dévoilant son Plan pour un Québec souverain. Le discours de M. Parizeau a fait le reste. Les péquistes, qui avaient marqué des points tout l'hiver contre le gouvernement sur la Caisse de dépôt, les fonds d'intervention économique régionaux (FIER) et les laboratoires de pathologie, se retrouvent maintenant sur la défensive et ça risque de durer.
Les allusions à la crise ne sont pourtant pas les éléments les plus intéressants de la conférence de Jacques Parizeau. En fait, la majeure partie de son discours a porté sur les constats d'un sondage mené par le Bloc québécois qui révèle que les Québécois sont favorables à la souveraineté, mais qu'ils ne croient pas à la capacité des leaders souverainistes d'y parvenir. Qui plus est, l'option a perdu des plumes depuis 1995 chez les jeunes et les personnes âgées de 35 à 45 ans. C'est un constat qui va totalement à l'encontre du discours péquiste qui soutient encore que la souveraineté gagne en popularité chez les jeunes. «C'est un terrible jugement chez ceux qui se considèrent comme les leaders du mouvement souverainiste», a statué M. Parizeau.
Il a incité ces leaders à refaire leurs devoirs, à reprendre les études et les analyses sur les avantages de la souveraineté, afin d'être en mesure de convaincre les électeurs le moment venu. Et surtout, il leur a demandé de parler au vrai monde, au lieu de débattre entre eux.
Toute cette histoire met en évidence l'ampleur du débat qui a cours actuellement au sein du PQ autour de la démarche à suivre d'ici les prochaines élections. Si on se fie aux commentaires de M. Parizeau, il est assez évident qu'une portion importante des souverainistes aimeraient voir Mme Marois s'engager plus avant sur l'avenue des référendums sectoriels. La chef du PQ n'a pas voulu le faire, dimanche dernier, mais elle sera de plus en plus confrontée à l'impatience d'une frange importante de son parti. Son refus de se prononcer a tenu la route jusqu'à maintenant, mais il sera vite perçu comme un manque de courage ou de plan d'action si elle persiste. Dans les circonstances, Pauline Marois a grandement besoin d'une belle victoire le 23 juin, aux élections complémentaires dans Rivière-du-Loup.
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