L'indépendance du Québec est non marchandable

Le délire horloger de Jean Dorion

Sophismes, victimisation et culpabilisation empoisonnent le débat

Tribune libre

La télévision iciradiocanadienne a donné au cours des dernières semaines la parole à quelques chalands qui affirmaient que la charte Drainville entraînerait la remise en question de leur allégeance souverainiste et qu'ils pourraient même dans certains cas envisager de déménager au Canada.
Dans le même ordre d'idée, Jean Dorion ancien député du Bloc et ex-président de la très nationale et tricotée serrée Société Saint-Jean-Baptiste, s'adonne ces jours-ci à la démagogie et aux sophismes. Lundi soir dernier lors d'un débat organisé par le MDS, il a évoqué le fait que les USA pourraient nous expulser de l'ALENA à cause de la charte qui serait selon lui en contradiction avec les politiques américaines.
Monsieur Dorion a aussi affirmé être pour une fois d'accord avec Justin Trudeau (lequel s'est aussi dit d'accord pour une fois avec Monsieur Parizeau) sur le fait que l'État demanderait aux gens de choisir entre leur job et leur religion ce qui est une grossière et démagogique exagération utilisée par trop de personnes bien au fait du mensonge qu'ils répètent dans le but de semer la confusion dans les esprits.

Le thé du chapelier fou, Alice au pays des merveilles, Lewis Carroll
C'est que le sentiment de culpabilité des Québécois fait encore recette. Afin de justifier sa surprenante adhésion à la très profonde thèse de l'héritier Trudeau, Monsieur Dorion a fait appel à sa culture classique et à sa compétence jusqu'ici inconnue du grand public en horlogerie, expliquant à l'assistance qu'une montre brisée donne l'heure juste deux fois par jour.
Il a aussi prévenu les auditeurs que les gens qui ne pourraient plus porter leur signes religieux et perdraient leur emploi risquaient de se radicaliser et pourraient éventuellement rejoindre les intégristes. Évidemment, il a mentionné que ceux qui étaient indépendantistes pourraient aussi devenir fédéralistes et nous feraient perdre le prochain référendum. Donc sophisme : nous perdrons le prochain référendum à cause de la charte. À ce stade, l'auditeur attentif finit par se demander s'il ne faudrait pas aller jusqu'à faire du Québec une république islamiste afin de s'assurer du vote intégriste en faveur de l'indépendance. Resta à savoir comment cette initiative réconforterait nos voisins américains...
IL faut dire à Monsieur Dorion que si les gens choisissent l'identité canadienne plutôt que l'identité québécoise pour cette raison : grand bien leur fasse ! s'ils décident de s'exclure d'une société unique en Amérique du nord pour se fondre dans le magma multiculturel anglo-saxon qui les ignorera et les abandonnera à eux-mêmes, les réduisant à l'instar de la très libérale et anti-charte Chambre de Commerce de Montréal, à leur seule valeur économique. Les Québécois eux, souhaitaient voir en ces nouveaux citoyens des frères et des sœurs, des amis et amies, des conjoints et conjointes et non des étrangers refermés sur leur seule communauté.
L'espoir est plutôt venu lundi soir de la prestation de l'autre panéliste, Djemila Benhabib, qui a notamment expliqué qu'il fallait cesser de considérer les musulmans comme un seul bloc et que, comme dans le reste de la société, il y a des divergences d'opinions dans le monde musulman. On peut donc être à la fois musulman et citoyen d'un état laïc.
La vérité est qu'aucune religion ne force à porter un costume particulier sous peine d'exclusion sinon les adeptes de cette religion ne pourraient jouer au théâtre, faire de la plongée sous-marine, devenir astronaute etc.
Si quelqu'un décide de s'imposer à lui même et aux autres, en tout temps et en tout lieu une tenue ou un comportement à connotation religieuse contraire au monde moderne, c'est lui-même qui s'exclut de la civilité et c'est à cette personne d'assumer ce choix et les conséquences sociologiques et invariablement économiques qui en résultent.
Chacun peut faire ce qu'il veut mais ce n'est pas à la collectivité d'assumer les particularismes individuels et caprices découlant des états de conscience des individus. Si quelqu'un préfère s'isoler avec l'interprétation qu'il se fait de sa religion, à l'encontre de sa relation avec ses contemporains lesquels vivent autour de lui sans possibilité de créer de relation satisfaisante, qu'il assume ce choix et ne se plaigne pas d'être ignoré, isolé et incompris.
Une intervenante, lors du débat de lundi soir, a suggéré l'adoption d'une clause "grand-père" qui permettrait aux employés de l'état engagés avant l'adoption de la charte de maintenir leurs habitudes vestimentaires comportant une dénotation religieuse jusqu'à leur retraite, ce qui n'est pas très long si on le compare à la vitesse d'évolution d'une société. Quoi qu'en pense Monsieur Dorion, personne au Québec ne souhaite arracher les vêtements ou les coiffures des gens au nom de la laïcité.
C'est qu'il faut être bon quand on impose un changement, mais pas naïf. À entendre Dorion on avait l'impression que le Québec se préparait à organiser un autodafé. Le but n'est pas de victimiser des individus ni de les faire souffrir mais d'apprendre à tous qu "'il y a un temps pour toute chose (...)" (-Écclésiaste 3, v.1) comme celui de porter des signes religieux et celui d'expliquer et de faire respecter progressivement avec toute la délicatesse requise le principe de la laïcité de l'état qui n'avait jamais été enseigné ni précisé, ni affirmé jusqu'ici en cette terre québécoise conquise et moulée par la pensée britannique libérale et multiculturelle.
Si en plus, la contestation des costumes imposés permettait de libérer quelques individus de leur enfermement et de créer quelques rapprochements cela serait sans doute un avantage pour l'enrichissement de la société québécoise.
C'est peut-être cet engagement qui effraie le plus ceux qui tiennent à imposer et maintenir le sectarisme et l'exclusion et qui entretiennent le clientélisme de leurs disciples. Il n'y a de véritable intégration que par le long processus des longues amitiés et des mariages métissés qui demande plusieurs générations et créent les peuples unis.
Monsieur Dorion se trompe à propos de Justin Trudeau : contrairement à une montre brisée qui donne l'heure juste deux fois par jour, une montre folle ne cesse de tourner bien trop vite et de ce fait ne donne jamais l'heure juste.


Laissez un commentaire



7 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    14 octobre 2013

    Si ce n'était pas si drôle, Dorion, Jean de son prénom, me ferait pleurer comme il a pleuré lors de sa comparution devant la commission Bête et Taylor, appelée aussi commission Bouchard-Taylor, en versant des larmes qui ont fait honte au peuple qu'il prétendait défendre tout en faisant la promotion de l'indépendance du Québec. Et c'est cet individu, grand président ? devant les membres de la SSJB de Montréal, qui viendrait nous donner des leçons tout en jouant le jeu des Anglais en essayant de nous faire peur. Faut-il se surprendre de la position de Jean Dorion. Seul-e-s celles et ceux qui ne le connaissent pas pleureront avec lui sur les supposés malheurs qui attendent les Musulmans, les Juifs et autres religieux de différentes religions oeuvrant en porte-à-faux dans le présent débat. La position de Dorion, près ou semblable a celle des premiers ministres, n'a pas plus de valeur que la position de Mm Bouchard et frère et celle de M. Parizeau. Laissons ces gens défendre l'indéfendable comme ce fut le cas dans d'autres pays, mais en aucun cas dans les pays islamo- musulmans , ces grands défenseurs des femmes ? et de la liberté ? des peuples et des religions dans leurs différents pays.

  • Gérald McNichols Tétreault Répondre

    13 octobre 2013

    @ Jean Dorion
    vous avez raison : c'était encore pire que ça, j'ai dû simplifier. La raison pour laquelle votre pensée attire la caricature c'est que vous proposez sans aucune subtilité un marchandage grossier selon lequel les Québécois devraient renoncer à un espace civique dépourvu de signes et de comportements religieux pour courtiser le vote religieux. Ce calcul est justement une proposition d’empiétement du religieux dans le politique. C'est ce que la séparation de l'État et de la religion vise à éviter. On ne veut pas discuter de nos lois avec des religieux mais avec des citoyens qui laissent leurs croyances religieuses à la porte du périmètre civique. De plus lorsqu'on vous interpelle ou tente de discuter avec vous vous ne faites que répéter péremptoirement les mêmes arguments sans essayer de comprendre que vos auditeurs ne veulent pas être les prisonniers du marchandage et de la culpabilisation que vous proposez. Comme vous ne voulez pas les entendre et que vous répétez sans cesse "votre pensée" et le chantage qui en découle (cèdez ou nous n'aurons pas l'indépendance). On ne peut pas acheter l'adhésion à l'indépendance pour un plat de lentilles et ceux envers lesquels vous implorez notre compromission n'ont de toute façon jamais eu l'intention de mener à terme inconditionnellement le projet indépendantiste québécois sinon jamais n'auraient-ils osé remettre en question leur adhésion à l'indépendance du Québec comme votre consœur Mourani et les dirigeants de Québec Solidaire le font au gré de de leur humeur. On ne marchande pas les valeurs républicaines ni l'indépendance du Québec.

  • Archives de Vigile Répondre

    12 octobre 2013

    Cet article présente une simplification grossière de ma pensée. Celles et ceux qui voudront bien se donner la peine de lire mon livre INCLURE. Quelle laïcité pour le Québec ? pourront s'en rendre compte facilement.
    Jean Dorion

  • Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre

    11 octobre 2013

    AVe,
    Le retour de votre fine ironie est un signe d'une vitalité sans borne. On en veut encore.

  • Archives de Vigile Répondre

    11 octobre 2013

    Les curés... rien de pire! Y'en a tout plein à gauche aussi, Mère Thérèsa, le Révérand Khadir, et depuis peu, les frères Parizeau, Bouchard et Landry.
    Il ont tous la même peur en tête, non pas la peur des foudres de Dieu, mais la peur de : « Doux Jésus Deigneur Dieu, que c'est qu'c'est que e l'monde vont dire...».
    AVe

  • Claude Richard Répondre

    11 octobre 2013

    Tout à fait d'accord. Jean Dorion, qui est lui-même culpabilisé à l'extrême (peut-être veut-il se faire pardonner d'être souverainiste), joue avec la tendance à la culpabilisation des Québécois. Il est parti dans un délire moraliste assez indigne d'un homme comme lui. Il s'étourdit et s'aveugle à essayer d'avoir raison.

  • Archives de Vigile Répondre

    11 octobre 2013

    "pensée britannique libérale et multiculturelle..."
    Pas sûr que cette pensée soit "britannique". Les Anglais d'Angleterre, pour beaucoup d'entre eux, rouspètent eux aussi contre le multiculturalisme qui atteint leur pays.
    C'est plutôt une pensée de la bourgeoisie-Système, la dite bourgeoisie-Système qui est cosmopolite et surtout riche.
    Il est certain que la plupart des politiciens sont au service de la bourgeoisie-Système et défendent le multiculturalisme et surtout l'immigration, la bourgeoisie-Système ayant besoin des immigrants pour faire baisser les salaires en créant une abondance de main-d'oeuvre pour les emplois disponibles.
    Aussi, un territoire partagé entre une multitude d'ethnies diverses rend plus difficile un projet de société commun.
    Ainsi, le seul projet de société qui reste est celui des élites-Système qui est le chacun pour soi et le "au plus fort la poche" dans lequel le citoyen n'est rien d'autre qu'une ressource humaine qui doit répondre aux besoins du marché des bourgeois-Système pour sa survie.
    Et soyez assuré que les bourgeois-Système vont mettre le paquet pour sauvegarder leur Système.
    On peut le voir par la propagande constante des médias mainstream qui manipule les chiffres du chômage par exemple.
    Encore à Trois-Rivières ce matin, on annonçait la mise à pied de 57 travailleurs à la papetière Kruger.
    http://www.lapresse.ca/le-nouvelliste/economie/201310/11/01-4698756-kruger-57-mises-a-pied-dici-janvier.php
    Par contre, les médias mainstream nous annonce le même jour une baisse du taux de chômage.
    On sait qu'à chaque mois, on ne compte plus un bon nombre de travailleurs que l'on juge avoir abandonné la recherche d'emplois, une façon pratique de faire baisser le taux de chômage.