Le débat sur la succession au trône en Cour d’appel

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Le fédéral a changé arbitrairement les règles de succession au trône... sans consulter les provinces

Le Canada a-t-il bel et bien respecté les règles constitutionnelles en acceptant que la succession au trône ne soit plus réservée aux aînés masculins des monarques ? Ou a-t-il erré, en acquiesçant à ce changement il y a cinq ans, et devra-t-il de ce fait rouvrir la Constitution ? Le débat sur la question reprend en Cour d’appel, ce lundi.



Le gouvernement de Stephen Harper avait accepté en 2013, de concert avec les 14 autres pays du Commonwealth, d’approuver le changement aux règles à la succession du trône réclamé par la Grande-Bretagne. Dorénavant, l’aîné du roi ou de la reine accéderait au trône, quel que soit son sexe. Et le monarque pourrait épouser une personne de religion catholique, et non plus uniquement une personne de religion protestante. L’assentiment à ce changement a été adopté par la Chambre des communes et le Sénat, mais pas par les provinces.



Le gouvernement fédéral plaide qu’il n’avait pas à modifier la Constitution pour ce faire — et donc obtenir le consentement de sept provinces représentant 50 % de la population. Les professeurs à la Faculté de droit de l’Université Laval Patrick Taillon et Geneviève Motard le contestent. La Cour supérieure avait cependant tranché en faveur d’Ottawa, il y a deux ans. M. Taillon et sa collègue ont interjeté appel et l’audition débute ce lundi à Québec.



« On met en jeu notre indépendance pour s’éviter un débat avec les provinces », déplorait le juriste en entretien avec Le Devoir, la semaine dernière.



Théorie inventée ?



La Loi constitutionnelle de 1982 dit, à l’article 41) a), que le consentement des Communes, du Sénat et des assemblées législatives des provinces est nécessaire pour modifier les passages portant sur « la charge de Reine, celle de gouverneur général et celle de lieutenant-gouverneur ». Ottawa estime que l’article ne s’applique pas, car il existe une règle non écrite qui veut que le Canada et le Royaume-Uni aient le même souverain et que cette reconnaissance soit automatique.



Patrick Taillon et sa collègue, qui ont l’appui du gouvernement québécois qui est intervenant dans ce dossier, soutiennent au contraire qu’Ottawa a « inventé une théorie ».



« Chaque fois que le Québec a des demandes [constitutionnelles], chaque fois que les autochtones ont des demandes, on se fait dire que la Constitution est trop difficile à modifier. Et là, à l’inverse, quand le gouvernement fédéral, lui, a des changements à faire, il s’invente une théorie pour éviter la modification constitutionnelle », a fait valoir M. Taillon au Devoir.



Rouvrir la Constitution



Le juriste assure qu’il n’a rien contre le changement qui permet désormais aux premières-nées d’être héritières au trône britannique, plutôt que de devoir céder la place à un jeune frère, comme c’était le cas jusqu’à tout récemment. « C’est une occasion pour nous de faire respecter la primauté de la Constitution », insiste-t-il.



S’il emporte sa bataille judiciaire, il prédit que le gouvernement fédéral sera forcé de rouvrir la Constitution canadienne pour assurer l’uniformité de la Couronne.



Le sénateur Serge Joyal, qui est intervenant dans cette cause en soutien à la position du gouvernement fédéral, plaide qu’au contraire le concept de « charge de Reine » inscrit à la Constitution canadienne « n’inclut pas les règles de désignation du titulaire du trône ». Et que cette notion n’a jamais été discutée en marge des négociations constitutionnelles précédant le rapatriement de la Constitution. « Les règles de désignation du titulaire [du trône] relèvent de Westminster, selon la procédure énoncée au Statut de Westminster », écrit-il dans son mémoire à la cour d’appel.



L’équipe de M. Taillon a été déboutée en Cour supérieure au début de 2016. Les audiences de l’appel se dérouleront lundi et mardi, au palais de justice de Québec, après quoi le juriste s’attend à devoir patienter jusqu’au printemps avant d’avoir le verdict, compte tenu de la complexité du dossier constitutionnel et du fait que la cause pourrait bien aboutir en Cour suprême.


> La suite sur Le Devoir.



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